La fermeture du restaurant chinois Tchang Kiang, rue Sherbrooke Ouest, à Notre-Dame-de-Grâce, a déçu beaucoup de clients. Ouvert depuis les années 70, ce restaurant excentré francophile, toujours accueillant et professionnel s'était bâti une clientèle de fidèles qui ne juraient que par ses ravioles appelées «kou tien», son boeuf au gingembre, ses plats aux champignons noirs et le sourire de la propriétaire.

Siao Wong, venue au Québec de Hong Kong, via Paris, nous recevait toujours comme on reçoit un invité attendu avec joie depuis longtemps. On s'y sentait bienvenus, parents et enfants inclus. La cuisine était soignée et originale, même si les épices et les textures étaient gentiment adaptées aux palais montréalais.

Comme restaurant familial, il ne se faisait pas mieux dans cette partie de Montréal où, étonnamment, la qualité des restaurants ne va pas du tout de pair avec les moyens des résidants.

En juin dernier, donc, la nouvelle est tombée comme une tonne de briques. Plus de Tchang Kiang. Le restaurant ferme. Plus de poulet en papillote. Plus de Siao pour offrir en souriant aux enfants les baguettes chinoises traditionnelles attachées avec un élastique. «Mais ça sera peut-être vendu et peut-être que ça continuera autrement», nous avait alors confié la nouvelle retraitée pour nous rassurer.

Nouvelle équipe

Et c'est effectivement ce qui s'est passé. Le restaurant a été repris par l'équipe du Yangtze, une autre institution montréalaise, installée avenue Van Horne et qui a passé au feu avant Noël.

D'entrée de jeu, la nouvelle équipe aux commandes du Tchang Kiang se présente comme vecteur de continuité. On nous promet le même menu, avec ajout de recettes typiques du Yangtze. On promet des goûts semblables, mais parfois revisités par la nouvelle brigade en cuisine.

En réalité, le restaurant a beaucoup changé. L'accueil n'est plus le même, les saveurs ne sont plus les mêmes.

Dès le premier contact au téléphone, on comprend qu'on n'est plus du tout au classique Tchang Kiang, notamment quand l'interlocutrice doit aller chercher quelqu'un qui parle bien français pour répondre aux questions. L'accent parisien de Siao nous manque.

Sur place, la salle, qui n'a pas changé de décor, n'a pas la joie qui régnait du temps de l'ancienne propriétaire. On sert les tables, on est poli, sans plus.

Et la cuisine? Ce n'est plus pareil là aussi.

Le poulet en papillote est officiellement au menu, mais il n'y en a pas, cette semaine-là.

Le boeuf au gingembre est bien relevé et la viande, tendre. Mais le porc aux champignons noirs n'a plus la même finesse. On cherche le craquant cartilagineux des champignons plats, remplacés par de gros champignons spongieux qui, comme tout le reste d'ailleurs, sont couverts de sauce collante.

Le brocoli en est particulièrement imbibé. Les enfants, jadis conquis, refusent d'en manger.

Le nouveau chef semble bien aimer la fécule de maïs. Et en abuse.

Les kou tien, ces ravioles légèrement poêlées que l'ancien Tchang Kiang préparait si bien, sont quant à elles sans personnalité particulière avec une pâte épaisse. Et la farce, fade, est un peu sèche.

Tchang Kiang n'a jamais été un restaurant totalement authentiquement chinois, pur et dur, aussi proche des saveurs de là-bas que peuvent l'être aujourd'hui les nouveaux établissements du quartier autour de l'Université Concordia où l'on cuisine pour les nouveaux arrivés.

Mais le nouveau Tchang Kiang façon Yangtze tombe dans tous les pièges de la cuisine chinoise occidentalisée dont on cherche à s'éloigner depuis une décennie.

Tchang Kiang

6066, rue Sherbrooke O., Montréal, 514-487-7744

Prix: Plats entre 9$ et 17$. Menus de 12,50$ (quatre plats) à 17,50$ (sept plats) par personne.

Service: Gentil et efficace et oui, on peut nous parler en français très bien. Mais l'accueil n'a rien à voir avec ce que c'était avant la fermeture.

Décor: Décor ancien qui n'a pas été rénové malgré l'arrivée des nouveaux propriétaires.

Style: Cuisine chinoise pékinoise et sichuanaise très occidentalisée.

 Parfait pour ceux qui aiment la cuisine chinoise sans surprise.

La qualité de la cuisine et de l'accueil n'est plus ce qu'elle était.

On y retourne? Non.