Oui, il faut profiter du moment présent. Le message est bien compris, mais après la journée au bureau et les brassées de lavage, il y a l'épicerie à faire et les repas à préparer. Et si, justement, on pouvait se ressourcer en cuisinant une bonne sauce à spaghetti?

En quête de sérénité

On sait que les gens qui cuisinent eux-mêmes s'alimentent généralement mieux, car ils travaillent avec des ingrédients frais et limitent ainsi les produits transformés. Seraient-ils aussi plus sereins?

Ils pourraient l'être en tous cas, estime l'Américaine Dana Velden, auteure du petit guide Cuisiner c'est méditer. Car la cuisine est le lieu parfait pour arrêter, pour se concentrer sur une seule tâche, que ce soit couper des légumes ou pétrir une pâte pour une tatin express.

Pour les gens qui veulent apprendre à faire des pauses, mais qui ne trouvent jamais le temps d'inclure ça à leur horaire chargé, Dana Velden conseille de marier cuisine et méditation, ou à tout le moins de prendre le temps de porter attention, une attention réelle, à ce qui se passe sur la planche à découper.

Dana Velden a vécu plusieurs années dans un centre zen de San Francisco. Elle y a appris beaucoup de choses, notamment en passant un grand nombre d'heures dédiées aux tâches de la cuisine. Là, elle a marié les apprentissages spirituels à la vie pratique. Elle sait maintenant sentir la chaleur du thé qui se diffuse jusque dans la main à travers la tasse et elle a développé la patience d'attendre que le pain lève, puisqu'on ne peut faire autrement.

Dana Velden écrit une chronique dominicale sur le site américain Ktchn où elle parle de ce genre de vertus et des bienfaits collatéraux de la cuisine. Son petit livre Cuisiner c'est méditer est largement inspiré de ses réflexions. Elle invite notamment ses lecteurs à être attentifs à ce qui se passe dans la cuisine. À ce rayon de soleil qui plombe à travers la fenêtre quand on popote en fin d'après-midi et aussi à ne pas se laisser intimider par une technique qui nous semble difficile à maîtriser.

«D'abord, on commence à apprendre la mécanique, puis au fil du temps, on se fond dans l'activité et on n'arrête jamais d'apprendre, d'approfondir, de devenir, écrit-elle. C'est aussi valable pour le violon que pour la fabrication d'une soupe et toutes les autres activités, complexes ou simples, que l'on fait dans la vie.»

Nous l'avons jointe à sa maison de Californie, pour obtenir quelques précisions sur ce concept.

Croyez-vous que nous sommes généralement attentifs à ce que nous faisons en cuisine?

Ça dépend des gens et des circonstances. Les gens ont des vies bien remplies, le travail, la famille, et souvent, cuisiner devient une nécessité. Ce n'est toutefois pas impossible de rendre l'expérience plaisante. Parfois, on peut avoir une façon de faire la cuisine qui est différente le week-end de la semaine. La première chose à faire, cependant, c'est de s'assurer que notre cuisine est un endroit où l'on souhaite être. Même s'ils sont locataires, je dis souvent aux gens d'accrocher des photos dans leur cuisine, de mettre de la musique lorsqu'ils y sont, et pas une émission de radio qui va les déranger. Même lorsqu'on prépare les lunchs, on peut se concentrer sur ce que l'on fait, sur les ingrédients. Si on coupe un fruit ou que l'on pèle des carottes, on peut être attentif aux odeurs, aux sons.

Est-ce que la cuisine peut être la porte pour une pratique de méditation?

Absolument! En tant que professeure de méditation zen, je crois qu'il faut méditer assis sur son coussin. Je recommande une pratique fondamentale, mais il faut aussi se lever de son coussin et être capable d'appliquer ce qu'on y a appris ailleurs dans notre vie. C'est ça, la pleine conscience dont on parle tant: être capable de se concentrer sur ce que l'on fait dans le moment présent. C'est une méditation appliquée à la vie de tous les jours. Et la cuisine est parfaite pour ça. C'est un lieu où il faut éviter de faire plusieurs choses à la fois. Mais ça ne remplace pas une pratique de méditation. Je conseille aussi de méditer, même seulement 10 minutes par jour.

Votre cuisine vous sert-elle de refuge?

La cuisine est un endroit qui devient vite familier. On s'y sent bien. On la connaît, on sait où sont placées les cuillères en bois. En ce sens, c'est très rassurant. Et c'est un endroit où tout le monde doit aller à un moment ou un autre. On peut acheter du prêt-à-manger parfois, mais tôt ou tard, il faudra se cuisiner un repas. J'aime être dans ma cuisine, j'aime ce que j'y fais, même s'il m'arrive de faire parfois des erreurs. Récemment, en faisant un curry, une bulle a éclaté et m'a brûlé la main. Il ne faut pas oublier que la cuisine peut être un lieu dangereux aussi.

Quels plats vous font du bien?

Je ne citerai pas un plat en particulier, mais je dirais que cuisiner avec des ingrédients locaux me rend heureuse. Je n'aime pas aller contre la nature. À l'automne, les tomates sont à leur meilleur. Elles ne goûtent jamais aussi bon qu'à ce moment-là. En hiver, on se fait des soupes, des plats mijotés en rêvant au printemps où arrivent les feuilles et les pousses. Le week-end, j'aime cuisiner plus longtemps. Entreprendre un projet. Faire de la cuisine française, un cassoulet, par exemple.

Cuisiner c'est méditer. Éditions First, 248 pages. 19,99 $

La culinothérapie, vous connaissez?

