J'ai dû aller manger trois ou quatre fois au Nouveau Palais, restaurant abordable et accessible très branché du Mile-End et, chaque fois, j'en ressortais en me disant qu'il était trop tôt pour en faire une critique, que le projet n'était pas terminé. Sauf que cette perception d'être dans un établissement en chantier n'est jamais passée. Deux ans plus tard, le lieu n'a pas bougé, mis à part qu'il est maintenant réellement populaire et que la foule du quartier lui procure ainsi une atmosphère salvatrice.

Car le Nouveau Palais n'est pas un restaurant facile. On y mange bien, même très bien, pour des prix vraiment très raisonnables. Mais le lieu est franchement déprimant. Dans ce resto, on n'est pas du bon côté de la frontière entre le rétro cool kitsch et le pas beau défraîchi.

On aime l'idée d'avoir voulu garder le plus intact possible cet ancien greasy spoon où on aimait aller prendre une frite au petit matin, après la fête. Et merci de ne pas être tombé dans le style néo-boutique comme au Laurier, une autre institution située non loin et reprise par de nouveaux proprios. Mais de là à garder les plantes suspendues dans leur pot de plastique blanc, à accrocher des peintures à des hauteurs qui trahissent leur rôle  on sent le trou à cacher  et à laisser les banquettes défoncées telles quelles, il y a une marge que je ne suis pas prête à franchir.

Cela étant dit, j'aime tout le reste de ce resto. Le service lent (!), mais toujours d'une grande gentillesse. La carte de vins courte mais impeccable avec de bonnes petites bouteilles et du vin au verre plus que correct. J'aime les prix aussi. On y allés en famille récemment. Prix moyen par personne, avec entrées, desserts, vin, bière, taxe, service: 25$. En janvier, on aime.

Et qu'a-t-on mangé pour ce prix-là?

Les enfants ont pris des beignets de courgettes, légères créations soufflées servies avec «catsup» maison légèrement piquant  à manger bien chauds et donc encore bien croquants , tandis que j'ai opté pour une soupe ashkénaze typique faite de bouillon et d'une grosse boulette de pain azim (ou matsah), un classique de ce temps de l'année glacé et, dans ce cas, bien parfumé à l'aneth.

En plat principal, on a commandé le burger gigantesque, gratiné et garni de bacon et de frites, dont la qualité principale est d'être préparé avec de bons ingrédients. À cet égard, on est loin de la version originale de l'ancien Nouveau Palais. La boulette est charnue, pas trop cuite. Les garnitures, fraîches. Le macaroni au fromage a lui aussi toutes les qualités d'un plat non industriel, préparé avec un fromage de vache doux de bonne qualité. L'aubergine gratinée est quant à elle copieuse, voire un peu costaude, et le goût de tomate est bien présent.

Le prix de l'originalité va toutefois au plat de spätzle, ces pâtes germaniques faites à la main, généralement servies en à-côté, mais là apprêtées en plat en soi. On les présente dans une sauce à la crème et rehaussées par des chips de kale. Une belle composition, originale, avec des ingrédients abordables.

Côté desserts, c'est la tarte à la patate douce, là encore un plat hommage à des ingrédients humbles, qui se démarque par sa légèreté et sa pâte croustillante, un peu feuilletée, un peu caramélisée. Le pouding au chocolat accompagné de «cassis» qui ressemblent à des groseilles est moins surprenant, tout comme les immenses biscuits aux brisures de chocolat, tendance sablés. Mais avec leur verre de lait en accompagnement, c'est un dessert sympathique quand on est avec des enfants. Le plat le moins réussi est le gâteau au citron, trop sec et finalement bien peu citronné.

On ne l'a pas terminé. Mais on n'avait plus faim, de toute façon, bien rassasiés par ce repas humble, mais savoureux.

Nouveau Palais, 281, rue Bernard Ouest  Montréal, 514-273-1180

>Prix: Burger avec extra fromage et extra bacon à 12,45$, potage à 4,95$, assiette de spätzle à 11,65$, aubergine gratinée à 12,50$, desserts à 4,25$.

>Carte de vin: Belle petite carte de vins triée avec soin, remplie de «beau-bon-pas-cher» et de quelques bouteilles plus rares. Sans lieu commun.

>Atmosphère: Très relax. Le restaurant convient tout à fait aux groupes d'amis, aux familles, aux repas sans façon en tête-à-tête.

>Service: Lent mais très amical, serviable, généreux, gentil. On n'est pas du tout dans un univers snob ou hautain (comme c'est parfois le cas chez les hipsters, disons-le).

>Faune: Les gens du quartier et autres amoureux de la tuque grise. Clientèle pas exclusivement mais majoritairement dans la vingtaine et la trentaine.

>Décor: L'ancien diner n'a pratiquement pas été rénové. L'ensemble manque de soin, de fini. On pourrait faire beaucoup mieux tout en restant vrai.

+ Une cuisine de type familiale bien faite, à prix très raisonnable.

- La déco qui laisse à désirer.

On y retourne: Mais oui!