La cuisine antillaise est comme un labo des métissages des cultures qui ont habité les îles de la mer des Caraïbes. Et à cause des colons, elle a d'abord pris une coloration européenne. En Haïti et en Martinique, des notes françaises dans les soupes, les plats, les mélanges d'épices.

À Cuba et en République dominicaine, un ascendant espagnol, avec des plats qui évoquent tantôt la paella ou les cocidos. Et dans le reste des Antilles, l'Angleterre! Mais est-ce que la cuisine anglaise (pour ce qu'elle est) a influencé la cuisine jamaïcaine ou trinidadienne? Si c'était le cas, on serait en droit d'attendre la pause thé à 17h, de la marmelade partout, du rosbif le dimanche. Non! Les Jamaïcains ont résisté et plutôt maintenu leurs liens avec l'Afrique et ont adopté les parfums... indiens, à cause des immigrants venus remplacer les esclaves nouvellement émancipés au milieu du XIXe siècle. Depuis cette époque, la cuisine des Antilles anglophones est le résultat d'un curieux mélange. 

On peut en avoir un aperçu dans un sympathique resto de NDG simplement appelé Anancy (du nom d'un héros yoruba mythique), où les plats sont fortement relevés ou acidulés. Au menu: des plats farcis de curry de pommes de terre et de viande de chèvre (les rôtis) et des grillades Jerk, ancienne recette de marinade très pimentée qui serait même à l'origine des premiers barbecue. On trouve aussi des petites choses inhabituelles en entrée: accras de morue relevés de piment scotch (le plus fort du monde, paraît-il), des crevettes en pâtes à frire, pimentées, que l'on trempe dans une petite émulsion sucrée, des ailes de poulet «Jerk», noircies par la marinade de soja, de sucre de canne, de piment de la Jamaïque, de thym, de jus d'orange et de vinaigre, des calmars, frits également, et des beignets à la viande.

En plat, on peut aussi choisir des parties d'animaux et des espèces qui nous sont moins familières: la queue de boeuf longuement mijotée, le ragoût de chèvre, des poissons méconnus. Et toujours, toujours, servis avec des tranches de bananes plantains (un peu molles et donc grasses, cependant) et ce rice and beans si typique, un mélange tout à fait délicieux de féculents, cuits dans le jus de coco. La cuisine est ici pleine de verve, pas compliquée et surtout décomplexée, car, là-bas, les nourritures sont un peu comme les gens, elles sont franches et directes. Attention, cependant, comme toutes ces cuisines modestes, elles sont solides, elles sont denses, elles s'attachent facilement - et surtout à vos hanches.

 

Anancy

6587, avenue Somerled, Montréal, 514-486-2629

On y retourne? Quand on manquera de soleil, et parfois d'idées.

Plus: On apporte son vin (ou sa bière).

Moins: Un petit côté brouillon dans le décor.