I Sensi fait partie de ces beaux restaurants de la Petite Italie, la «nouvelle» Petite Italie s'entend, celle qui s'est soudainement secouée puis transformée ces dernières années en un quartier que l'on visite.

C'est un beau resto tout blanc, d'allure nette et limpide, séparé en deux par une entrée élégante. Ne se croirait-on pas dans une adresse inattaquable tant c'est joliment disposé avec juste ce qu'il faut d'attitude? Au fond de la salle, un bar charmant; des rideaux blancs et diaphanes habillent les fenêtres, une musique de jazz en sourdine; bref le confort dans la distinction.

Or, le menu est un peu convenu (même la typo appartient à l'histoire ancienne). On aurait souhaité un peu d'allant, de modernité sans extravagance. La carte est plutôt conservatrice, un peu sage: soupes, salades, pastas, viandes, tous des classiques archiconnus, arrabbiata, vongole, carbonara. L'exécution? Correcte, je suppose, si on n'a pas grandi en mangeant de ces choses-là. Mais si votre grand-mère en préparait le dimanche avec les produits frais du marché, vous risquez d'être contrarié. Il y a à la fois un manque de précision et d'assaisonnement dans presque tous les plats. Il fallait tout réajuster à coups de salière. Le chef avait-il une migraine ce soir-là?

D'entrée de jeu, des calmars en friture, un classique par lequel on peut très souvent juger du talent, mais aussi de la rigueur du chef. Si le chef a la main légère... ou lourde avec la friture, s'il sait faire une pâte à la fois aérienne et croustillante. Les impondérables sont multiples et la friture de calmars est un test sérieux. Ici, on ne peut pas dire que c'est raté. Mais ce n'est pas impeccable non plus. La friture est un peu molle, un peu fade. On dirait presque une chaussette. La pâte n'est pas assez croustillante. Car le croustillant, c'est là tout l'art de ce classique de tous les pays de la Méditerranée. Heureusement, il y avait une petite sauce tomatée, bien faite et goûteuse, pour racheter un peu tout ça.

La salade de roquette miniature et de parmigiano-reggiano est copieuse, mais seulement en verdure. Il n'y que quelques copeaux de fromage; on peut les compter sur les doigts d'une main! Il manque donc l'arrimage, la charpente. La salade est bonne, même si l'émulsion dont on la nappe n'a presque pas de goût et qu'elle manque d'acidité. Dommage! Elle nous faisait bien envie, cette verdure. Puis l'aubergine parmigiana, joliment présentée sur une belle assiette toute blanche, est par malheur un peu ratée: le légume est pratiquement servi cru. Vous avez déjà goûté à de l'aubergine crue? Ça rappelle l'éponge de mer grecque, en plus salé. On renvoie le plat immédiatement en cuisine pour un traitement radical, mais nous en perdons un peu l'appétit.

En plat, nous avons envie de pastas, bien que les viandes proposées à la carte soient une légitime tentation. Des «cheveux d'ange» (capellini) sautés au rapini et à l'ail sont remplacés par des pennes à notre demande, qui est acceptée sans la moindre protestation par un aimable serveur. Ces «flèches» vont mieux à la texture un peu grossière du plat, très réussi; bonne cuisson des rapinis, sans traces d'amertume, bien aillés, délicieux. Des fettucinis all'aragosta, au homard donc, manquent de sel et d'ossature. Dans ce qui devrait normalement être un plat spectaculaire, le chef n'a pas réussi à créer ni l'effet ni la surprise; l'assaisonnement est malingre, la chair trop cuite et caoutchouteuse. En un mot, l'assiette fait «plouf».

En revanche, des spaghettis sautés aux légumes du marché sont impeccables, parfaitement réussis dans leur franchise et leur simplicité absolue, les tomates presque confites, le basilic encore un peu cru, des olives noires, un trait d'huile d'olive. Ce qui nous montre que le chef connaît la pasta, et sait faire de belles choses quand il est concentré.

En finale, on propose quatre desserts, mais il n'en reste qu'un seul, le tiramisu. Lui aussi réussi dans son onctueuse décadence calorique qui nous oblige à faire le tour du pâté de maisons à pied, histoire de faire passer tout ça. Alors, ce resto, qu'est-ce qu'on en pense? Ce n'est pas mauvais, loin de là, mais il manque quelque chose de bouillonnant qui le distinguerait de ses voisins, qui passent malheureusement tout leur temps à se dupliquer mutuellement.

 

I SENSI

15, rue Bélanger

514-277-7755

> Prix : ils sont très raisonnables. Entrées autour de 10$ ; pastas de 13 à 18 $ ; une bouteille de Dolcetto d'Alba facturée 39$. On s'en tire à 150$ à trois, taxes et service compris.

> Faune: à l'image de la typo, elle s'ennuie. Couples silencieux ; tout le monde chuchote. Est-ce qu'on est vraiment chez des Italiens ?

> Service : il sauve la mise, malgré les défauts techniques de la cuisine. On a le sentiment d'être pris en charge, dorloté avec sincérité.

> Vin: carte correcte avec des prix qui ne vous feront pas grimper au plafond.

On y retourne? Pas certain. C'est la vie, il y a des jours comme ça !

- La cuisine un peu vacillante, qui manque d'étincelles en somme.