Un vent de changement souffle sur le sirop d'érable au Québec. Alors que la nouvelle nomenclature classe désormais les sirops en quatre catégories, chacune associée à un profil de saveur, l'industrie songe aux façons de donner ses lettres de noblesse au sirop d'érable en le traitant comme un produit fin, au même titre que l'huile d'olive ou le vin.

Au-delà des clichés

Le sirop d'érable est difficilement dissociable du gros repas de cabane à sucre et des crêpes dégoulinantes qu'on mange dans une assiette de carton. Mais il est aussi beaucoup plus que ça! Et s'il était temps de sortir des clichés et de traiter le sirop pour ce qu'il est vraiment, soit un produit fin du terroir?

Cette réflexion, la Fédération des producteurs acéricoles du Québec (FPAQ) la poursuit depuis quelques années. Et la première étape est cette nouvelle nomenclature qui vient d'entrer en vigueur au Québec depuis le début de l'année, qui simplifie la classification du sirop d'érable (le faisant passer de cinq à quatre catégories), tout en associant chaque couleur à un profil de saveur.

Un changement qui permet notamment d'uniformiser l'étiquetage du produit à travers l'Amérique du Nord, qui était jusqu'à récemment un vrai capharnaüm, explique Simon Tépanier, directeur général de la FPAQ. «Toutes les associations en Amérique du Nord se sont concertées pour arriver à un consensus. Il y avait des grilles hallucinantes, des catégories de sirops différentes qui faisaient que l'étiquette pour le Vermont ou l'État de New York n'était pas la même... C'était un méchant casse-tête pour les exportateurs.»

Mais ce que permet aussi cette nomenclature, c'est d'associer chaque couleur de sirop d'érable à un goût (délicat, robuste, etc.). Ce faisant, on met à mal cette idée que la pâleur d'un sirop est proportionnelle à sa qualité. «La couleur ne détermine pas nécessairement les qualités du sirop. C'est comme la bière: une blonde n'est pas nécessairement plus intéressante qu'une noire. C'est une question de goût. Dans le sirop d'érable, c'est un peu pareil», ajoute M. Trépanier

Le sirop comme condiment

Pour François Décarie, fondateur de l'entreprise spécialisée en sirop d'érable 29 février, la nouvelle nomenclature confirme le positionnement de son entreprise fondée en 2013, soit d'amener le consommateur vers un «meilleur mariage des saveurs».

C'est notamment pour dépoussiérer l'image du sirop d'érable que M. Décarie a eu l'idée de lancer 29 février. «On a trop ‟bâtardisé" le sirop d'érable, qui reste toujours associé à la canne, à la ceinture fléchée et à la cabane à sucre, alors que c'est une richesse gastronomique naturelle. Je voulais amener une approche dynamique et moderne, sortir des crêpes!»

Pour ce faire, il travaille à réinventer l'emballage - sa nouvelle gamme de sirops, L'Érablier, utilise un système inspiré des viniers et permet de garder le produit à température pièce même après l'ouverture - , mais cherche aussi à changer la perception des consommateurs. «La compagnie s'appelle 29 février, car le sirop d'érable, c'est bon 366 jours par année, pas juste 365! On veut inciter les gens à ne pas mettre seulement du sirop dans leurs crêpes, mais aussi dans leur vinaigrette, leur gin tonic...»

Bref, se servir du sirop d'érable tous les jours, comme d'un condiment de qualité, au même titre que l'huile d'olive. La comparaison avec cette dernière est d'ailleurs à propos. «Si on regarde l'huile d'olive il y a 30 ans et où elle est rendue aujourd'hui, je crois qu'on s'en va vers ça avec le sirop d'érable», remarque M. Décarie. C'est-à-dire utiliser un sirop d'érable différent selon le contexte, comme on peut cuisiner avec une huile d'olive plus générique pour sauter ses légumes et plus fine pour ses salades.

Vers une appellation d'origine contrôlée?

Le sirop d'érable est un produit fin qui tire ses caractéristiques du terroir où il est fabriqué, mais il n'est pas toujours traité comme tel. Dans cet esprit, la FPAQ travaille donc à trouver une façon de faire ressortir du lot les «sirops d'exception» auprès des consommateurs. «On sait que certains consommateurs recherchent ces sirops, mais ils ne sont pas capables de les identifier», constate M. Trépanier.

