Dans le vaste monde de la gastronomie, la cuisine péruvienne a actuellement la cote.

Portée depuis quelques années par le travail du grand chef Gaston Acurio, homme dont l'impact social et politique pourrait ressembler à celui d'Alice Waters ou de Jamie Oliver, cette culture s'impose. Homme d'affaires important gérant un empire de restaurants, en commençant par la table phare Gaston y Astrid, Acurio est aussi une gigantesque vedette. Il lui faut des gardes du corps pour marcher dans les rues de Lima. Et on aime dire de lui que sa popularité lui permettrait d'être élu président.

Ceviche, tamales, quinoa sous toutes ses formes, plats aux racines exotiques et aux grains anciens font maintenant partie du répertoire des temps modernes, déclinés et diffusés notamment par les disciples du maître, en commençant, par exemple, par le jeune Virgilio Martinez, dont les restaurants, le Central à Lima et le Lima à Londres, attirent toutes les attentions.

Tout cela se passe loin de Montréal, mais il y a ici deux tables qui cherchent à mettre de l'avant cette cuisine péruvienne toute en modernité. On pense à Raza, avenue Laurier Ouest, du chef Mario Navarette Jr. Et puis, à Mochica, rue Saint-Denis.

Installé dans la partie très fréquentée de cette rue, entre Roy et Duluth, le restaurant est accueillant, avec un niveau de bruit feutré et une décoration moderne ponctuée de références sculpturales à la civilisation précolombienne mochica, qui a régné sur la côte nord du Pérou.

Du lama au menu

Au menu, on combine ingrédients d'ici et plats traditionnels péruviens. Une des vedettes est d'ailleurs la viande de lama, provenant en exclusivité d'un producteur de la région de Compton, dans les Cantons-de-l'Est. On sert cette viande tendre, savoureuse, évoquant un tout petit peu l'agneau, sous forme de kebab et même de filet mignon.

En entrée, on choisit le ceviche, bien entendu, ce plat traditionnel de poisson frais mariné dans le jus de citron, avec piments et coriandre fraîche. Chez Mochica, on peut le prendre en version traditionnelle, préparée avec du tilapia - poisson blanc d'élevage avec peu de personnalité, mais choisi de qualité sashimi - ou en version mixte et on le sert alors avec, en à côté, un bol de fruits de mer marinés où se retrouvent palourdes, moules, crevettes, etc.

Dans les deux cas, les produits sont frais et la préparation classique, bien structurée par l'acidité du jus d'agrumes qu'adoreront les amateurs de simplicité.

Sachant le potentiel de ce plat, on aimerait toutefois un petit peu plus de piment, un petit élément plus parfumé, des détails croquants qui donnent au plat une plus grande complexité.

Pendant que les parents mangent leur ceviche, les enfants grignotent des frites de manioc, croquantes, consistantes, qui s'envolent en un coup de vent, à peine trempées dans une sauce au fromage et une mayonnaise un peu piquante. Grand succès.

En plat principal, les pétoncles au quinoa sont à la hauteur des attentes. Frais, cuits doucement en escabèche - à peine pochés au vinaigre -, servis avec un risotto de ce grain ancien, avec des oignons. L'assiette est minutieusement agencée.

De façon générale, tous les plats sont présentés de façon élégante, comme ce risotto de canard à la coriandre moulue et à la bière, présenté avec quelques choux de Bruxelles, un plat à la fois chic et costaud, qui offre en réconfort ce qu'il manque en délicatesse.

Le filet mignon de lama, lui, est présenté avec une fricassée de pommes de terre séchées au soleil, petits navets blancs et carottes.

Un peu partout dans les plats, on retrouve ces petits légumes frais d'hiver, un peu croquants, qui font contrepoint aux viandes avec leur jolie fraîcheur d'automne.

Les desserts

Quand les desserts arrivent, le voyage exotique se poursuit. On aime bien le sandwich à la meringue fourré d'une glace au lucuma, un fruit jaune farineux évoquant l'ananas que le chef - un Péruvien établi ici depuis de nombreuses années - fait venir du pays sous forme déshydratée.

Des profiteroles un peu coriaces sont aussi servies avec cette glace et une riche sauce au chocolat noir péruvien, dont la richesse brute est remarquable.

On propose aussi des crêpes au manjarblanco, cette version péruvienne un peu plus laiteuse du dulce de leche argentin. Sympathique pour ceux qui ont envie d'une bonne bouchée de sucre, sans plus de subtilité.

Repas intéressant, donc, hors des sentiers battus, préparé avec minutie et respect des ingrédients. Le tout a un prix, cependant.

Mochica. 3863, rue Saint-Denis. Montréal, 514-284-4448

Prix : Entrées entre 8 $ et 12 $, plats entre 18 $ et 40$. Menu dégustation six services à 36 $.

Vins : Carte de vins courte et prévisible avec quelques valeurs sûres argentines et chiliennes. Il y a aussi des vins et alcools du Pérou.

Service : Efficace et sympathique, qui fournit toutes les explications et les accommodements nécessaires.

Ambiance : Le soir où nous y sommes allés, le niveau de bruit était bas, on s'entendait très bien parler, c'était agréable. La plupart des gens dans la salle semblaient avoir un attachement particulier pour le Pérou donc ce n'est pas un restaurant de quartier, mais bien qui attire des amateurs de ce type de cuisine.

Décor : Joli décor aéré, moderne, avec juste assez de références précolombiennes pour qu'on comprenne l'identité des lieux sans qu'on ne tombe dans l'excès folklorique.

Plus : L'impression faire un voyage au Pérou en dégustant une cuisine originale qui sort des lieux communs que l'on voit trop dans les restaurants à la mode.

Moins : Des prix quand même élevés et une cuisine qui pourrait être encore plus raffinée, parfumée.

On y retourne ? Probablement.