Je pensais arriver dans un resto tout neuf où chaque client est traité presque maladroitement comme une précieuse nouveauté. J'ai plutôt poussé la porte d'un établissement aux airs installés, roulant à plein régime pour le lunch.

«N'avez-vous pas ouvert tout récemment? ai-je demandé à la serveuse.

- Oui, le 1er mai.»

Le Local a pourtant l'air d'avoir toujours été là, rue William, dans le Vieux-Montréal, à l'ouest de McGill, près de la Fonderie Darling.

Logé dans un immeuble ancestral qui abritait autrefois un bureau d'architecte, il a les plafonds vertigineusement hauts et l'espace d'un loft. On l'a meublé de chaises de cuir, de fauteuils brun chocolat, de comptoirs un peu industriels faits de bois récupéré. Il est élégant sans être «nappe blanche». Il a déjà un rassurant air de vécu.

Une très jolie petite terrasse soignée, de style plus «tons charbon» que petits pots de fleurs, occupe l'espace séparant la façade du trottoir.

On se sent rapidement chez soi dans ce lieu, et probablement encore plus si on aime bien le noir, le lin et les lunettes de designer.

Le duo derrière ce restaurant est formé du propriétaire, le chef Louis-François Marcotte, aussi propriétaire de Simpléchic, et d'Alexandre Gosselin, qui travaillait déjà aux côtés de Marcotte dans son restaurant de Verdun avant de prendre les commandes de la cuisine du Local. Louis-François joue donc, dans le Vieux-Montréal, uniquement un rôle de supervision.

Les fans de Gosselin qui l'ont connu chez O'Chalet, il y a quelques années, peuvent carrément le voir à l'oeuvre au Local, dans sa cuisine toute ouverte sur la salle, où l'on peut surveiller ses moindres gestes.

Le Local propose un menu bistro moderne, avec des viandes braisées, des frites, des tartares.

L'entrée, lors de notre premier passage, consistait en une salade de tendres et fraîches betteraves chioggia aux tomates cerises et fromage de chèvre frais, ponctuée par un oeuf pané et quelques gouttes d'huile de truffes offrant leur signature boisée. Consistante et réconfortante, l'assiette aurait pu constituer un plat principal pour un petit appétit.

À la deuxième visite, ce fut au tour de la salade de choux de Bruxelles, un autre légume un peu hivernal et donc approprié pour cette froide journée de mai, de nous impressionner grâce à la combinaison de lardons, d'oignons verts frits et de vinaigrette aux agrumes qui créait en bouche un mélange complexe mais cohérent. Seul bémol pour ce premier service: une soupe à la pastèque fraîche mais trop sucrée.

En plat principal, nous avons opté pour le style maison avec un jarret d'agneau braisé qui se défaisait tout seul et un tartare de saumon servi avec une gigantesque portion de salade verte et de frites savoureuses et chaudes et croustillantes comme on les aime. Surtout qu'elles sont saupoudrées de flocons de fleur de sel bien croquants. La maison aime bien la fleur de sel, il faut dire. Il y en a sur toutes les tables.

Le tartare était quant à lui impeccable: charnu sans être collant, salé sans perdre sa délicatesse, relevé par un peu de ciboulette et gentiment amené loin de la mer par quelques gouttes d'huile truffée.

Au dessert, les sorbets faits à partir de vrais fruits rafraîchissaient délicatement le palais, tandis qu'un dessert que l'on pourrait décrire comme une tarte à l'abricot grillé et aux noisettes nourrissait l'âme avec la finesse d'une pâtisserie et l'aplomb d'un cake.

La carte des vins est solide et offre plusieurs intelligentes options au verre, tels ce muscadet en biodynamie suggéré par la réputée sommelière Élyse Lambert, avec grand succès, pour accompagner un plat de mahi-mahi à la ratatouille.

À peine ouvert, le Local se comporte déjà comme un grand, à l'image de son proprio de 25 ans, le talentueux Louis-François Marcotte du Goût de Louis à Canal Vie, dont la carrière semble déjà bien assise.

Aux âmes bien nées

Le Local

740, rue William Montréal

514-397-7737

Prix: entrées entre 7$ et 19$. Plats entre 15$ et 28$. Menu du midi: environ 25$.

Carte de vin: très bonne sommelière, Élyse Lambert. Plusieurs vins au verre intéressants, en importation privée notamment.

Faune: on est dans le Vieux-Montréal, au coeur de l'univers du multimédia, ce qui n'empêche pas la médiane, côté âge, de se tenir autour de la jeune quarantaine. Plus funky que Graziella. Moins Juicy Couture que Garde-Manger. Très mat&nat, finalement.

Décor: hauts plafonds, grands espaces. Beaucoup de bois et de tons chocolat. Mobilier contemporain mais pas du tout «fashion victim».

Cuisine bistro revisitée à la québécoise, chaleureuse et créative. Atmosphère sympathique mais professionnelle.

Un gros problème d'aération. La cuisine est ouverte. Mais doit-on pour autant plonger dans un nuage de fumée aux odeurs de poisson? J'imagine que cela sera réglé rapidement.