À chaque année, durant la préparation du guide de restaurants publié par les Éditions La Presse et dont je m'occupe avec l'aide de mon collègue Robert Beauchemin, il faut retourner voir des établissements que l'on croit connaître, pour voir s'ils ont changé.

Parfois, c'est l'arrivée d'un nouveau chef, en plein milieu d'année, qui a pu transformer le menu. Parfois, il faut aller constater l'impact d'un départ. Et parfois, il faut tout simplement aller vérifier si un restaurant coup de coeur vieillit bien, s'il demeure aussi charmant et pertinent qu'à la dernière visite.Ces retours me donnent souvent un peu le trac, surtout quand il s'agit de restaurants que j'aime bien et que j'ai maintes fois recommandés. Seront-ils toujours aussi bons, accueillants ?... La magie sera-t-elle de nouveau au rendez-vous ?

C'est dans cet état d'esprit que je suis partie il y a quelque temps au restaurant Portus Calle, du boulevard Saint-Laurent, un rendez-vous tapas à la portugaise ouvert il y a six ans par la chef Héléna Loureiro et dont je gardais un excellent souvenir. Atmosphère chaleureuse sans le tape-à-l'oeil exagéré des convives des restos de la zone Saint-Laurent/Sherbrooke. Cuisine ibérique à la fois réconfortante, avec ses mijotés et ses grillades, et ensoleillée grâce aux saveurs typiques de l'Europe du Sud : tomates, ail, olives...

Mais dès mon retour récent, j'ai été rassurée. L'endroit n'avait pas changé. Mêmes serveurs souriants, même ambiance à la fois urbaine et sympathique, pas du tout hautaine. Et dans l'assiette, mêmes saveurs profondes, sans facétie mais bien ciblées.

Comme il était plutôt tard, un soir de semaine, nous avons opté pour la formule tapas, série de petits plats qui sont arrivés en trois temps et qui ne nous ont pas déçus, mis à part les desserts.

D'abord, les tomates cerises pochées dans l'huile et servies avec chèvre frais, bien que classiques et vues ailleurs, étaient impeccables et juteuses. Avec du bon pain, lorsque les tomates sont sucrées à souhait et juste assez cuites pour fendre tendrement sous la dent, on ferait de ce plat un repas complet.

Ensuite, jolie surprise avec un plat de chinchard (carapaus), un poisson qui fait penser à des mini-sardines, tendre et frais, qui goûte juste assez la mer pour faire rêver d'Algarve entre deux bouchées. On le sert en escabèche, donc avec une sauce au vinaigre et à l'ail, ce qui lui donne légèreté et vigueur.

Le pétoncle, ensuite, servi sur une purée d'artichaut avec un coulis de tomate à peine sucré et acidulé par de la mangue et aiguisé à la coriandre, est lui aussi juste assez cuit et très doux.

La pieuvre grillée, de son côté, se tire aussi fort bien d'affaire quoique plus classique et moins surprenante, avec sa petite poivronnade à la tomate et aux oignons rouges.

Pour clore cette série de petits plats : des morceaux de saucisses portugaises à l'ail, costaudes et légèrement coriaces mais tout à fait savoureuses. On ne fait pas dans la subtilité, mais à ce temps-ci de l'année, on commence à avoir envie de ce genre d'assiette roborative, humant l'ail et le paprika fumé. Pour clore le repas, la crème caramel déclinée en trois parfums était correctement préparée mais peu surprenante. Entre celle à la noisette, celle à l'orange et celle au Bailey, cette liqueur irlandaise sucrée, seule celle à l'orange était assez délicate et semblait à sa place pour clore ce repas très portugais. La poire pochée au porto, quant à elle, était sans la moindre surprise et avait l'air en fait plus intéressante sur papier que dans l'assiette, même si on ne peut pas dire qu'elle commettait quelque faux pas majeur.

En fait, on aurait dû prendre des tapas de plus. Car si le goût de plats déclinés dans la veine ail-tomate-fruit-de-mer-chorizo vous assaille, cet automne, le Portus Calle demeure une excellente destination pour aller s'en régaler.