En Amérique du Nord, les restaurants et surtout les cantines de musée trouvent depuis longtemps, chez moi, un préjugé favorable.

Car pendant de nombreuses années, avant que la bonne cuisine rapide ne se démocratise et qu'on commence à trouver des sandwiches mozzarella-basilic ailleurs que dans le quartier italien, ils ont été les seuls rares refuges contre la malbouffe inintéressante. On allait au zoo, à la patinoire, au jardin botanique, peu importe et on était assuré de ne trouver qu'hots dogs chimiques et frites industrielles dans les cantines sinon dans les machines distributrices. Alors qu'au musée, il y avait déjà du jus de poire, de la baguette au brie et parfois même, du potage au cresson.

Étonnant ? Pas vraiment. Les gens de musée sont souvent des avant-gardistes, éduqués, qui voyagent. Et leurs institutions ayant une mission culturelle éducative, il est normal qu'ils ne tombent pas dans les travers et la paresse du plus bas dénominateur commun culinaire.

Aujourd'hui, en Amérique du Nord, les cantines des musées tranchent moins dans le décor qu'il y a 20 ans, l'offre tout autour ayant beaucoup changé. S'ils veulent se démarquer, ils doivent donc faire particulièrement attention à leur projet culinaire, comme le MoMA à New York l'a fait, lors de sa rénovation, en s'offrant le resto Modern qui a non seulement reçu depuis trois étoiles du New York Times mais carrément une étoile Michelin.

À Montréal, vient d'ouvrir le bistro Le Contemporain, installé au musée d'Art contemporain, un restaurant qui s'est donné comme mission, dit-on dans la pub, de présenter les « délicieux produits du terroir québécois ». Comme il n'est certes pas le premier à se donner cet objectif, le restaurant s'oblige, en prenant la peine de le souligner à gros traits, à une originalité. Malheureusement, contrairement aux artistes présentés en ses murs, cette particularité, cette innovation, il ne l'a trouve pas.

Car malgré beaucoup de bons points en sa faveur, en commençant par un décor particulièrement spectaculaire plein d'espace et de lumière, avec vue sur quelques oeuvres d'art, le restaurant nous laisse sur une certaine faim, un manque de «wow» côté assiette.

Prenez le pot au feu de pintade, par exemple. L'idée était bonne. De la volaille régionale, intéressante - il aurait fallu, toutefois, spécifier sur le menu d'où elle vient -- dont il faut bien protéger les jus, cuite en bouillon avec du lard. Mais où étaient les légumes du pot au feu ? Où était la sauce claire du mijoté ? Jeter une poignée de pousses vertes avant de servir ne suffit pas à donner de l'élégance à un plat qui en a peu au départ et dont le défi, lorsqu'il est servi hors de son contexte naturel très familial, est justement de lui en donner.

Et cette jolie truite, pourquoi l'appeler mi-cuite alors qu'elle est, en fait, tout simplement cuite tout à fait à point ? Et pourquoi ces rondelles de carottes vapeur qui ont l'air venues tout droit d'une autre époque ? Oui, il est intéressant de varier les couleurs, de les choisir non pas juste orangées, mais jaunes aussi. Oui, ça c'est très actuel. Mais vapeur ? Avec du beurre fondu et des amandes...

Toute cette cuisine est assez bien faite. Il n'y a pas de faux pas majeur. La salade de pommes de terre avec hareng mariné, par exemple, est impeccable. D'ailleurs, c'est probablement le plat le plus intéressant, le plus vivant, grâce à l'acidité du poisson, à la cuisson impeccable des petites pommes de terre et à la sauce mayonnaise classique, qui enrobe et souligne sans jamais heurter. Et servir du hareng, voilà qui a de la gueule, poisson mal aimé, injustement boudé...

La tarte tatin, au dessert, légèrement déconstruite, est pas mal aussi, bien que la pâte soit un peu dure. C'est le caramel qui la rachète, surtout si on en demande une dose extra, que l'on verse généreusement sur les pommes cuites qui fondent sous la dent.

Mais pour le reste, on s'attend à plus d'une cuisine située dans un musée d'art contemporain, institution d'audace et de découverte.