S'il y a bel et bien quelque chose qui s'appelle la clique du Plateau, je n'en fais pas partie et je n'ai aucun parti pris en faveur de l'avenue du Mont-Royal. Je dirais même qu'au contraire, cette avenue m'a plutôt souvent déçue, côté resto.

Trop d'à peu près. Trop de restos dont on a l'impression qu'ils ont été conçus avec une recette éprouvée de marketing en tête: «Mettez une bonne dose yuzu dans la sauce, au moins un tartare de thon au menu, une note d'halogène au plafond...»

 

Si bien que lorsque j'ai eu le coup de coeur pour le restaurant La Salle à manger, angle Mont-Royal et Chambord, j'en ai été la première surprise.

Surtout qu'en apercevant les lieux et le menu, je craignais, là encore, que ce restaurant soit plus un concept qu'autre chose. «Tapissez le plancher de tuiles rétro, ajoutez quelques tables en matériaux recyclés, lier le tout avec une assiette de cochonnailles et toutes sortes de tartares au menu...»

Sauf que ce n'était pas le cas.

La Salle à manger a une tête et des papilles. Ce n'est pas une idée avec une caisse enregistreuse. C'est un vrai restaurant où l'on sert de la cuisine préparée par des gens qui se cassent la tête pour que ce soit bon. Et ce l'est.

Prenez l'entrée à la mozzarella di buffala.

La sert-on avec des tomates? Non, avec une purée d'olives vertes et un biscotti au citron confit. Facétie? Pas du tout. C'est plutôt frais et recherché, car la texture granuleuse, complexe, liant acidité et une légère amertume verte de la purée, complète parfaitement bien la grande douceur du fromage.

De la même façon, une salade d'endives au bleu, qui aurait pu être banale, est refaite avec finesse, car on utilise des endives très fraîches taillées en lanières, des rondelles de poires craquantes et du Ciel de Charlevoix, plus crémeux et moins astringent, mais tout aussi profond, que les bleus habituels.

Aussi, l'assiette de charcuteries, servie sur une planche de bois, avec les classiques moutarde et cornichons, fait une belle place à une tête fromagée maison et un jambon artisanal.

En plat principal, un canard grillé, suffisamment imposant pour nourrir deux personnes, farci aux lentilles, carottes, champignons et caché sous une montagne de roquette fraîche, donne l'impression que le chef sait se faire influencer de la bonne façon par Martin Picard du Pied de cochon.

C'est riche, c'est spectaculaire, c'est réconfortant.

En revanche, une assiette de flétan accompagné de moelle frite et de sauce gribiche aux huîtres aurait pu s'imposer comme une version déconstruite spectaculaire du classique fish'n'chip. Malheureusement, bien que tendre et floconneux, le poisson est légèrement trop cuit pour qu'il s'abandonne en bouche comme on l'aimerait.

Au dessert, la carte est remplie de petites créations originales qui ont toutes en commun d'être à la fois recherchées et généreusement riches et sucrées, comme si le chef pâtissier se gardait bien de tomber dans le trop cérébral.

Recommandations spéciales pour la mousse au caramel et à la banane, accompagnée d'une glace au dulce de leche, d'une grosse louchée de caramel et de quelques noix d'acajou, pour le dessert au chocolat et au pralin et pour le pain perdu aux pommes et aux bleuets.

La Salle à manger

1302, avenue du Mont-Royal Est

Montréal

514-522-0777

http://lasalleamanger.ca/

Prix: Les entrées oscillent autour d'une douzaine de dollars (9$ pour la salade d'endives, 15$ pour le carpaccio de cerf), tandis qu'il faut compter en moyenne environ 25$ pour les plats principaux et 7$ ou 8$ pour les desserts. On peut aussi choisir des vins au verre à moins de 10$.

Vins: jolie carte, plutôt courte mais sans lieux communs.

Service: patient et accessible. Quelques petites lenteurs.

Décor: Décidément, j'aime bien les décors signés Henri Cleinge, qui a fait aussi le SoupeSoup du Vieux-Montréal. Ce designer réussit à mélanger habilement modernité et matériaux récupérés - les tables sont en allées de bowling, comme chez Cluny - et le résultat est très actuel, notamment cette chambre froide vitrée où l'on peut voir avec quoi on nous prépare à manger. Seul problème: un niveau de décibel très élevé.

Genre: fréquenté par les bo-bo du quartier, ce bistrot accueille les amateurs de bonne cuisine, qui veulent manger des plats savoureux et modernes, sans chichi. C'est assez relax pour y aller avec de jeunes enfants - une dame est même arrivée avec son chien! -, mais le menu a peu de plats simples et très accessibles pour les moins aventureux.

On y retourne: sûrement, pour manger dans une atmosphère vivante, en tête à tête ou en petit groupe, pour un souper de filles ou de gars.

(+) Les plats à partager.

(-) Un niveau de décibels très élevé et un nom plutôt difficile à «googler».