C'est dans un local qui a eu plusieurs vies que s'est installée Fabbrica, autoproclamée «pasta shoppe». Question décor, rien de nouveau ni dans le mobilier, ni dans la disposition, ni dans l'ambiance générale, plutôt sympathique du reste, dans ce style vaguement néo-rustique souvent adopté au cours des dernières années par des décorateurs de boutiques ou de restaurants. En un sens, on adopte ici un vocabulaire du brut. On a remplacé le nom du resto, le chef et donc la carte, et réorienté le tout. Et ça donne quoi, ces changements? Le résultat global est plutôt bien. La cuisine s'est grandement améliorée sous la supervision d'un cuisinier sérieux, et la clientèle semble déjà profiter de l'allant.

À la carte, proposées sur un tableau noir - entrées chaudes, froides et pasta -, des spécialités probables, une cuisine plutôt sage dans le registre patrimonial italo-urbain, des assiettes montées avec goût et soin, des portions généreuses. Bref, un atout sérieux et surtout pris au sérieux pour ce quartier où, il n'y a pas si longtemps, tout était possible dans la mesure où les coûts étaient minimes et les profits, maximums! Et pour autant que le décor comportait des imitations de designers italiens, des chaises en plastique transparent (ou de couleur orange), il attirait les foules. Pour un temps. Jusqu'à ce que les clients s'aperçoivent qu'on ne peut pas monter une affaire avec un peu de vent et de la cuisine improvisée. Heureusement, ce temps-là semble révolu.

Dans la section des entrées chaudes, nous avons opté pour des beignets frits de fleurs de courgettes farcis à la mozzarella et aux anchois. Spécialité universellement aimée de la fin de l'été et du début de l'automne, ces fritures attestent de l'intérêt croissant pour la cuisine de saison, en saison! Les beignets sont croustillants, mais manquent un peu de sel. La texture fondante de la garniture est parfaitement adaptée au craquant de la pâte; ce sont des bouchées simples et toniques. Autrement, une tomate assez mûre est découpée et farcie de mozzarella (de vache), laiteuse et bien assaisonnée. La présentation reste originale pour une caprese méridionale: saveurs et textures justes, juxtaposées autour d'un condiment au basilic frais, un trait d'huile d'olive. Souvent il n'en faut pas plus. Dans ce type de cuisine, la difficulté réside dans la retenue, la pudeur, comme une petite gêne dans l'ajout. Tout doit être incorporé du bout des doigts sinon on se plante.

Côté pâtes, le chef sait y faire et on le sent légèrement effréné avec sa dizaine de propositions, toutes adaptées à l'automne, beaucoup de champignons, de tomates fraîches ou en sauce, de fromage. Nous avons donc choisi des tagliatelles de très bonne qualité, savoureuses, encore fermes au centre, qu'on aura enroulé dans une sauce onctueuse aux porcinis. Puis, comme un contrepoint surprise, le chef vient lui-même râper du foie gras (à partir d'un bloc surgelé, enturbanné dans une serviette), un caprice qui doit certainement ajouter quelques dollars au plat, mais qui, au fond, n'apporte pas grand-chose. Les gnocchi, nappés d'une sauce tomate crémeuse et vraiment suave, ne déçoivent jamais quand ils ont, comme ici, cette qualité aérienne. Des raviolis sont farcis de ricotta et nappés de beurre fondu et de sauge sautée dans le gras et saupoudrés de Parmigiano Reggiano, et ça donne habituellement un grand classique de saison froide, qu'on avale goulûment tellement c'est bon. Ce qui serait le cas si les cuisiniers n'avaient échappé la salière et raté la sauce. Dommage pour la pâte si délicate qui se déchire avec le bout de la fourchette, et cette farce, précisément assaisonnée, elle.

En finale, la torta caprese, un gâteau sans farine fait d'amandes mondées et de chocolat, au goût bien beurré avec une petite touche d'alcool que je ne réussis pas à identifier, joue à fond la sensualité de la fin du repas.

Fabbrica

6896, rue Saint-Dominique

514-564-3842


> Prix Cher. Entrées autour de 15$, pastas 21-30$, 10$ le verre de vin, la facture monte vite. Comptez autour de 180$ à deux avec quelques verres de vins (4), les taxes et le service.

> Vins Carte assez limitée, mais les choix ne sont pas inintéressants. Au verre, c'est plutôt étriqué et à 10$ pièce, on fait vite monter les enchères. Difficile de comprendre pourquoi ce genre de restaurant n'adopte pas une véritable approche d'oenothèque comme cela se pratique de plus en plus. En bouteille, des crus à prix un brin boursouflés.

> Faune Néo-bobos du quartier, nostalgiques de la boiserie et du voyage en Toscane.

> Service Volontaire et souriant, affichant un souffle communicatif, bref, à son affaire.

PLUS: Surtout cette cuisine domestique, ramassée, expressive qui, malgré quelques «hics», reste très distinguée.

MOINS: Des prix assez excités pour des pâtes, et pour le reste aussi.

On y retourne? Oui, si on gagne à la loto....