J'ai découvert cette ferme par un matin printanier, lors d'une course un peu plus longue qu'à l'habitude. Juste après le petit pont, l'affiche annonçait les Jardins du ruisseau Ball. Mais rien n'indiquait que j'y serais accueillie par un chien aux yeux bleus doux comme des myrtilles et une fermière cultivant des verdures aux noms étranges et des petits pois aux couleurs exotiques.

Tout de suite, j'ai compris que Martine Paridaens savait très bien que je rirais en l'entendant parler de sa salade «grosse blonde paresseuse» et de ses tomates «tétons de Vénus». Mais elle ne se doutait pas encore, à ce moment-là, que je lui demanderais, quelque part en août, avec son mari Normand Vigneau et sa fille Honorine, de m'aider à nourrir 50 personnes pour un banquet végétarien de fin d'été.

La fête a eu lieu il y a 15 jours.

On s'est bien régalés.

Salades, oeufs, tartes et quiches, gâteaux et melons dégoulinant de jus sucré.

Distance totale entre le potager et l'assiette: trois kilomètres, moins des poussières...

«Comment tu vas faire pour trouver tout ce qu'il te faut?» m'a demandé une copine en entendant parler de mon projet de m'approvisionner principalement à la ferme pour préparer mon repas.

«Ça sera très simple, je ne sais pas ce qu'il me faut. Je vais faire de la cuisine du marché», ai-je répondu, pas peu fière d'avoir trouvé un principe justifiant ma tendance naturelle à l'improvisation la plus totale.

L'idée de partir au marché sans liste d'épicerie ni recettes est en effet un concept bien connu en gastronomie. C'est un principe appliqué depuis toujours par les cuisiniers et les cuisinières du terroir, qui préparent des repas avec ce qu'ils trouvent autour d'eux. Mais c'est aussi une approche qui s'est installée plus officiellement dans la pensée culinaire durant les années 70 et 80 quand Paul Bocuse, un des canons de la Nouvelle Cuisine française, a écrit un livre intitulé Cuisine du marché.

Le coeur de l'idée est très simple: pour être sûr de faire les meilleurs plats possible, il faut utiliser les meilleurs ingrédients, donc les plus frais, ceux qui sont au marché, tout naturellement arrivés de la ferme, peu importe lesquels. Choisir à l'avance ce qu'on va préparer nous empêche d'aller vers les meilleurs produits du moment.

Avec nos vies de fous, où on aime avoir une idée précise de ce qu'on va faire pour gagner du temps, l'approche improvisée et sans garde-fou de la cuisine du marché a perdu des adeptes. Surtout qu'aujourd'hui, dans nos supermarchés, on peut toujours trouver tout ce qu'il faut pour faire les recettes que l'on identifie avant de partir faire les courses, peu importe la saison, peu importe le pays. Donc, on n'a pas de raison de fonctionner autrement.

Sauf qu'avec la popularité grandissante des paniers de légumes cultivés dans de petites fermes, des visites chez les agriculteurs et de la consommation régionale, il faut maintenant réapprendre à cuisiner avec ce qu'on a. Et ça promet. Car faire de la cuisine du marché, c'est un peu comme partir en balade sans destination précise, en gardant les yeux bien ouverts pour bifurquer là où s'annoncent les plus beaux paysages.

Jardins du ruisseau Ball

Barnston-Ouest

Tel.: 819-876-2210

JE FAIS QUOI EN REVENANT DU MARCHÉ, SI J'AI DANS MON SAC...

Des pommes de terre

Personne ne se cassera trop la tête en tombant, à la ferme ou au marché, sur des pommes de terre nouvelles. S'il y a un légume facile à cuisiner, c'est bien celui-là. Pour mon banquet, j'ai choisi l'option salade tiède, où l'on fait cuire les pommes de terre coupées en quarts dans l'eau, en surveillant bien la cuisson afin de ne pas trop ramollir le tubercule. Lorsque les pommes sont cuites, on les égoutte et on les dépose dans un saladier avec un peu d'ail émincé, du basilic frais, sel et poivre, et une bonne dose d'huile d'olive. On peut aussi les faire griller au four, avec du romarin frais, de l'huile et du sel, pendant environ 45 minutes (ou plus) à 375 ºF.

