Un jour, j'aimerais que quelqu'un m'explique pourquoi les rues commerciales centrales des «noyaux villageois» se retrouvent si souvent avec des restaurants moyens. Populaires, mais ordinaires.

Prenez Westmount, par exemple, avec sa zone commerciale s'étalant le long de la rue Sherbrooke un peu à l'est, mais surtout à l'ouest de Victoria. On ne dira pas que ce quartier manque d'argent pour faire rouler une bonne table. Pourtant, y avez-vous déjà vu le moindre bon restaurant avant que Park n'y ouvre tout récemment? Pas potable. Pas correct. Bon, vraiment bon?

Évidemment, me direz-vous, il y a M sur Masson dans Rosemont, qui est à la fois une très bonne table et une nouvelle institution de ce quartier, au coeur de l'action. Même chose pour Joe Beef dans la Petite Bourgogne et pour le Leméac, avenue Laurier. Mais à Ahuntsic, le Saint-Urbain, meilleure table du quartier, n'est pas dans la partie commerciale la plus active de la rue Fleury. Et l'avenue Monkland, à Notre-Dame-de-Grâce, ne compte pas réellement de table spectaculaire. Là encore, des tables populaires, oui, mais excellentes, non.

L'autre grande anomalie est la rue Bernard à Outremont, où les restaurants sont nombreux, où ils fonctionnent fort bien et où, pourtant, ce sont les moyens qui cartonnent (je fais exception pour Ian Perreault Prêt à manger qui est très bon, mais fait traiteur, pas restaurant). Prenez La Moulerie, installée angle Bernard et Champagneur, longtemps l'une des adresses les plus remplies de la rue.

Quand j'y suis allée, la dernière fois, il y a plusieurs années - c'est fermé maintenant -, on m'avait servi des moules très ordinaires avec de la macédoine de légumes en conserve mélangée à de la mayonnaise industrielle.

Est-ce dire qu'en restauration, il n'y a que l'adresse et la grandeur de la terrasse qui comptent? Ou alors que les chefs créatifs n'ont pas les moyens de s'offrir des locaux dans des secteurs prisés?

C'est l'impression que j'ai eue, récemment, en retournant aux Enfants Terribles, rue Bernard, l'une des adresses hyper populaires du moment.

La terrasse, immense, y était remplie, débordante. Si on veut regarder les gens passer, dire un bonjour par-ci et un au revoir par-là, même surprendre quelques manifestants spontanés, le lieu est idéal. On est au coeur de la vie de la rue et c'est fort agréable.

«Ouais...»

Au menu, il y a de bonnes choses. Mais qu'on prenne le macaroni au fromage, la salade de betteraves au chèvre ou le pâté chinois réinventé avec de la joue braisée - oui, le menu joue avec tous ces plats, vus et revus -, jamais de «wow!», souvent du «ouais....».

Au brunch du week-end, par exemple, un des moments les plus populaires, on offre le jus de pamplemousse frais... en mai. Il est amer et personne ne sera surpris. La saison des agrumes est terminée. Pour l'orange pressée, on ajoute un peu de fraises et ça fera un jus avec de la personnalité, sympathique. Pourquoi ne pas continuer sur cette lancée?

À la place, les assiettes arrivent sans éclat.

Certes, les oeufs ne sont pas trop cuits, ce qui est en soi un élément important. Mais les pommes de terre? En minicubes, elles sont frites, ce qui les rend dures. Et de plus, on les saupoudre d'un mélange d'épices qui rappelle directement celui des «chips barbecue».

Les saucisses qui accompagnent les oeufs? Aucune herbe ou épice naturelle ne semble les avoir approchées. Les oeufs au saumon et aux épinards? Là encore, la cuisson est bonne, mais la combinaison d'ingrédients est prévisible. L'onctueux de l'oeuf s'ajoute à la texture moelleuse du poisson, renforcée par la sauce hollandaise... Les épinards, très cuits, s'ajoutent dans le même registre au pain très tendre. On cherche une structure, de l'acidité, du croquant. Le tout est un peu mou finalement.

Rien de grave, à condition de ne pas chercher plus. Ou encore de chercher uniquement une ambiance, une jolie terrasse animée et un restaurant de quartier avec une clientèle régulière qui aime s'y retrouver, ce qui n'est pas une mauvaise raison en soi.

Les Enfants Terribles

1257, rue Bernard O.

Montréal

514-759-9918

Prix : Brunch: plats principaux entre 12$ et 19$. Lunch: entrées entre 6$ et 22$ et plats entre 13$ et 25$.

Carte de vins : Beaucoup de bons vendeurs de la SAQ qui vont des Gentil Hugel et autres Brouilly Duboeuf aux super Toscans. Mais aussi des bouteilles plus particulières, comme un Clos Jordanne du Niagara ou un Pervenche québécois...

Ambiance : On est vraiment dans un lieu rempli d'habitués qui aiment s'y retrouver. Un restaurant beaucoup plus social que gastronomique.

Style : Menu passe-partout qui offre les plats à la mode du moment, allant du foie gras au torchon aux côtes levées en passant par les calamars frits.

Plus : Une très grande terrasse directement sur la rue d'où on peut voir les gens passer, se saluer, se retrouver.

Moins : Une cuisine qui manque de zeste.

On y retourne > Non, trop d'autres terrasses à essayer.