Noël, Noël, Noël! Oui, on peut éviter de refaire, année après année, les mêmes recettes de dindon et de tourtière. On peut, par exemple, s'inspirer de la manière dont les immigrés italiens ont traditionnellement célébré Natale.

Les rites religieux québécois ont leurs racines dans ceux de France, bien entendu, mais aussi dans ceux de l'Italie, dominée par des siècles de papauté. En Italie, Noël est restée une fête familiale en raison surtout du concept même de la fête de la naissance. D'ailleurs on célèbre toujours la fête de la Sainte-Famille le dimanche suivant Noël. Cela comprend naturellement de la bonne cuisine, préparée en famille, par les femmes surtout. Mais cette cuisine n'est pas la même que celle des pays de tradition anglo-saxonne, de France ou du nord de l'Europe où la bombance - et l'excès - sont la norme.

 

En Italie, la fête est restée profondément chrétienne et célèbre, en plus de la naissance du Christ, l'obligation de résister au péché! À Rome par exemple, il est de tradition de servir le capitone, une anguille censée évoquer le serpent qui a causé la perte d'Ève, et donc de tous les humains. En la mangeant, on se débarrasse du démon et par extension du péché. Ailleurs dans la péninsule, les anchois ou la morue entrent dans les plats principaux.

La fête commence le 24 et se termine le 26, mais les échanges de cadeaux varient selon les régions. Dans le Nord, on donne les cadeaux le 25, et dans plusieurs régions, on offre surtout des friandises et même parfois du... charbon à la Sainte-Lucie, le 13 décembre. Dans d'autres régions encore, les cadeaux ne sont donnés que le 6 janvier. Allez savoir! En tout cas, les variations régionales se manifestent surtout dans les traditions culinaires.

Les Italiens de toutes les régions soulignent la veille de Noël avec une grande sobriété. Ils ne consomment que des poissons et des produits généralement associés à une cuisine de pauvres. Ainsi, il est de coutume de servir un plat de pâtes aux légumes, suivi d'un plat de poisson, souvent de la morue dessalée ou de l'anguille. À cela on ajoute des légumes secs, comme des lentilles ou des haricots, et l'on fait suivre de fruits secs et de biscuits, rarement de gâteaux.

Le lendemain, la journée de Noël, on mange du pannetone (Milan) ou du pandoro (Venise), et du panforte (Toscane et Ombrie) dans les provinces du centre. Encore là, même les desserts sont modestes et simples, et sont généralement confectionnés à base de fruits et de noix.

Graziella Batista, chef-propriétaire de l'un des meilleurs restaurants italiens de Montréal, raconte que sa maman, originaire de Calabre, préparait sa tablée de la veille avec grand soin et la couvrait de plats variés mais toujours modestes. Loin des Italiens, l'idée des bûches et des dindons ruisselants. Et c'est au milieu de cette cuisine humble que Graziella a commencé à s'intéresser à la cuisine. Sa maman, Michelina, lui demandait souvent de l'aider, ce qu'elle faisait avec enthousiasme. Ainsi, ce rôle d'aide en cuisine a contribué à son instruction gastronomique, mais aussi à développer son goût et sa compréhension des traditions calabraises. Étonnant, quand on sait que chez la mère de Graziella, comme chez beaucoup d'immigrées qui travaillent le jour et s'occupent des tâches domestiques le soir, la cuisine n'a jamais cessé d'être le ciment familial. Graziella ajoute qu'elle a toujours vu sa mère en cuisine. «C'était son domaine, son monde à elle», dit-elle.

Le menu qu'elle nous propose aujourd'hui a tous les mérites de cette cuisine faite avec peu de moyens, mais avec beaucoup d'imagination et de débrouillardise. Une cuisine qui a laissé le souvenir d'une vie familiale intense, autour de la table.