Que verra-t-on plus en 2013 qu'en 2012? Après la nouvelle cuisine latino-américaine et la lente mais sûre croissance de l'espace réservé aux légumes travaillés dans nos assiettes, je parie que 2013 sera une année où l'on remarquera la présence des restaurants asiatiques non traditionnels dans nos environnements urbains.

Comme si les enfants de l'immigration, totalement intégrés, mélangés aux nouveaux venus remplis de la modernité actuelle de pays asiatiques tels le Japon, la Corée, la Thaïlande ou la Chine, étaient en train de redéfinir ce que sont les restaurants asiatiques d'aujourd'hui, successeurs de ceux qui, jadis, se retrouvaient seulement dans les Chinatowns ou les centres commerciaux.

À Montréal, de plus en plus de restaurants offrent une expérience prisée par les gens dans la vingtaine ou la trentaine, avec des menus qui n'ont plus rien à voir avec le chow mein et le poulet général Tao d'il y a 30 ans. Pensez à Big in Japan, évidemment, ou alors à Kazu, cet izakaya (bar à tapas nippon) de la rue Sainte-Catherine Ouest où l'on découvre une cuisine qui évoque pas mal plus Joe Beef que Beni Hana. Ou alors il y a KanBai, de l'autre côté de la rue, où les serveuses portent parfois des lunettes sans verres correcteurs, juste pour le style, et dont on ressort souvent la bouche anesthésiée, ô bonheur, par de fortes doses de baies de Sichuan.

Sur la liste montréalaise, on pourrait aussi ajouter Imadake, près d'Atwater, ou alors Sumo Ramen, sur le boulevard Saint-Laurent. Ou encore Kinoya, une adresse plutôt japonaise, mais aussi un peu coréenne, de la rue Saint-Denis.

Avec ses fleurs géantes sur les murs et son mobilier aux angles droits, Kinoya est résolument moderne et inspiré par l'esthétique japonaise. Une musique populaire, forte, indique clairement dès l'arrivée qu'on est dans un restaurant qui doit devenir très bar, plus la semaine avance. Lorsque les clients arrivent, on crie bienvenue en japonais, comme le veut la coutume dans les izakaya. Ici, les assiettes préparées par un chef d'origine chinoise, formé au Japon, se succèdent. Belles, savoureuses, souvent polies, parfois un peu trop.

On recommande de choisir deux plats par personne, donc tout le monde autour de la table y va du sien. C'est ainsi que les peu entreprenants se retrouvent avec des rouleaux printaniers doucement craquants, mais fades au goût, ou des crudités tempura enduites de tant de pâte frite qu'on ne reconnaît plus le légume. D'autres, plus hardis, tentent un plat de langue de boeuf braisée, qui s'avère très tendre, savoureux, avec une sauce de type demi-glace qui aurait pu accepter un peu de piquant, un peu d'acidité.

Le secret est dans la présentation

Chaque plat arrive très bien présenté. Une petite boule de pâte de wasabi ressemble, sculptée, à une feuille verte. Mignon. Le tataki de thon blanc est, quant à lui, simple mais élégant, préparé avec du poisson impeccable et servi en très fines tranches, comme il se doit, avec un peu de tobiko et de la ciboulette fraîche.

Offerts froids, les haricots verts craquent encore solidement sous la dent, enrobés d'une sauce au sésame noir qui leur donne un goût de noisette. Intéressant.

Les gyoza, ces ravioles japonaises finies dans la poêle, s'imposent aussi par la qualité de leur réalisation. La pâte est juste assez croquante, la farce au porc est aérienne. Les bouchées au saumon sont aussi délicates bien que relevées, avec du poisson cru et une sauce au miel et au wasabi et des grains de riz soufflés pour une touche croquante. Il manque un peu d'acidité dans la composition, mais les petites portions, servies dans de grosses cuillères blanches de porcelaine, glissent toutes seules dans la bouche.

Le plat le plus intéressant de la soirée, toutefois, s'avère

un plat de nouilles udon, donc costaudes et soyeuses, servies avec du kimchi - du chou mariné épicé à la coréenne -, des morceaux de porc et des lanières de poisson séché, fines comme du papier, qui s'effritent sur le palais. En osant, avec des saveurs fortes et précises, l'assiette réveille et amuse les papilles. On en voudrait plus.

Pour le dessert, on passe tout droit. De la glace à la vanille, de la glace avec de la poudre de thé vert... L'intérêt de cet izakaya sans prétention n'est pas là, mais ailleurs. Il est dans cet effort honnête d'offrir une cuisine asiatique moderne, savoureuse, qui pourrait aller plus loin, mais qui est tout de même dans une bonne direction.

Kinoya

4250, rue Saint-Denis, Montréal

514 508-5200 www.kinoya.ca

Prix: très grande variété de petites assiettes, de 3 $ à15 $ chacune.

> Carte de vins: courte et remplie de banalités. On choisit plutôt du saké, peut-être même pétillant, ou de la bière.

> Service: gentil, souriant - on aime bien le cri de bienvenue en arrivant, typique des izakaya -, mais très lent.

> Atmosphère: lieu moderne, fréquenté par des jeunes du Plateau. Musique forte.

> Décor: moderne, fleuri, avec des murs de briques, des ampoules suspendues. La cuisine ouverte, malheureusement, laisse une odeur de friture mal évacuée.

Point positif : coup de coeur pour les nouilles udon au kimchi qui valent le détour.

Point négatif : une cuisine qui manque un peu de zeste.

> On y retourne? Oui (pour les nouilles).