Peu utilisé ici, le terme a fait son chemin en France jusque dans les centres de personnes âgées et certains autres lieux de soins. Le concept est simple comme réchauffer un bouillon de poulet: cuisiner fait du bien, car cela permet de faire des réalisations simples, concrètes et valorisantes, surtout si le repas est ensuite partagé avec d'autres personnes.

Pour être bien dans sa cuisine, Dana Velden recommande...

- D'avoir un garde-manger bien garni

- De faire pousser des fines herbes

- D'avoir une cuisine en ordre

- D'être bien équipé

- D'avoir des couteaux qui coupent

- De maîtriser les techniques plus que les recettes

Cuisiner hygge et lagomLa vie en Scandinavie est, comme tout le monde le sait, modèle. C'est sur cette idée que misent les nombreux auteurs d'ouvrages sur le hygge et le lagom, ces philosophies de vie danoise et suédoise. Le concept est simple: on vit avec juste ce qu'il faut, ni trop ni trop peu. Il n'en fallait pas plus pour voir arriver des livres de recettes lagom et hygge sur les tablettes des libraires. Un peu sceptique, nous en avons testé deux.

Hygge

Desserts hygge est un très beau recueil de desserts à la scandinave, incluant une bonne variété de brioches et variantes sur le thème de ce qui est bon à grignoter avec un café. C'est un beau livre à offrir à des amateurs de sucré qui veulent incorporer des saveurs nouvelles. 

Recette testée: Biscuits à la noix de coco. 

Simple et vraiment excellente, cette recette de biscuits faits de meringue et noix de coco, trempés ensuite dans le chocolat. Ils sont légers et sucrés et ont fait fureur. 

Desserts hygge, 192 pages, 32,95 $

Lagom

Cuisine lagom ratisse plus large - bien que les brioches y aient trouvé leur place, évidemment! On ne sait pas si le concept de la cuisine lagom rend heureux, mais les recettes de ce livre imposent plus de temps dans la cuisine derrière le four et, donc, mettent en pratique cette idée qu'il faut être patient et attentif dans la cuisine. On y retrouve plusieurs plats mijotés et quelques variantes sur les boulettes. C'est notre préféré des deux, surtout au coeur de l'hiver lorsqu'on a envie de mitonner des plats réconfortants. 

Recette testée: Épaule de porc braisée avec du navet et du panais.

Les légumes avaient caramélisé, ce qui donnait un goût à ce plat réconfort plus doux que celui du bouilli québécois traditionnel. 

Cuisine lagom, 192 pages, 39,95 $

Attention: la maison d'édition de ces deux livres (First) est française et les mesures, en poids notamment, n'ont pas d'équivalent, ce qui impose une balance ou une recherche en ligne!

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Dana Velden conseille de marier cuisine et méditation, ou à tout le moins de prendre le temps de porter attention, une attention réelle, à ce qui se passe sur la planche à découper.

Cinq étapes pour être bien dans sa cuisineDe son propre aveu, Nicole Bordeleau n'est pas une grande chef qui passe des heures dans la cuisine. Mais lorsqu'elle y est, cette professeure de qi gong yoga et de méditation veut faire des repas avec le temps et l'amour qu'il faut. Voici ses conseils pour être bien dans la cuisine.

1. Respirer 

«Cuisiner est une excellente façon d'entrer en contact avec ce qui nous nourrit et ce qui nous guérit. Mais il ne faut pas que ça ajoute du stress. Il faut y prendre plaisir. Avant de commencer, on prend trois respirations profondes», conseille Nicole Bordeleau, qui ajoute qu'il faut aussi penser à sa posture avant de se lancer dans la préparation d'un repas. «Il faut se poser bien droit sur ses deux pieds, dit-elle. Quand tu te tiens croche, ton mental est tout croche.»

2. Réfléchir 

Nicole Bordeleau conseille de donner une intention au repas que l'on s'apprête à préparer, ce qui donne un nouveau sens au geste. «Ça peut être de donner de l'amour à sa famille par ce plat ou simplement de faire du bien à la planète en recyclant», dit-elle.

3. Être là 

C'est le début de tout. «Il faut sentir nos sens, conseille l'auteure du livre L'art de se réinventer. En cuisine, tous nos sens sont sollicités. On peut observer les couleurs. Un poivron rouge n'est jamais tout à fait rouge. On peut aussi prendre le temps d'écouter les sons. Celui de l'eau qui coule, de l'huile qui frétille dans la poêle. Des ustensiles qui s'entrechoquent. Des enfants qui regardent la télévision. Juste les écouter, sans les juger. Être conscient des senteurs. Approcher la carotte près de son nez quand on la coupe, mais aussi sentir les odeurs d'un plat qui cuit. Les odeurs changent durant la cuisson.»

4. Être là, encore... 

«Chaque fois que notre esprit part, on doit le ramener, mais sans se juger, dit Nicole Bordeleau, qui conseille d'en faire un jeu. On peut en profiter pour être attentif à ce qui se passe dans notre corps pendant qu'on cuisine. La faim qui monte et qui nous fait saliver pendant la préparation.»

5. Manger 

Une fois le repas prêt, il faut aussi se donner le temps d'y goûter. D'y goûter vraiment. «On peut se demander comment on mange. Si on mange toujours devant la télévision ou l'iPad, c'est peut-être un bon défi de juste commencer les trois premières bouchées dans le silence. On ne doit pas se fixer de grands objectifs inatteignables au départ.»

Photo Olivier PontBriand, Archives La Presse

Nicole Bordeleau est professeure de qi gong yoga et de méditation.