Ce n'est pas mon habitude d'aller faire des critiques de restaurant de l'autre côté de la frontière provinciale, mais les derniers moments de l'été sont propices à ce genre de balade, non?

On veut prolonger les vacances, encore se dépayser. Et pour Ottawa, il suffit d'un voyage de moins de deux heures de voiture pour se retrouver dans un autre univers, avec des musées, des boutiques, des monuments... Il y a même un spectacle son et lumière, actuellement, sur le Parlement, produit par la boîte montréalaise Moment Factory, et une intéressante expo sur le Pop Art, venue du Tate Modern, au Musée des beaux-arts du Canada.

Et puis on peut aller manger au Murray Street, un restaurant qui ne vaut peut-être pas le voyage à lui tout seul, mais qui rend la balade tout à fait intéressante.

Installé dans le quartier du Marché By, le Murray Street est un restaurant voué à la viande et aux produits régionaux. Encore un? Eh! oui, un autre. Côté décor, on trouve même des cervidés empaillés, dont une patte de la bête pour présenter les cartes professionnelles sur le comptoir, à l'entrée.

Or, dans l'assiette, contrairement à de nombreux établissements qui ont embrassé eux aussi cette mode les yeux fermés, ce restaurant fait bien les choses.

Et ce, même si on trouve au menu des évidences lassantes comme - vous l'avez deviné - la poutine. Mais celle de Murray Street est vraiment différente et surprendra même les plus blasés de la vague «poutine revisitée», car on utilise, au lieu des frites, des spätzle, ces pâtes d'origine germanique. Et ça marche.

Sans perdre son côté rustique grâce à la costaude texture des nouilles teutonnes, le plat glisse en effet doucement, mais tout naturellement, vers un état plus proche du gratin que de la poutine traditionnelle. Et le tout lui sied plutôt bien. Évidemment, on garde la sauce au jus de viande et on reste donc loin de la béchamel des gratins classiques. Mais l'ensemble est doux. Et la petite marmite en fonte pour le service ennoblit presque la mixture.

Autres entrées réussies: une croquette au porc et au vieux cheddar qui craque sous la dent pour dévoiler un contenu riche et savoureux, et des ailes de canard confites puis frites, nappées d'une sauce chipotle maison qui pince joyeusement les papilles. On les sert avec de la crème fraîche pour amortir le tout. La terrine de foie de porc, par ailleurs, surprendra par sa cuisson quasi inexistante qui laisse à l'abat une texture crémeuse, certes, mais un goût un peu âcre que sert mal la rencontre avec les petits légumes en marinade.

Plats principaux

En plat principal, le saumon sockeye sauvage de la Colombie-Britannique profite d'une cuisson parfaite qui lui laisse toute sa douceur moelleuse. On l'accompagne de crépinettes de pommes de terre rissolées avec oignons et pignons.

Le hamburger, de son côté, est une décadente croquette de porc effiloché, très riche, qui bénéficie bien du contrepoint acide des morceaux de cornichon de la salade de pommes de terre servie en à-côté.

L'agneau braisé, fondant et juteux, est présenté quant à lui avec un concassé d'olives et de tomates que l'on surprend à bien s'entendre avec une improbable note de crème fraîche sur haricots blancs.

Au Murray Street, on aime les produits laitiers. On utilise donc le fromage et la crème généreusement. Mais même si, à la lecture du menu, cette abondance peut rendre sceptique, dans l'assiette, les combinaisons fonctionnent plutôt bien.

Au dessert, les amateurs de gâteaux anglo-saxons apprécieront les «blondies» déclinés en toutes sortes de parfums: arachides, framboises, mûres... Ou alors cette délicieuse relecture des «s'mores» américains, servie dans un pot en vitre. Oui, on a déjà vu ce pot Mason, mais le résultat, avec la pointe de fumée dans la guimauve, un chocolat de bonne qualité et du biscuit bien craquant, est complexe et nous donne envie de renouer avec ce classique de fin d'été autour du feu.

Murray Street

110, Murray Street, Ottawa

613-562-7244

www.murraystreet.ca

Prix: Entrées entre 8$ et 14$, plats entre 20$ et 30$. On peut aussi commander 48h à l'avance une tête de cochon entière, fumée et grillée, pour 8 à 10 personnes, pour 80$.

Carte des vins: Intéressante à cause des nombreuses bouteilles canadiennes que l'on voit peu ici, notamment des vins de Colombie-Britannique et de Prince-Edward County, nouvelle région viticole ontarienne située près de Belleville.

Décor: Style pub anglo-saxon à la canadienne, avec banquettes de cuir, lampes de métal, tête de cervidé, motifs de feuilles d'érable... Grande terrasse à l'arrière. Bar où l'on peut manger ou prendre un verre.

Service: Courtois et efficace.

Style: Restaurant idéal pour ceux qui aiment les repas copieux et la viande. Les produits régionaux sont à l'honneur, y compris des fromages québécois.

On y retourne? Oui, si on est de passage dans la capitale, c'est sûr. Et les enfants se régalent eux aussi, en partageant des assiettes.

+ + + Une cuisine bien faite, préparée par des gens qui ont les papilles à la bonne place.

- - - Est-ce nécessaire de mettre du fromage dans tant de plats, notamment le bleu?