Chaque année, depuis six ans, le scénario se répète: je passe mon été au restaurant. Midi et soir. Pas mal tous les jours. Parfois, oui, c'est trop. Mais c'est mon boulot. Raison de ce sprint: la mise à jour de mon guide Restos Montréal 2013, qui sort dans quelques semaines.

Ai-je fait de belles découvertes cet été? Oui. Plusieurs. En commençant par le minuscule Café Sardine, une table du Mile End que je connaissais pour son bon café et ses beignets baroques - gingembre, fleur d'oranger - ,mais qui a aussi une autre personnalité.

Le soir, en effet, le restaurant se transforme en minidestination gastronomique où se décline ce qui, à Montréal, se rapproche le plus de la cuisine néo-sauvage de Scandinavie.

Ce n'est pas Noma, ni Relae, ni Faviken, tables phares des pays nordiques. Mais un des chefs de l'équipe, Aaron Langille, a fait un passage à Copenhague chez Noma, justement, en plus d'avoir travaillé à Montréal au Filet du Club chasse et pêche.

Les plats qu'on réussit à produire dans la minuscule cuisine - le restaurant s'appelle Sardine parce qu'on y est tassés comme des sardines! - sont créatifs, bien faits. Et on ne peut que se réjouir d'une telle originalité, dans un univers montréalais où l'on se croyait un peu condamné pour toujours à manger les mêmes huîtres et les mêmes charcuteries.

Donc si vous cherchez une énième salade de betteraves au chèvre, vous serez déçu: ici, on sert ces racines marinées et grillées, avec des pêches fraîches et une crème infusée au foin. Décoiffant. Peut-être un peu bancal vu le degré d'acidité des marinades, mais surprenant jusqu'à la dernière bouchée.

Le menu varie au gré des arrivages, mais la formule demeure toujours la même: on commande des petits plats, qu'on partage ou pas et qui forment, à deux ou à trois, voire à quatre, un repas complet. S'y entremêlent des légumes, des viandes, des poissons, des saveurs sauvages, inédites, qui s'expriment ici par une meringue aux cendres d'herbes aromatiques ou là par une feuille d'angélique.

Nos coups de coeur? Une assiette d'agneau grillé servi avec des oignons verts rôtis - qu'on mange avec les racines comme les fameux poireaux de chez Noma - sur un pesto de noix de Grenoble et de menthe sauvage. Une composition complexe qui fait un clin d'oeil au classique mariage menthe et agneau tout en le renouvelant complètement.

Autre superbe surprise: un morceau d'espadon moelleux doucement cuit en papillote dans une feuille de maïs, accompagné d'une salsa au maïs frais et aux tomates-cerise divinement sucrées. Du quinoa poêlé complète le tout en se donnant des airs de pop-corn. Bravo.

Pour le filet de porc, on n'a pas réussi à être aussi subtil, côté cuisson - écueil de la viande un peu sèche -, mais le superbe pistou de marjolaine qui complète l'assiette avec une sauce aux cerises de terre nous fait oublier tout ça.

Et si l'oeuf frit servi sur une belle poêlée de champignons sauvages, dont quelques chanterelles et une morille, s'avère riche et onctueux, le gâteau à l'oeuf sur lequel sont déposés les éléments, lui, déçoit: un peu trop éponge, pas très délicat.

Pour le dessert, on joue encore très loin des sentiers battus avec un gâteau au fromage bleu ou une assiette de petits fruits - bleuets sauvages minuscules, au parfum concentré, framboises, fraises de fin d'été, cerises de terre - que l'on sert avec une meringue molle aromatisée au pin et une sauce au poivre sucrée. C'est léger, mais ça fonctionne, car toutes ces saveurs fraîches et pimpantes se rencontrent joyeusement, orchestrées comme un air souriant, heureux.

Sardine

9 av. Fairmount

Montréal

514-802-8899

cafesardine.com

Prix: l'assiette typique est entre 9 $ et 15 $. Mais il y a aussi un joli pain à la tomate, façon catalane à 2 $.

Carte de vin: triée sur le volet, la carte inclut plusieurs vins « nature » ou en biodynamie à prix raisonnables. Plusieurs recommandations intéressantes au verre. Sommelier passionné. Aussi, choix original de boissons sans alcool, comme une limonade maison au gingembre, délicieuse et désaltérante.

Style: on est dans le Mile-End et l'endroit est rempli de bobos et de hipsters qui aiment la bonne cuisine, créative mais jamais précieuse. On ne peut pas faire de réservation donc on arrive tôt pour être sûr d'avoir de la place. Le lieu est tout petit. Et il y a du wi-fi, si ça vous intéresse.

Service: gentil mais très lent, malheureusement.

Plus: l'originalité de la cuisine, la qualité des produits, l'atmosphère chaleureuse, sympathique.

Moins: les portions sont vraiment toutes petites donc avis aux affamés. Et parfois, les plats sont maladroits. Oh, et le service est lent, très lent.

On y retourne? Absolument.