Ce beau resto, qui me fait penser au vaisseau spatial de l'émission Perdus dans l'espace, avec son esthétique années 60, un peu pop art, complètement nimbé de blanc et de bleu franc, avec ses cuirs lactés et ses chaises à la Star Trek, impressionne au premier coup d'oeil.

Installé juste devant le marché Jean-Talon, tout laisse croire qu'une telle perle (en plastique c'est vrai) se consacre à une cuisine saisonnière, collée aux produits. Pourquoi donc ne pas s'être inspiré de ce qu'ont réalisé David Macmillan et Frédéric Morin (au Joe Beef), eux aussi installés tout près du marché Atwater, avec une cuisine originale, moderne et surtout fraîche? Car ce resto trop beau, trop original, qui aurait pu servir une cuisine impeccable, se contente de proposer des nourritures banales et «académiques».

On nous annonce une cuisine traditionnelle italienne, mais en réalité il s'agit d'une interprétation qui ferait rougir de honte les bonnes mammas habituées à une fraîcheur de produits sans équivoque. Oui, c'est joliment présenté, en tout cas les entrées. Oui, ça a de la gueule et ça sent bon. Triomphe de la forme sur le contenu, hélas! Car ça manque de goût, de charpente, tout est vaguement tiède et fade. Imaginez que vous montez dans les montagnes russes puis que vous perdez conscience avant de redescendre, quel dégrisement. C'est un peu le sentiment que l'on éprouve devant tout le repas.

Des calmars frits, et des rubans de courgette frits et saupoudrés de persil et d'ail frais sont délicieux - même si les calmars sont un peu caoutchouteux - et que la friture a légèrement tiédi, ce qui donne une élasticité malvenue à ces amuse-bouches. Des crespelle, des crêpes attachées comme des baluchons et farcies de champignons sont pâteuses et manquent de sel ou d'herbes fraîches, bref de tout. Nous les abandonnons à leur (triste) sort pour une torta al polenta encore un peu grumeleuse, insuffisamment cuite dans le bouillon, trop salé, et qui sert de support à un peu de ragoût de lapin (mais vraiment très très peu), assez savoureux tout de même. Heureusement, le Speck, cette charcuterie typique du Tyrol italien, fait de jambon fumé au genévrier et joliment présenté sur une assiette blanche, est à la hauteur de sa réputation et montre au moins l'attention portée à la présentation, ce qui n'est pas rien direz-vous. Et avec raison. Mais en cuisine, quand le contenu, en un mot le goût, le travail du cuisinier, l'assaisonnement, la finition, sont négligés au profit de la présentation, il y a comme un décalage.

Or, si les entrées étaient correctes, sans plus, attendez-vous à une descente à la file indienne avec les trois plats principaux choisis ce soir-là. Le suprême de poulet poêlé et servi avec des pistaches (crues) et nappé d'une sauce au miel, donne un sucré-salé d'une remarquable fadeur. Le foie de veau demandé rosé, reçu ébène, est couvert d'une riche compote d'oignons à laquelle il manque de sel. Les escalopes de veau sont sans goût, trop cuites et présentées dans une sauce insipide dont on ne sait si elle est faite d'un fond ou de bouillon commercial. Nous laissons la moitié de tout dans l'assiette, ainsi que les légumes cuits à la vapeur (dans un resto italien?), carottes, asperges, haricots. Au dessert, ça ne s'arrange pas: nous choisissons un gâteau à la farine de maïs assez sucré et vanillé et à peu près correct, mais dégoulinant de sirop.

Nous qui avions de grandes espérances devant une carte prometteuse maniant bien l'illusion cependant, nous sommes ressortis de ce bel écrin, un peu secoués.

Il faudrait peut-être que le cuisinier réapprenne à faire des sauces, à servir de la friture à la bonne température et à éviter les pièges de la frime. En tout cas, ce Basi semble fait pour les personnes qui travaillent trop et qui vont trop souvent au resto!

Basi

77, rue Shamrock

Montréal

514-750-0774


On y retourne? On leur laisse le temps de réfléchir un peu sur la nature d'une sauce avant...

Prix: c'est vrai que ce n'est pas tellement cher. Mais quand ce n'est pas bon, c'est toujours trop cher! Disons autour de 150$ à trois, tout compris.

Faune: familles dorées, silhouettes griffées avec cellulaire et BlackBerry en main, émergeant d'Audi ou de BMW en talons hauts.

Décor: pop art et architecture rappelant les aéroports scandinaves circa 1967.

Service: gentil, mais franchement amateur. On ne connaît ni les plats ni les vins, on se contente de sourire et quelques-uns ne parlent pas un mot de français!

Vin: carte correcte avec très peu de choix au verre (deux par catégorie) et quelques petits crus facturés raisonnablement tout de même.

(+): le décor, «très-très-très»!

(-): sérieux problème d'aération. On sort de là avec les vêtements qui empestent le graillon.