Quand on m'a demandé, à la fin de l'été, de couvrir le camp d'entraînement du Canadien dans le cadre d'une série dont le titre de travail était «contre-emploi», je me suis transformée pendant quelques jours en amatrice de hockey.

Je suis allée aux entraînements à Brossard, j'ai interviewé des joueurs, je me suis intéressée aux recrues, je me suis même perchée à la galerie de la presse du Centre Bell pour regarder deux matchs, etc.

Mais il y a une chose que je n'avais pas eu le temps de faire: aller manger à La Mise au jeu, le restaurant «gastronomique» du Centre Bell.

C'est maintenant chose faite. Grâce à une amie, j'ai réussi à m'y faufiler. Car n'entre pas qui veut dans ce lieu: il faut être membre d'un club spécial accessible aux détenteurs de bons billets prêts à payer plus pour différents services de luxe. Bref, si vous tenez à y aller, vous devrez donc vous trouver un bon Samaritain pour vous ouvrir la porte.

Est-ce que le jeu en vaut la chandelle?

Je n'en suis pas certaine.

À deux, notre repas nous a coûté 200$, tout compris, incluant un unique verre de vin par personne. C'est trop pour la qualité de ce qui est servi.

Avec le même budget ou même une somme moindre, vous mangerez beaucoup mieux chez Decca77 ou chez Nora Grey, deux bonnes tables situées tout près du Centre Bell. Pas assez proche, évidemment, pour retourner prendre le dessert entre les périodes. Mais est-ce si important?

Lorsqu'on entre à La Mise au jeu, on a l'impression de plonger dans une autre époque. Et pas seulement à cause du décor fin de millénaire. La salle est majoritairement masculine. Le vin et les cocktails coulent comme à la belle époque des notes de frais débridées. Le menu, avec sa viande rouge abondante, semble sorti des années 80. Et je ne parle même pas des crêpes Suzette ou des «Irish coffee», super années 70.

La plupart des convives s'y installent vers 18h, avant les matchs, et terminent leur repas à temps pour le début de la partie. Au menu: d'abord de la viande, beaucoup de viande. Côtes, flancs, steaks... Une entrée peut facilement prendre le visage d'un généreux, mais maladroit, effiloché de canard sur purée de céleri rave, avec sauce brune bien salée. Presque un plat principal en soi.

Malgré tout, quelques plats de pâtes se faufilent sur la carte, comme cette immense assiette de raviolis pâteux aux champignons avec une lourde sauce à la crème. Et il y a une station de pâtes au buffet à prix fixe, très populaire.

On peut aussi trouver quelques poissons. Comme une entrée de tartare de saumon d'élevage, où malheureusement une surdose de sel nous empêche de profiter d'une composition autrement équilibrée, surtout grâce au croquant du petit cornet dans lequel le tartare est présenté. Bravo aussi aux pousses de coriandre accompagnant généreusement de leur parfum le poisson mariné.

Il y a aussi un pavé de flétan, franchement trop cuit et donc sec, et servi avec une petite montagne de riz vapeur très blanc, directement démoulée de son petit bol. Une chance que quelques bouchées de légumes viennent mettre un peu de fraîcheur dans tout cela, dont de belles feuilles de choux de Bruxelles encore agréablement croquantes.

Mais pour le reste, c'est aux carnivores que ce restaurant s'adresse.

«Cuisine et service de classe internationale dans un restaurant haut de gamme», dit le site web de l'établissement?

Pas tout à fait.

Pensez plutôt salle à manger d'hôtel, quelque part dans le Midwest.

Généralement, on termine la première partie du repas avant le début du match, en se gardant de la place pour le dessert après la première période.

Pour pouvoir être servi rapidement, on prévoit tout de suite ce qu'on choisira. C'est la serveuse qui le rappelle. «Prenez les crêpes Suzette», nous conseille-t-elle. Malheureusement, on est loin de la crêpe minute traditionnelle, flambée sous nos yeux et aux charmants parfums d'orange fraîche si populaire dans les années 70. Le dessert qu'on nous sert est fait à l'avance, rapidité du service oblige, et présenté un peu n'importe comment dans l'assiette. Les saveurs rétro sont au rendez-vous  le beurre, le sucre, l'agrume  mais pas la finesse.

La prochaine fois, on prendra un café irlandais, un autre classique d'une autre époque, très populaire en ces lieux. Quand on quitte le restaurant avant le début du match, on voit sur une table les verres givrés de sucre, alignés par dizaines et prêts à être remplis à l'entracte.

La mise au jeu

1275, rue Saint-Antoine O., Montréal, 514-925-5625

Prix: Un repas à deux, avec deux entrées, deux plats, deux desserts, deux verres de vin, a coûté plus de 200$ tout compris.

Carte de vins: Beaucoup de grandes bouteilles à grands prix et de crus du Nouveau Monde populaires et à prix raisonnables, mais sans originalité (ex.: le sauvignon blanc de Kim Crawford).

Style: Restaurant vieille école, avec beaucoup de viandes rouges au menu et beaucoup d'hommes amateurs de hockey dans la salle, qui aiment bien les cafés irlandais.

Service: Courtois, très accessible et efficace.

+ On est directement au coeur du Centre Bell.

- Des prix démesurément élevés pour une cuisine ordinaire.

On y retourne: Je ne crois pas.