La formule est originale, le concept - car c'en est un -, à la fois un peu affolant mais qui s'éloigne malgré tout des lieux communs. Le Steak Frites St-Paul dans sa énième incarnation à Montréal, dans le Village, ne déçoit pas. Malgré ses airs branchés, cette annexe sait rester simple et bien française et offrir la même carte qu'ailleurs en ville (des prix en bas de la moyenne), un label Apportez votre vin et quelques petites galanteries comme des frites à volonté !
Attention ! Il ne s'agit pas simplement d'un bistro ou d'une brasserie classique. Ici le menu est réduit à sa plus simple expression, moins d'une dizaine de plats proposés uniquement au tableau noir. Tout est grillé et, de l'entrée au dessert, on reste dans les zones de confort, bien loin des tendances « défractionnées » et du sencha en seringue. En revanche, dites-vous bien qu'un steak simplement grillé, tout nu, reste l'un des derniers bastions de la cuisine élémentaire pour laquelle tout le monde peut distinguer le bon du médiocre. Or ici, les viandes sont de bonne qualité, les cuissons impeccables et les frites sont croustillantes. En un mot, l'endroit ne désemplit pas. Avec raison.Si la viande est l'apanage du chasseur - et par extension de l'homme - la femme s'étant concentrée largement sur les végétaux et la cueillette, il n'est pas surprenant que cette succursale ait décidé de s'installer au coeur du Village. Des hommes, il y en a des masses par ici. Mais comme nous l'avons constaté après quelques visites, les différences entre les succursales se situent dans le décor et la clientèle locale : certaines sont installées sur deux étages, d'autres ont misé sur des configurations un peu bourgeoises et masculines. Dans le Village, on est resté brut et on a choisi de coller les tables les unes aux autres. Ce qui signifie que les conversations privées ne le sont plus vraiment. En tout cas, le lieu est à l'image d'une génération totalement décomplexée, le restaurant n'a rien à cacher, sa cuisine est ouverte sur la salle et la salle, ouverte sur la rue.
La carte propose des biftecks classiques, filet mignon, steak, (en 5,7,9 ou 10 onces, soit pour ceux qui calculent en métrique de 150 à 300g), considérant qu'une portion « normale » de chair animale de 125 g. suffirait pour un repas, c'est généreux. La maison offre aussi des Surf & Turf (rebaptisés «terre et mer») des côtelettes d'agneau, du saumon, du confit de canard et un steak frites, proposé à la criée, qu'on nous dit tiré de la macreuse (la partie arrière de l'épaule du boeuf).
Habituellement, ce morceau sert aux pot-au-feu mais comme me le faisait remarquer un ami boucher, les animaux travaillent moins de l'avant et par conséquent les fractions frontales des bêtes sont toujours plus tendres. La cuisson de la viande est parfaitement maîtrisée, et on la présente avec trois sauces un peu riches et communes mais qui doivent servir de contrepoint à ceux qui ne sont pas complètement à l'aise à l'idée de manger de la viande brute, saignante et juteuse ! À cela, on ajoute des haricots verts, et on nous facture séparément un plat de brocoli (trop cuit et pâteux). On s'y attendait, les frites sont généreusement servies.
Lors d'une autre visite, nous avons choisi le confit de canard, très salé mais bien fondant et parfaitement adapté à une petite salade mignonnette (la laitue Boston) insuffisamment essorée et mollassonne. Sans intérêt. En entrée, on trouvera aussi des choses sans surprise et sans grande originalité, soupe à l'oignon, saumon fumé, des rillettes de canard (bof !) et des calmars frits (mous).
Desserts : là on s'est un peu forcé, une petite chose au fromage et une autre au chocolat, signe que le pâtissier a envie qu'on se souvienne de lui. En un mot, ce Steak Frites version Village, c'est bon, c'est sympa, mais ne vous attendez pas au grand tremblement.
Steak frites St-Paul
1302 Ste-Catherine Est