C'était l'été. Il faisait chaud, ce qui n'a pas empêché Josée Fiset de recevoir cette demande inattendue: «Maman, fais-moi une tarte!»

Une tarte. Alors que les autres enfants rêvent de cornets de crème glacée. Quelle idée!

Josée Fiset venait de terminer sa période de prototypes de tartes. Afin de préparer son livre Tartes, elle avait fait un nombre incalculable de desserts à ses enfants. C'était la meilleure façon de tester ses recettes, mais c'était aussi une délicieuse manière de leur montrer qu'elle les aime tellement qu'elle prenait le temps de leur faire une belle tarte. Juste pour eux. Les petits y ont pris goût.

 

La période d'essai finie, au lieu de demander un mot d'amour ou de réconfort, les enfants demandent parfois une tarte. Comme ça, pour combler une fringale, par un bel après-midi tranquille d'été.

«Ma mère, qui était avec nous, m'a conseillée de lui faire une croustade», raconte Josée Fiset. Déjà, il faut savoir que la grand-mère dont il est question ici est Liliane Colpron, fondatrice et présidente des boulangeries Première Moisson. Dans la famille, le goût du pain et de la pâte s'est transmis de mère en fille.

Les trois générations de femmes ont finalement fait ensemble une croustade. La recette familiale a d'ailleurs été ajoutée au recueil Tartes, paru à l'automne aux Éditions de l'Homme et signé Josée Fiset et Dominique Boué, chef pâtissier de Première Moisson.

Il y a quelque chose d'assez surprenant, tout de même, à l'idée de faire paraître un livre de recettes de tartes en 2010. Au Québec, les ventes de tartes diminuent dans les supermarchés. La tarte commerciale, souvent grasse et garnie d'un mélange très sucré, n'a plus la cote. Aussi, on cuisine moins de pâtisserie et de boulangerie à la maison. Inévitablement, les recettes se perdent d'une génération à l'autre.

C'est donc un peu dans une entreprise de réhabilitation que s'est lancée la femme d'affaires, vice-présidente de la boulangerie familiale.

«Chez nous, il n'y a jamais eu d'aliments transformés dans le garde-manger», explique Josée Fiset, rencontrée dans sa cuisine, à L'Île-des-Soeurs. L'équation est simple: on ne fait aucun compromis sur la qualité des ingrédients; en revanche, on prend le temps qu'on ne croit pas avoir pour cuisiner. Une délicieuse conciliation travail-cuisine.

C'est toujours moins long qu'on ne croit, dit-elle, parce qu'on pense que tout doit être parfait. Or, la cuisine familiale ne cherche pas la perfection. De la soupe à la tarte, c'est plutôt un moyen de nourrir sainement la famille, évidemment, mais aussi de passer à autre chose après la semaine au bureau, explique Josée Fiset.

«Quand on travailles dans sa cuisine, ce qu'on fait ne ressemblera jamais à ce qu'on achète à la pâtisserie, dit-elle, la main à la pâte. Les gens doivent cesser de penser que ça doit être parfait. C'est parce que c'est imparfait que c'est si bon!»

C'est pour cette raison qu'elle met les poires poêlées encore chaudes sur sa préparation de chocolat au lait-yogourt. Inévitablement, la chaleur et le poids font qu'il est physiquement impossible de couper une jolie pointe. Tout s'affaisse. Josée est aux anges. Elle trouve sa tarte charmante. Elle sourit de fierté. Et effectivement, sa création est nettement plus appétissante qu'une tarte commerciale...

Une heure, cinq tartes

Le jour de la séance photo, Dominique et Josée ont fait cinq tartes en à peine plus d'une heure. Trois recettes et quelques variantes.

Lorsqu'elle a accepté de faire un recueil de recettes de tartes, Josée voulait absolument faire un livre très accessible. Elle a forcé son chef pâtissier à sortir du moule. Pas facile pour un pâtissier d'expérience d'accepter de faire une tarte avec du tofu! Plusieurs de ses tartes sont faites sur des croûtes de biscuits ou de préparations à la main. Parfois, deux ingrédients suffisent pour faire le fond. Cinq minutes de préparation. Les puristes diront de certaines créations qu'elles ne sont pas des tartes.

«Une tarte, ce n'est pas obligé d'être un fond compliqué», répond la principale intéressée, pour briser la barrière psychologique du rouleau à pâte. Un mélange de chocolat fondu et d'arachides, de fruits secs ou même de pain perdu peuvent très bien remplacer la pâte.

Dans la catégorie des tartes, elle fait entrer les clafoutis, les oeufs au lait, des desserts aux abricots. C'est un bon moyen de commencer. Ceux qui veulent faire de la pâte traditionnelle et des desserts plus raffinés passeront à l'étape suivante. Mais les nuls en pâtisserie trouveront aussi leur compte, pas du tout complexés par des créations hors de portée.

«Quand j'ai fait mon livre sur le pain, j'ai suivi la même philosophie, dit l'auteure. Les gens ne font pas beaucoup de pain à la maison, mais ils peuvent faire des focaccias ou des pâtes à pizza. C'est la même chose avec les tartes.»