Je suis allée à La Pinsonnière récemment. Il faisait un temps magnifique sur la terrasse, d'où la vue est spectaculaire. J'y étais en bonne compagnie avec des amoureux de Charlevoix de plusieurs générations. Et malgré quelques agacements autant dans le service que dans l'assiette et, surtout, l'absence d'autres convives dans l'établissement, le repas se déroulait bien, ponctué par certains plats intéressants.

Et puis... Et puis est arrivée la note: 352$ pour quatre personnes, soit 88$ par tête.

Tout ça pour un souper bien arrosé aux multiples services?

Pas du tout. Pour un lunch. Ce genre de lunch où l'on prend un seul verre de vin, et encore. Où l'on mange quelques verdures en entrée, un plat léger, un petit dessert et hop, c'est terminé.

Croyez-moi, des additions élevées, j'en ai vu quelques-unes dans ma vie. Mais pour ça? Je ne crois pas avoir jamais été dans un restaurant où on paie tant pour si peu.

La Pinsonnière est une auberge Relais&Châteaux située à Cap-à-l'Aigle qui fait aujourd'hui partie de La Malbaie. Surplombant le fleuve comme seules les belles hauteurs de Charlevoix savent le faire, ce village est charmant.

L'auberge, toutefois, l'est un peu moins. Même si elle répond aux critères de confort exigés par les Relais&Châteaux, son style n'a rien de spécial ou d'adorable. On pourrait dire qu'on a l'impression d'y plonger dans les années 90, avec tous ces tons lourds et ce style éteint, mais ce n'est pas ça, le problème. L'hôtel Post, au lac Louise, en Alberta, où je suis allée récemment, est aussi un Relais&Châteaux qui a l'air tout droit sorti des

années 90, même 80. Mais il est charmant et encore actuel à sa façon, avec sa personnalité nette, bien léchée, ses tons vert forêt et son esthétique un peu chalet suisse, un peu Ralph Lauren.

La Pinsonnière, elle, ne donne pas l'impression de savoir ce qu'elle est, avec son style ni «hôtel boutique», ni opulent, ni champêtre. Et les oeuvres d'artistes de la région, sur les murs, n'y changent rien.

J'y suis arrêtée pour le lunch, mais ce que je ne savais pas, c'est que le menu est alors bien limité. Dommage pour un dimanche midi et pour ce genre d'établissement touristique éloigné où une visite à la mi-journée est souvent une option plus conviviale qu'en soirée.

Sur la carte, on nous indique clairement que les plats sont pratiquement tous accompagnés uniquement de salade et de frites. Comme ce plat de doré, où le poisson est bien cuit, mais où, dans cette assiette vide d'idées, on cherche la moindre trace d'originalité. Même chose pour l'assiette de pintade confite où, même si la viande est tendre et bien savoureuse, on trouve la composition courte, lourdement minimaliste.

Certes, la salade d'oseille, de mélisse et d'épinard est impeccable et magnifiquement verte et sympathique vu la fraîcheur de ces verdures savoureuses. Mais est-ce suffisant? Et les frites? Sans intérêt.

Pour un plat un peu plus complexe, il fallait choisir le homard froid, présenté joliment, avec des suprêmes de pamplemousses bien acidulés. Mais ce fruit n'est pas particulièrement estival, non? Et est-ce que le homard était parfait? On l'avait peu cuit, comme il faut et contrairement à tant de restaurants qui forcent la donne. Mais pourquoi cette impression que la bête a attendu un peu trop longtemps au réfrigérateur?

Une chance qu'en entrée, nous avions été séduits par une délicate soupe froide de topinambour, parfaitement soyeuse, et une entrée mignonne de micropoireaux vinaigrette où la petitesse des légumes était égale à la netteté de la présentation...

Au dessert, la pluie nous a obligés à descendre dans la salle à manger, vide. Là, nous avons pu goûter à une jolie sélection de fromages québécois, dont l'excellent Hercule de Charlevoix, et à des desserts pour la plupart bien faits - jolie panna cotta aux baies de saison -, mais là sans idées spéciales, en commençant par un brownie granuleux. Une chance que le sorbet au basilic était là pour nous faire sourire et nous indiquer que ce restaurant pourrait peut-être être à la hauteur de sa réputation et des prix qu'il demande, s'il s'en donnait un jour la peine.

La Pinsonnière

124 rue Saint-Raphaël

La Malbaie

1 800 387-4431

Prix : Très élevés pour la qualité de ce qui est offert. Exemples de prix au lunch : 14 $ pour une entrée de poireaux minuscules, 42 $ pour une assiette de homard, 25 $ pour une assiette de poisson simplissime. Desserts entre 9 $ et 13 $. Au souper, les prix augmentent. Menu dégustation à 129 $, plats principaux entre 42 $ et 48 $....

Carte de vin : Belle carte. Beaucoup de grands crus.

Service : Attentionné et très gentil, mais pas à la hauteur des attentes professionnelles d'un tel lieu avec de telles prétentions. Nombreuses erreurs, en commençant par le vin servi ailleurs qu'à la table, les tables non dressées lorsqu'on arrive en terrasse, etc.

Atmosphère : Lorsque nous sommes arrivés il y avait des convives à une seule autre table. Ils sont ensuite partis. Et personne d'autre n'est arrivé.

Plus : la vue, la vue et encore la vue.

Moins : un restaurant vide, qui demande des prix faramineux pour une cuisine ordinaire et un service gentil mais approximatif.

On y retourne : non.