 

Photo: André Tremblay, La Presse

Des citrouilles

Lorsque j'ai aperçu les citrouilles de la ferme du ruisseau Ball, je me suis tout de suite dit qu'il fallait trouver une recette puisque c'est un légume abordable, coloré, festif et volumineux. Parfait quand on reçoit beaucoup de monde. En fouillant dans un livre, je suis tombée sur une recette de curry, qui nécessitait aussi des haricots verts et des aubergines, deux autres légumes prêts en même temps dans le potager. Pour lier le curry, il fallait acheter à l'épicerie du lait de coco. Les puristes de l'alimentation régionale diront qu'il faut éviter de tels ingrédients venus de loin. La pragmatique que je suis aime bien, quand même, garder ses horizons ouverts. Avec une courge «butternut», j'ai préparé un potage, que j'aurais pu faire avec la citrouille. Recette hypersimple: on fait griller les légumes au four, vidés et coupés en deux, en cachant une gousse d'ail dans la cavité. Il faut généralement compter environ une demi-heure, peut-être plus si les courges sont grosses, à 375 ºF. On passe ensuite la chair bien cuite au mélangeur et on ajoute du bouillon. Puis on ajoute de la sauge, du sel, du poivre, ou des épices comme de la muscade et du poivre long. Et pourquoi pas un peu de crème?

Photo: Alain Roberge, La Presse

Des betteraves, des panais, des poivrons...

Jusqu'à tout récemment, les betteraves faisaient officiellement partie de la liste des légumes que je n'aimais pas. Et puis, la recette magique a marché: peu importe le légume, il suffit de l'acheter bien frais et de le faire griller au four avec de l'huile d'olive, du sel et, en prime, une herbe savoureuse, et on finira par aimer. Ça marche avec les betteraves, les courgettes, les aubergines, les panais, les patates douces, le céleri-rave, les carottes et les poivrons, évidemment...

Le jour du banquet, c'est la recette qu'on m'a demandée le plus souvent: comment as-tu préparé tes légumes grillés? En gros, on coupe les légumes. Plus ils sont denses - carottes, panais, etc.... - plus il faut les couper en fine julienne si on veut qu'ils cuisent relativement rapidement. Ensuite, on les badigeonne d'huile d'olive, on ajoute un peu de sel, et hop au four à 375 ºF pendant 30 à 45 minutes. Plus simple que ça, on les mange en crudités. Côté herbes, j'aime bien ajouter du romarin, du basilic, de la sauge...

Photo: David Boily, La Presse

Des concombres et des épinards-fraises

Lorsqu'on achète un légume qui ne nous est pas familier, la première personne à qui demander conseil est le fermier qui nous le vend. Souvent, lorsqu'il cultive des variétés spéciales ou inhabituelles, il propose des recettes afin de faciliter la vie de ses clients.

C'est ce que j'ai fait lorsque Honorine m'a vendu des épinards-fraises, un légume très spécial, à découvrir, qui ressemble à des épinards sur lesquels auraient décidé de pousser des framboises douces, molles et charnues mais légèrement salées. Elle m'a conseillé d'en faire une salade avec des tranches de concombre et de lier le tout avec du yaourt. Je l'ai écoutée, mais j'ai pris de la crème fraîche de la Beurrerie du Patrimoine - producteur de la région - au lieu du yaourt. J'ai ajouté un peu de fleur de sel et de la menthe fraîche à tout ça. Une belle découverte.

Photo: David Boily, La Presse

Des épinards-fraises

Des pâtissons

J'aurais pu les mettre dans ma jardinière de légumes grillés. À la place, ces légumes qui ressemblent à des courgettes en forme de soucoupe volante, tranchés finement, on été intégrés, étage par étage, à une lasagne végétarienne. Les pâtissons rejetant moins d'eau que les courgettes, ils se prêtent très bien à ce jeu.

Photo: David Boily, La Presse

Des pâtissons