Le Latini fait partie de ces restaurants du centre-ville de Montréal où l'on est sûr de rencontrer des hommes d'affaires et autres avocats très en vue. Et avec un peu de chance, un bonze du hockey.

La moyenne d'âge y est assez élevée, la plupart des messieurs portent des cravates. Les habitués sont accueillis sans que beaucoup de mots ne s'échangent. Mais aux tables, les discussions se déroulent sur le ton qu'ont ceux qui règlent des affaires.

Malgré cette atmosphère très masculine, il y a un petit quelque chose de bon enfant dans ce restaurant. Peut-être est-ce à cause du choix des tableaux, très colorés, à l'entrée? À moins que ce soit en raison des photos posées au mur avec du papier collant; celles des propriétaires avec quelques célébrités, de Céline aux frères Schumacher.

Le comptoir réfrigéré, comme celui d'une poissonnerie, bien en vue, contribue à briser la glace. Et permet presque de discuter avec les poissons frais qui nous seront servis. Bref, même si ce restaurant fait partie du circuit des riches et célèbres- la carte des vins remplie d'importations privées spectaculaires, la collection de caviar, la disponibilité de truffes en saison, en sont quelques indices frappants- le décor n'a rien de la très grande élégance presque austère d'un Decca77 ou du Cube.

Je parie même que les designers qui entrent dans ces lieux ont envie d'y mettre un peu d'ordre.

La cuisine du Latini est relativement simple, comme l'est toute bonne cuisine italienne. On y sert des produits de qualité, avec élégance mais sans froufrou. Le menu du jour, qui inclut entrée, plat principal et dessert, propose des pâtes, des fruits de mer, de la viande, ou un peu de cochonnailles en entrée. Le speck- une variante du prosciutto, pris dans l'épaule- y est délicat et servi avec du melon qui réussit à affirmer son parfum, même hors saison.

Les pâtes sont délicates, comme ces minitagliatelles dégustées avec une sauce légèrement crémée annoncée comme étant au fenouil. La rencontre des nouilles avec la sauce était parfaite. Mais on cherchait le fenouil.

En plat principal, les crevettes étaient charnues et présentées sur une sauce tomatée légèrement pimentée. Savoureux, piquant, cuit à point et frais (vous savez, quand elles sont presque sucrées)... On en aurait pris plus.

Un autre repas nous aura fait découvrir la morue charbonnière, un poisson blanc et gras qui fond dans la bouche comme un saumon, et cuit exactement comme il le faut pour le laisser dévoiler cette texture exceptionnelle.

Tendres et classiques, les escalopes de veau mettent en valeur la sauce qui les accompagne. Celle que nous avions choisie avait cependant le même problème que les pâtes au fenouil: il lui manquait l'ingrédient annoncé, des artichauts dans ce cas. On en aurait voulu de gros morceaux pour y croquer à belles dents.

Au dessert, la crème caramel était parfaite: moelleuse mais consistante, fraîche et sucrée. Mais comme le gâteau à la ricotta, elle était servie sans la moindre touche de nouveauté, et renvoyait l'image ennuyante des desserts d'une autre époque.

Pour ceux qui aiment acheter de belles bouteilles, la carte des vins du Latini est exceptionnelle et remplie de raretés dont les prix montent très vite. Ce qui est plus difficile à trouver, ce sont les bons vins honnêtes, à moins de 65 $...

Pour ce cocon fréquenté par le Tout-Montréal, il y a donc un prix. La note y est élevée. Nous y sommes allées deux fois. La première fois, l'addition, service et taxes inclus, s'élevait à 100 $ par personne. La seconde fois, sans bouteille de vin- juste deux verres- sans apéro, on s'en est tirées avec une note de 75 $ par personne.

Avons-nous été émerveillées pour la peine?

Les habitués du Latini expliquent que c'est à force d'aller à ce restaurant, le midi et le soir, qu'on apprend à l'apprécier. Car lorsqu'on est connu, on devient un invité spécial, qui a droit aux attentions les plus particulières. On se fait recommander des vins, des poissons en particulier.

On a l'impression d'être unique. On découvre la subtilité des ingrédients. On s'habitue à cette qualité. Et rares sont les restaurants montréalais, dit-on, où l'on devient aussi choyé.

C'est pourquoi la clientèle du Latini est si fidèle et si enthousiaste.

Et pourquoi les autres ne comprennent pas toujours où est l'équilibre qualité-prix.



LATINI


1130, rue Jeanne-Mance

Montréal, (514) 861-3166

> Prix : Le soir, à partir de 80$ par personne, environ, tout compris.

> Faune : gens d'affaires d'un certain âge et autres dirigeants de grandes entreprises québécoises. Surtout des hommes, pour ne pas dire des bonhommes.

> Service : gentil, professionnel mais accessible. Des gars qui connaissent leur métier.

> Vins: carte longue et spectaculaire, peu de vins bon marché. Vin au verre: pas grand-chose en bas de 9 $ et plus.

+ L'excellente idée de distribuer du chocolat noir à la fin du repas, pour une petite touche finale amère et sucrée.

- On pourrait choisir du chocolat de meilleure qualité et le présenter avec un peu plus de décorum.