Il y a de ces restaurants où l'on va pour se sentir bien, pas spécialement pour manger. C'est peut-être le décor, la présence des amis, le partage. On y va aussi pour l'effet de mode, pour essayer le nouveau truc, mais dans ces lieux on va trop rarement pour la cuisine elle-même. Heureusement, notre ville comporte beaucoup de ces restos où la cuisine est excellente. Et la raison est simple: à la barre, il y a un chef, une vision, un projet cohérent et les capacités pour le concrétiser.

Mais tout n'est pas parfait. Ainsi, le resto Monsieur B, installé là où autrefois s'épanouissait La Montée de lait, (déménagée depuis au centre-ville). À sa place, ce restaurant qui veut en mettre plein la vue, mais qui ne réussit qu'à faire un tout petit plouf! Le résultat? À peine un petit frisson, et ce n'est pas de bonheur.

 

La carte est sommaire et les alliances restent sages. On s'attend à une cuisine limpide selon les intitulés, on reçoit des plats dont les parfums et les goûts sont ombragés par un travail imprécis.

On vous apporte d'emblée un potage, ce soir-là, une sorte de velouté aux lentilles difficile à reconnaître si la serveuse ne nous l'avait expliqué. En fait, ce velouté ne goûtait à peu près rien. Pas salé, pas d'aromates, pas d'huile d'olive ni d'un peu de vin rouge pour faire chabrot, rien. C'était fade et sans intérêt. Avec les entrées, on sent comme un désir de faire dans le panache urbano-branché: un trait de sauce étalé à la spatule au fond de l'assiette, un désir de jouer avec les couleurs, une petite friture sur un hachis de cru, tout cela est bien cosmétique au fond.

Même sans les fioritures, si le goût y est, c'est gagné. Ici, les parures cachent des faiblesses techniques évidentes. L'assiette d'asperges du Québec - c'est la saison et c'est une bonne idée de les proposer - est offerte en trois versions. La première en purée, couplée avec une seconde purée de poivrons rouges grillés et présentés dans un long verre à shooter: pour manger des deux purées on vous apporte une petite cuillère laquelle ne touche pas le fond du verre. On doit donc tout manger le premier étage avant d'attaquer le second. Les deux purées sont fades et très crémées. La crème a encore un rôle en cuisine, et c'est celui d'exalter le goût de base des aliments, pas de les masquer. La deuxième variation présente les têtes d'asperges sautées au beurre avec des champignons, au demeurant délicieux avec un parfum de noix, et quelques copeaux de mini tomates. Faute d'assaisonnement, l'ensemble est purement gras et salé. La troisième version est une salade de pommes vertes et d'asperges crues - une bonne idée ça, l'asperge crue -, encore faut-il savoir l'apprêter, car la salade est trop vinaigrée.

Le gâteau de crabe est mieux réussi, mais la salade de céleri-rave est huileuse et fade, manque de sel, de poivre, d'un trait acidulé. Ça ne relève ni le crabe ni ne soulève le croustillant de la friture. Ça fait plouf! Tout simplement.

Les plats sont neutres, décolorés, modiques. Un effiloché de jarret d'agneau est correctement cuisiné. Longuement braisé, il se mange à la cuillère. Malheureusement, il n'a presque pas de parfum, il manque de cumin, de persil frais, de ciboulette, de sauge, que sais-je, d'un peu de piment, pour réanimer tout ça. Le risotto sur lequel il repose est trop riche, mais pas d'un bouillon comme on serait en droit de l'attendre. Le riz est trop cuit. Nous n'en mangeons que quelques bouchées. Le poisson est trop croustillant sur la peau (cuit à température trop haute) et presque cru à l'intérieur, rosé à l'arête. C'est un mérou, un poisson des mers tropicales à la chair grisonnante, mais délicate et un peu flasque, assez peu relevée. Parfait pour un mariage d'aromates. Voilà pourquoi on doit le saler avant la cuisson et vérifier que l'assaisonnement est à point, sinon c'est raté. Et c'est ce qui se passe ici, malgré une sauce vineuse à base de jus de viande. On le sert avec des légumes trop cuits, fèves pâteuses, et quelques tranches de rattes archicuites, sans finesse. Oh! Il y a bien cette petite purée de panais, mais c'est bien peu de choses pour relever tout le reste qui est d'une accablante insipidité.

Pour les desserts, il fallait tout de même vérifier s'il nous restait quelques illusions. Mais ce brownie trop sucré, nappé d'une épaisse sauce au chocolat noir - trop sucrée - et d'une panna cotta cotonneuse puisqu'il s'agissait plutôt de chantilly crue parfumée à l'essence de pistaches et servie avec des abricots pas mûrs.

Vous savez quoi? Un chef qui fait des «plats de chef», sans en posséder la technique et l'originalité, c'est comme un barbier qui essaie de vous coiffer avec une cuillère. Il eut mieux valu rester simple, modeste même, et admettre qu'en cuisine, tout le monde ne peut éblouir.

 

Monsieur B

371, rue Villeneuve Est

514-845-6066

On y retourne? Selon vous?

Prix: Des entrées à 10$, des plats à 30$, des desserts à 8$, et aucune formule. En un mot, vous avez une addition musclée à 90$ tout compris (mais sans vin!) pour une cuisine plutôt bâclée, pleine d'erreurs techniques.

Faune: Un samedi soir, elle arrive de la banlieue, autrement petits groupes de pros, laconiques couples locaux, une belle faune en fait, mêlant superbe et innocence dorée.

Décor: Frais, clair, pimpant, étriqué. Il ne faut pas beaucoup de monde un samedi soir pour donner l'impression d'être tassé comme des sardines.

Service: Il est sympa, mais il est dépassé par l'affluence.

(+) C'est un Apportez-votre-vin, au moins voilà une partie du repas que vous contrôlerez.

(-) Mise-en-bouche facturées? Ce sont souvent les petits détails qui font que l'on reconnaît une bonne maison d'une... pas terrible. L'impression qu'on vous passe un sapin sous prétexte que vous ne payez pas le vin!