Dans un hameau du Piémont (nord), l'Université des Sciences Gastronomiques (UNISG), fondée par le mouvement Slow Food, accueille plus de 300 étudiants venus du monde entier pour devenir des gastronomes résolus à défendre une alimentation «durable» et de qualité.

En plein coeur de la région viticole des Langhe et à quelques encablures d'Alba, «capitale» de la truffe blanche, ce «campus» se trouve à Pollenzo, petit bourg pittoresque dépendant de la commune de Bra qui est le siège du mouvement écolo-gastronome fondé en 1986 par Carlo Petrini.

Ayant pour emblème un escargot, Slow Food, qui revendique 100 000 membres dans 132 pays, se bat contre l'uniformisation du goût et pour la défense d'une gastronomie respectueuse de l'environnement et des traditions locales.

Mais dans l'imposant bâtiment du XIXème siècle construit par la famille royale de Piémont-Sardaigne qui abrite l'Université, pas de fourneaux ni de casseroles.

Les étudiants ne sont pas là pour devenir chefs mais «gastronomes», de «nouvelles figures» pouvant travailler dans tous les champs de l'«agroalimentaire de qualité»: production, distribution, promotion et communication, selon l'UNISG.

«L'Université est née en 2004 de l'idée de Carlo Petrini de concevoir la gastronomie comme une science» en mettant l'accent sur les composantes «affectives, culturelles et humanistes» sans lesquelles «on ne réussit pas à comprendre la valeur de l'alimentation», raconte le directeur, Valter Cantino.

Agronomie, viticulture, biologie, analyse sensorielle des aliments, histoire de la cuisine et du vin, anthropologie, marketing, communication figurent parmi les matières enseignées. Les étudiants font par ailleurs cinq voyages d'études par an en Italie ou à l'étranger.

L'UNISG étant privée, cet enseignement a un coût élevé: 13 500 euros par an pour le cycle en trois ans (licence), 21.000 euros pour le master d'un an. Environ un tiers des étudiants bénéficient de bourses.

C'est cette approche interdisciplinaire qui plaît aux étudiants.

«J'ai fait un bac S et une prépa physique-chimie mais la manière d'étudier ne me correspondait pas. En France, quand on pense à la nourriture, ou c'est très technologique ou il faut devenir cuisinier» alors que «j'attendais de comprendre plus que de faire», souligne Guillemette Barthouil, Française de 21 ans, originaire de Peyrehorade (Landes, sud-ouest).

Fille de producteurs de foie gras et de saumon fumé, membres de Slow Food, elle n'exclut pas de reprendre l'entreprise familiale mais veut d'abord poursuivre ses études dans l'agriculture et le développement du territoire.

Californien de 26 ans, Laine Steelman est lui aussi sensibilisé depuis longtemps aux préceptes de Slow Food, ayant été dès 14 ans commis chez le célèbre chef californien Alice Waters, membre du mouvement.

Après sa formation, il envisage de mettre en place une structure à but non lucratif pour développer l'agriculture bio et l'économie rurale dans le Kentucky, État beaucoup moins réceptif aux idées «slow food» que sa Californie natale.

Un projet pour lequel il affiche son optimisme: «avec la crise, tout a changé et tout le monde sait qu'il faut modifier le système d'alimentation, se concentrer plus sur l'économie locale au lieu d'importer des produits venant de l'autre bout du monde».

Equatorienne de 24 ans, Claudia Garcia s'interroge de son côté sur la confrontation avec le monde du travail après la formation. «Peut-être qu'en sortant, on s'apercevra que ce qu'on a vu, c'était de l'utopie», estime-t-elle, «mais ce sont les utopies qui ouvrent la voie».