Les grandes tables souffrent parfois d'être un peu grandiloquentes, velours sous les fesses, vaguement carte postale du luxe, surannées malgré tout le Philippe Starck qu'on veut.

On pourrait dire que leur contraire, le bistro de quartier, souffre lui aussi d'afflictions clichées: tutoiements à l'avenant, cuisine rassemblée en deux claquements de doigts et service parfois indolent quand il n'est pas carrément insolent.

Dans un monde idéal, on trouverait le restaurant idéal, celui qui réunirait les meilleures dispositions des uns et des autres. On lui a même trouvé une épithète: le bistro chic.

Notre ville comporte plusieurs établissements dans cette catégorie hybride. Et si plusieurs s'en tirent honorablement, il y en a aussi quelques-uns qui s'auto-érigent au zénith de la profession et nous arrachent des additions himalayennes, souvent sans raison. Nous ne parlerons pas de ces derniers mais d'un modeste établissement qui a, lui, réussi à coups de travail sérieux, de rigueur, et d'une certaine pudeur gastronomique, à monter bien haut dans notre estime.

Peu connu cependant, il a adopté le nom d'Inconnu. Allez savoir. Il s'est installé là où se termine la rue Roy, à deux pas du parc La Fontaine et propose une carte où les spécialités de cuisine française assez sages, côtoient quelques plis de mode, surtout structurants tels les déclinaisons sur un thème. Mais ce ne sont pas là des reproches si la finition est bien fignolée. Et c'est le cas ici. Le resto lui-même apparaît comme une version rebadigeonnée, soulagée de lourdeur d'un précédent occupant, tant dans le décor que dans le choix des mets. La salle est lumineuse et simplement organisée en rectangle, les tables assez éloignées les unes des autres pour permettre un peu d'intimité et tout est décanté dans des tons bruns, sable et crème au beurre. En somme, très Plateau et élégant.

Côté cuisine, on a donné un coup de jeune à de vieilles recettes: tartare, gravlax, ris de veau, lapin braisé, brandade. Le chef propriétaire anglo-montréalais Jeff Stirrup semble favoriser la transparence, celle des sauces, des jus, des assaisonnements lestes. Il le montre avec un amuse-bouche liquide, une crème de champignons dense et tonique. Puis avec des entrées préparées sans artifice: du homard poché légèrement (mais un tout petit peu trop cependant), autour d'un support fait de pointes d'asperges blanches sautées avec des chanterelles et des lardons pour faire un peu de bruit dans la bouche et donner un peu de salé à cette délicate composition. Autrement, les cailles se déclinent en trois formats, la cuisse, le suprême poêlé et l'oeuf. Original cette idée de trio sans compromis (et sans os), viande rôtie avec soin, presque laquée d'une sauce fine et savoureuse. L'oeuf est en salade, simplement mélangé à des petits dés d'oignons, d'un trait d'huile d'olive. Tout à fait réjouissant.

En plat, un pavé de flétan est poêlé puis monté autour de tranches de chorizo (un peu trop cuit celui-là) et de moules, dans un jus vigoureusement tomaté et mouillé au vin blanc. Dans cette assiette, le chef ajoute des pointes d'asperges vertes, quelques haricots verts fins, et des tomates-cerises coupées en deux. C'est estival, léger et pourtant c'est du solide, expression méridionale et succulente d'un plat modeste. L'agneau se présente aussi en trois déclinaisons, la côte grillée et herbacée, saignante avec un jus relevé, puis une sorte de cassoulet, avec la viande en sauce et les haricots cachés sous l'appareil, puis un tartare savoureux. C'est très bon et spontané, et fidèle au concept risqué du chef de rallier tradition et modernité.

En finale, quand on voit panna cotta et profiteroles, on a envie de lever les yeux au ciel pour le cliché mais le premier est ancré dans un support ultra vanillé et le second rempli de glace à la menthe de glace (ne demandez pas, ça gèle), et nappé d'un bon chocolat amer. On n'a qu'une envie: plonger la cuillère au beau milieu. Pour une fois, ce n'est pas trop «sucrailleux» et servi pas trop froid. Après ce calcul, cet Inconnu présente une cuisine de grande qualité technique, sage certes, mais rassurante et pimpante.

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L'INCONNU

3807, rue Saint-André

Montréal

514-527-0880


> On y retourne? Absolument, et deux fois plutôt qu'une.

> Prix : Formule table d'hôte de trois services à 35$ (à la carte autour de 50$). Les entrées vont de 9-14 $ et les plats 21-29$. Trouvez mieux pour cette qualité et faites-moi signe!

> Faune: Resto de quartier égale faune tranquille, qui ne souhaite pas s'éloigner de son foyer. Des personnes au cellulaire qui brille, des gens de la soirée plutôt que de la nuit, et qui s'habillent en jeans griffés, mais qui parlent discrètement. En chuchotant presque... chut !

> Décor : Comme souligné au trait marqueur, moderne, bois et verre, net et gai. Des chaises au dos rigide.

> Service : Impeccable, un peu tendu mais bien informé.

> Vin : Quelques crus assez bien choisis mais limités, à des prix raisonnables.

+: Des salles de bains où l'on aimerait presque s'installer pour converser avec un ami tant elles sont confortables.

-: Le choix de vins au verre limité. Dans ce genre d'établissements, ce serait la recette miracle d'avoir un bon choix pour accompagner la cuisine.

 

 

L'INCONNU

3807, rue Saint-André

Montréal

514-527-0880


> On y retourne? Absolument, et deux fois plutôt qu'une.

> Prix : Formule table d'hôte de trois services à 35$ (à la carte autour de 50$). Les entrées vont de 9-14 $ et les plats 21-29$. Trouvez mieux pour cette qualité et faites-moi signe!

> Faune: Resto de quartier égale faune tranquille, qui ne souhaite pas s'éloigner de son foyer. Des personnes au cellulaire qui brille, des gens de la soirée plutôt que de la nuit, et qui s'habillent en jeans griffés, mais qui parlent discrètement. En chuchotant presque... chut !

> Décor : Comme souligné au trait marqueur, moderne, bois et verre, net et gai. Des chaises au dos rigide.

> Service : Impeccable, un peu tendu mais bien informé.

> Vin : Quelques crus assez bien choisis mais limités, à des prix raisonnables.

+: Des salles de bains où l'on aimerait presque s'installer pour converser avec un ami tant elles sont confortables.

-: Le choix de vins au verre limité. Dans ce genre d'établissements, ce serait la recette miracle d'avoir un bon choix pour accompagner la cuisine.