Les restaurants qui tiennent à servir le plus possible des produits régionaux ne sont plus rares. Mais que veut dire régional exactement? Où s'arrête la frontière? À la grande région de Montréal, en incluant sa ceinture agricole? Au Québec? Au Canada? Et est-ce dire qu'on doit donc éliminer citron, vins français et huiles d'olive, qui ne viennent nécessairement pas de la région?

Les débats sur la question font rage actuellement dans le monde de la restauration où les notions géographiques n'ont jamais été aussi importantes. D'un côté, de grands chefs comme le Danois René Redzepi, pilote d'un mouvement prônant la territorialité gastronomique, croient qu'il faut inscrire la cuisine dans un espace et une culture précis. D'un autre, des chefs comme le célébrissime espagnol Ferran Adrià rejettent ces notions et expliquent que même s'il faut faire preuve d'une certaine «écologique» en se procurant ses produits, nul ne devrait se limiter à un périmètre. Après tout, rappelle Adrià, les métissages agricoles ne façonnent-ils pas la cuisine du monde entier depuis toujours?

 

À Montréal, les restaurants qui tiennent à servir le plus possible des produits régionaux, donc, ne sont plus rares. Mais ceux qui insistent pour suivre une ligne stricte à la Noma le sont davantage. DNA, dans le Vieux-Montréal, restaurant du chef Derek Dammann (originaire de Colombie-Britannique) et du maître d'hôtel Alex Cruz, fait partie de ceux qui flirtent un peu plus que les autres avec ce concept, en prenant comme point de référence le Canada.

À table, on ne sert pas d'huile d'olive, mais de tournesol. La carte de vins canadiens est parmi les plus intéressantes en ville. Et si le porc est de Saint-Canut, les moules, elles, arrivent de Desolation Sound et les huîtres de l'île Cortes, en Colombie-Britannique. Oh, et les pâtes ne sont pas seulement faites maison, elles sont préparées avec du blé patrimonial de la Saskatchewan.

Un petit steak de castor avec ça?

Il n'y avait pas de rongeur au menu, au moment de notre visite, mais DNA est résolument canadien et résolument carnivore. Où ailleurs ai-je mangé de la langue de cheval en pastrami? Nulle part.

Un des plats les plus intéressants et surprenants est d'ailleurs cette assiette de charcuterie où on le sert: saucisson au fenouil, sopressata, mortadelle... Tout est fait maison, simplement et tout est savoureux et doux.

Autre option bien animale: une croquette à la moelle, parfaitement croustillante à l'extérieur et fondante à l'intérieur, très riche. Attention aux estomacs sensibles, toutefois. Car même si l'amuse-bouche est accompagné d'une mayonnaise à l'oseille et d'un chutney très acide façon «mostarda», l'assiette a, comme les charcuteries, un clair caractère gras qu'aucune acidité ne contrebalance totalement.

Et ai-je mentionné la douceur du foie... gras? Surtout lorsqu'on le surprend, à chaque bouchée, par les petites fraises des champs confites servies en accompagnement.

De façon générale, la cuisine du DNA ne fait pas dans l'allégé. La chaudrée de moule est à la crème, au beurre et au bacon, avec gnocchi. Les papardelles sont préparées avec des champignons sauvages de Colombie-Britannique particulièrement goûteux aux textures intéressantes, mais amplement sautés au beurre. Des rillettes de sanglier, servies en amuse-bouche, au «gâteau de porc» à la moutarde, servi avec crème fraîche, on sent dans la cuisine un parti pris pour le transport de saveur lipidique. C'est intéressant et certainement délicieux. Mais j'insiste, il faut faire attention à équilibrer son menu, que l'on suggère de composer de trois plats, façon tapas (pour certains, deux sera amplement suffisant!).

Au dessert, le DNA aime bien s'amuser. Médaille de l'originalité à une panna cotta au chocolat et au sang de porc (oui, comme le boudin), d'une couleur profonde et d'une onctuosité magistrale. Déroutant, mais d'une profondeur chocolatée qui plaira aux amateurs. Bons points aussi à la tarte aux noix de pin salées, délicieuse avec une glace au gingembre et de l'huile d'olive, même si on se demande pourquoi on n'a pas plutôt opté pour une huile canadienne.

DNA, vous l'aurez constaté, n'est pas aussi puriste que d'autres. Il pourrait aller plus loin en imposant des origines strictement canadiennes à tous ses produits. On aimerait voir ça. Pour le moment, il flirte avec le concept. Ce qui en ressort penche parfois un peu trop vers une richesse digne de nos ancêtres bûcherons. Mais c'est néanmoins rempli d'une créativité porteuse de belles promesses.

DNA

355, rue Marguerite-d'Youville,

Montréal

514-287-3362

www.dnarestaurant.com

Prix: on recommande de prendre trois plats, mais on peut très bien en choisir seulement deux. Les prix vont de 9$ pour une assiette classée «entrée» à 29$ pour un plat. On combine comme on veut. Desserts à 10$.

Carte des vins: le DNA se distingue par son choix de vins canadiens, qui va de la vallée de l'Okanagan à Prince Edward County en Ontario, en passant par le Québec. Importations privées et achats directs du DNA pour les vins canadiens.

Décor: ouvert il y a quelques années maintenant, le DNA est toujours hors tendance et actuel avec son décor éclectique signé Bruno Braën, qui se veut un hommage au futurisme d'Habitat 67 que l'on voit par les grandes baies vitrées. Coin douillet près d'une cheminée.

Faune: on est dans le Vieux-Montréal, avec ses jeunes professionnels amateurs de cuisine fine, mais le DNA n'est pas qu'un restaurant de quartier. C'est aussi une destination de foodies venus de partout.

Pus : La créativité, l'originalité. Le tout sur un thème canadien.

Moins : Une cuisine parfois trop riche. Besoin d'un petit peu plus d'équilibre.

On y retourne? Oui. En janvier. Après un 20 km de ski de fond.  Et on demande une table près de la cheminée.