La soirée au Tasso a d'abord un peu mal commencé. Il faisait chaud. On avait envie d'être assis sur la terrasse, rue Saint-Denis, où on apercevait deux tables vides. Sauf que l'idée de devoir les pousser pour les mettre une à côté de l'autre ne plaisait pas au serveur qui venait de nous accueillir.

«Ah non, impossible. Non. Ça ne marchera pas.

- Mais si on les déplaçait juste un peu...

- Non, je suis désolé, non.»

On s'est finalement résignés à s'asseoir à l'intérieur, mais déçus, détail que le serveur de la salle, à qui on a parlé du problème, n'a pas semblé non plus vouloir noter. «Pas possible, pas possible.»

En fait, pour tout dire, tous les serveurs semblaient un peu débordés dans ce restaurant qui se remplissait sous nos yeux. Tasso, l'ancien Symposium de la rue Saint-Denis, rouvert avec un nouveau décor tout blanc, très frais, et un menu toujours à la grecque mais modernisé, attire en ce printemps chaud une abondante clientèle estivale à la recherche de légèreté. Et on la comprend.

Sa cuisine est fine, précise et propose un regard renouvelé sur des classiques qui demeurent plus que jamais d'actualité lorsqu'il fait chaud et qu'on a envie de plats qui réjouissent plus qu'ils ne remplissent.

Pour avoir une bonne idée de ce que le restaurant a à offrir, nous nous sommes laissés guider par le menu découverte. Pour une quarantaine de dollars - un peu plus ou moins si l'on prend du poisson ou pas -, il propose une série de mezze (de petites entrées à la grecque) et ensuite un plat de poisson grillé à partager, ou même de la viande.

Chez Tasso, toutefois, le concept est plus précis et plus créatif qu'il ne l'est dans les restaurants grecs traditionnels. Les huîtres, par exemple, arrivent à table avec une écume au citron et à l'origan, une combinaison qui apporte au mollusque une fraîcheur toute simple sans masquer les saveurs maritimes du coquillage. De la même façon, la morue est servie sous forme de gravlax, avec du fenouil frais mariné, une sauce au yaourt acidulé et à l'origan et quelques grains de raisin, surprenante combinaison méditerranéenne sur fond de concept scandinave qui s'équilibre tout seul et fait sourire.

Plus classiques, les aubergines frites en très fines tranches sont servies avec un tzatziki allégé, autant côté texture que côté ail, et c'est fort agréable. On oublie le côté piquant, on remarque les notes de menthe. Et on profite de l'huile d'olive Belle Excuse, versée à table sous nos yeux pour qu'on puisse y tremper le pain. Jolie attention.

Arrive ensuite, toujours dans les mezze, un fish'n'chips aérien, servi sur des croûtons parfaitement grillés (pour être juste assez friables) et une bonne quantité de roquette, qui apporte, là encore, fraîcheur et notes poivrées. Une fois de plus, un bel équilibre.

En fait, à chaque plat, on remarque une formule gagnante : jolie présentation, construction juste des saveurs et précision technique (à part pour la friture des calamars, qui n'étaient pas tout à fait assez croustillants). Ajoutez à cela un peu d'idées non conventionnelles et on a un vraiment bon repas.

Pieuvre fondante au citron et aux oignons roses marinés, côtelettes d'agneau précisément rosées sur purée d'aubergine au généreux goût de fumée (bonjour les souvenirs de voyages en Grèce !), loup de mer légèrement cuit au four, juste assez et surtout pas trop... Même la ratatouille se démarque avec ses légumes en cubes cuits juste à point, pas trop, comme le veut la recette classique.

En fait, côté cuisine, il n'y a que les desserts qui demandent à être un peu peaufinés. À 6 $ l'assiette, le yaourt au miel pourrait être plus spécial que simplement du yaourt et du miel. Même chose pour les beignets, très simples, sur sauce au miel et aux noix. Et le baklava, ensuite, a l'air d'une variation sur le même thème avec encore ses noix, son miel, sa sauce acidulée au yaourt et sa construction générale un peu trop lourde.

Mais a-t-on vraiment besoin d'un dessert après tous ces légumes et ces poissons parfaitement présentés et préparés ?