De Dublin à Lagos, de New York à Kuala Lumpur, le monde célèbrera jeudi les 250 ans de la Guinness, bière noire à mousse blanche dont sont éclusées chaque jour dix millions de pintes dans 150 pays.

En référence à l'année 1759, c'est à 17H59 (16H59 GMT) jeudi que le globe est appelé à lever son verre en mémoire d'Arthur Guinness, fils d'un régisseur, qui signait il y a un quart de millénaire un bail de 9.000 ans pour une brasserie à la porte Saint James de Dublin.C'était le début de l'une des réussites les plus spectaculaires d'Irlande: aujourd'hui, la stout (bière brassée à partir de malt hautement torréfié, d'où la couleur brune) est devenue l'icône de tout un pays et une des boissons les plus vendues dans le monde.

Des festivités seront donc organisées aux quatre coins du globe: à New York, au Nigeria et en Malaisie, on lèvera la pinte en criant «À Arthur», avant d'assister à des concerts ou autres spectacles.

Les réjouissances seront cependant quelque peu ternies par la récession mondiale, qui a mis un bémol à la réussite de la bière brune.

Le groupe britannique Diageo, numéro un mondial des vins et spiritueux qui détient Guinness, a ainsi dû réviser à la baisse fin août ses perspectives de résultats pour 2010. Diageo a dit s'attendre à une nouvelle année «difficile», poussant le groupe à geler un ambitieux projet qui visait à rénover la brasserie historique de Guinness à Dublin.

De quoi faire frémir les 2.200 salariés employés par le groupe en Irlande.

Pourtant, travailler pour «Oncle Arthur», comme était surnommé Arthur Guinness, signifiait jadis la sécurité de l'emploi, ainsi qu'une couverture médicale gratuite et une allocation de deux pintes par jour. Arthur Guinness, père de 21 enfants, avait démarré sa brasserie avec les cent livres que lui avait données en héritage son parrain, un évêque.

La boisson avait vite réussi à se faire une place aux côtés du whisky, auquel il se présentait comme une alternative plus saine. Aux XVIIIe et XIXe siècles, la Guinness est devenue le breuvage de choix des travailleurs immigrés au Royaume-Uni et aux États-Unis.

«Un des emplois les plus importants pour les immigrés était de tenir des pubs», raconte à l'AFP Tanya Cassidy, une sociologue à la National University of Ireland, à Maynooth (est), qui étudie le lien entre la consommation d'alcool et la culture irlandaise.

Aujourd'hui, le «black stuff» (la chose noire, son surnom en anglais), évoque la convivialité des pubs irlandais, les éclats de rires et les longues soirées passées au son du violon.

Emblème de l'île d'Emeraude, la Guinness attire chaque année plus d'un million de touristes dans ses anciennes brasseries de Dublin, réaménagées en attraction.

Changements de comportement oblige, la consommation de bière se porte cependant moins bien: le vin est souvent préféré à la Guinness et les pubs souffrent de l'interdiction de fumer et du renforcement de la lutte contre l'alcoolisme au volant.