La Presse vous présente des saveurs d'ici  qui méritent d'être (re)découvertes.

Bien que les Québécois l'utilisent beaucoup, le gingembre n'est pas exactement un «produit local». Ou du moins, il ne l'était pas jusqu'à tout récemment. Deux fermes biologiques d'ici ont remédié à ça. À l'automne, leurs propriétaires feront une première «grosse» récolte de bébé gingembre, dans leurs serres.

À la ferme Chapeau Melon, dans l'Outaouais, la production a quintuplé, depuis l'été dernier. François Biron, qui serait le premier à avoir expérimenté cette culture, devrait sortir de terre 500 kg de gingembre tout frais. C'est ce qui permet à la ferme biologique de l'Outaouais d'offrir son beau rhizome frais à Montréal et à Québec, maintenant.

À la ferme Aux petits oignons, à Mont-Tremblant, on est passé de 400 kg, en 2016, à 1200 kg, cette année. Véronique Bouchard et François Handfield ne sont pas peu fiers de leur réussite. «C'est vraiment une innovation et on a travaillé fort pour développer la méthode de culture», explique la maraîchère. Dans le Nord, on utilise une serre chauffée pour donner une chance à la plante tropicale.

Le «bébé» gingembre

Pourquoi «bébé» gingembre? «Parce que la saison de croissance du gingembre est normalement de 10 mois, explique François Biron, de la ferme Chapeau Melon. Le nôtre n'arrive donc pas pleinement à maturité. On le part en février, dans un entrepôt, sous des néons, on le transplante dans notre serre non chauffée pour l'été, puis on le récolte en septembre. À sept mois, le gingembre n'a pas encore fait sa peau beige et il est moins fibreux.»

C'est ce que nous avons constaté en testant le produit à quelques reprises. Sa belle peau de bébé, crème et rose, n'a pas besoin d'être pelée. De par sa fraîcheur et l'absence de fibres, la racine se coupe et se râpe à merveille. Même le petit bout de tige verte laissé sur le rhizome est comestible. Le hic? Il ne se conserve pas plus de deux semaines, à moins d'être congelé. Et une fois septembre passé, il faut attendre la récolte de l'année suivante. 

François Biron a décidé de faire pousser du gingembre pour se démarquer et pour rentabiliser sa serre pendant la belle saison. Tôt le printemps et tard l'automne, elle abrite des verdures. L'été, la ferme Chapeau Melon fait pousser de l'ail et des melons en pleine terre, à l'extérieur. La patate douce et les courges font également partie du catalogue. 

«J'ai 37 ans et j'ai parti la ferme de rien, il y a quelques années, raconte l'ancien employé du ministère de l'Agriculture. Le modèle populaire à ce moment-là était celui des fermiers de proximité, des paniers bios, etc. Mais ça m'intéressait plus ou moins. On a participé à quelques marchés du week-end, mais avec trois enfants, je n'avais pas envie de travailler tout le temps. Et je n'avais pas envie de faire pousser TOUS les légumes. Alors j'ai décidé de ne faire aucune vente au détail et de plutôt passer par des distributeurs.» 

La diversification

Pas question, alors, de récolter des tomates au mois d'août, comme tout le monde. Il fallait être original. C'est ainsi que le maraîcher a décidé d'offrir de belles verdures fraîches à une période de l'année où il y en a moins et de tester le gingembre dans sa serre froide. 

La production de Chapeau Melon augmentera d'année en année, avec une diversification possible vers des cultures semblables au gingembre, comme le curcuma. Parallèlement, M. Biron tentera de trouver un débouché pour le feuillage du gingembre, qui est très odorant et comestible. Les fabricants de tisanes sont dans sa ligne de mire. 

Le gingembre de chez nous n'est pas donné, soit entre 4,50 et 5 $ pour 100 g. Mais François Biron croit que les Québécois seront prêts à payer pour la beauté, la fraîcheur et la rareté du produit.

À l'automne, on peut trouver le produit au marché de l'Outaouais, au marché Atwater (kiosque des Bio Locaux), à Accommodation bio (Québec) et, en ligne, au Jardin des Anges. Le gingembre de la ferme Aux petits oignons est vendu au marché d'été de Val-David, les samedis matin, et à la boutique de la ferme.

Photo fournie par la ferme Chapeau Melon

La ferme Chapeau Melon fait pousser du gingembre pour se démarquer et pour rentabiliser sa serre pendant la belle saison.