En collaboration avec la Commanderie de l'érable - un organisme fondé en 2010 qui s'est notamment fait connaître par son concours de sirops d'érable, La Grande Sève, qui tiendra sa 8e édition en mai - , la FPAQ a donc commandé une étude d'opportunité à la firme spécialisée Papilles, afin de dégager des pistes de solution. Des solutions qui pourraient passer par un système de pastilles de saveurs - à l'image de ce que fait la SAQ - ou par une approche par appellation d'origine contrôlée.

«L'idée de cette étude, c'est de donner à l'ensemble des producteurs une vision d'où le sirop devrait être dans 10 ans. La FPAQ travaille beaucoup avec du sirop en vrac, standard et de bonne qualité, mais on peut aller chercher beaucoup plus en ayant des sirops d'exception, basés sur de petites quantités. Un peu comme la réserve du producteur. On rêve à une appellation d'origine contrôlée, mais ce n'est pas définitif», explique André Caron, secrétaire de la Commanderie de l'érable, retraité de la SAQ et expert en organisation de concours.

La suite des choses? Prendre connaissance de l'étude, lorsqu'elle sera terminée d'ici quelques semaines, et aller vers le Conseil des appellations réservées et de termes valorisants (CARTV) afin de mettre en oeuvre un cahier des charges, détaille M. Caron. «Présentement, les gens peuvent mettre n'importe quoi sur les étiquettes de leurs sirops, mais il n'y a pas d'orchestration. L'idée serait de rassembler tout le monde sous une même appellation, qui deviendrait une garantie pour le consommateur.»

Et pour identifier ces sirops autrement que par leurs couleurs - une classification «correcte», mais qui ne tient pas nécessairement compte de la multitude de profils de saveurs que peuvent avoir les sirops d'érable, peu importe leur couleur - , les pastilles de goût sont une avenue intéressante, croit M. Caron.

«Les gens pourraient ainsi arriver à trouver le sirop qu'ils aiment. On sait qu'il y a des sirops de dessert, à boire pur... On pourrait penser à classer les sirops à saveur pure et ceux avec saveurs complémentaires comme la noisette, le caramel ou la vanille, par exemple.» Bref, un tout nouveau monde de saveurs est à notre portée!

http://fpaq.ca/

http://www.commanderyofmapleartisans.ca/index.php

http://29fevrier.ca/

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

François Décarie, fondateur de l'entreprise spécialisée en sirop d'érable 29 février.

De doré à très foncé: la nouvelle classification

En compagnie de François Décarie, président de 29 février, nous avons dégusté les quatre nouveaux sirops de sa gamme L'Érablier, représentant chacun une classe de sirop d'érable comme le veut la nouvelle classification des sirops d'érable, désormais en vigueur au Québec.*

Doré, goût délicat

Ce sirop est parfait pour utiliser dans les vinaigrettes ou ajouter à ses cocktails comme le gin tonic ou le mojito. Il peut aussi se substituer dans n'importe quelle recette utilisant du sirop simple.

Ambré, goût riche

Le goût est plus riche en bouche et la couleur, légèrement plus marquée. C'est un sirop d'érable traditionnel, celui qu'on retrouve souvent dans les grandes surfaces. On l'utilise sur les crêpes, dans le yogourt... C'est un passe-partout!

Foncé, goût robuste

En bouche, on sent tout de suite le goût plus marqué. On le préfère pour mariner la viande ou faire une sauce BBQ, par exemple.

Très foncé, goût prononcé

Le goût, très prononcé, se rapproche de celui de la tire d'érable. Il est idéal pour remplacer l'agent sucrant dans les muffins, les pains, bref dans tout ce que vous cuisinez qui nécessite du sucre.

* Les entreprises exportant le sirop d'érable avaient jusqu'en décembre 2016 pour se conformer à la nouvelle classification. Celles qui ne vendent qu'au Québec ont jusqu'en décembre 2017.

Les produits L'Érablier sont offerts en ligne dès maintenant au coût de 39,99 $ pour 1,5 L.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

La nouvelle classification sépare les sirops d'érable selon leur couleur: doré, ambré, foncé ou très foncé.

Recette: Pétoncles poêlés, laque à l'érable

Afin de «sortir le sirop de la cabane», l'entreprise 29 février s'est associée avec la chef Anne Desjardins, qui crée des recettes gourmandes avec du sirop d'érable, mais en sortant des sentiers battus. Voici sa recette de pétoncles utilisant du sirop très foncé.

Pétoncles poêlés à l'unilatéral, champignons, radis, choux de Bruxelles et laque au sirop d'érable

Portions: 2

Ingrédients

300 g de gros pétoncles, frais de préférence

2 ou 3 c. à soupe d'huile d'olive

2 radis tranchés

3 choux de Bruxelles émincés et quelques pétales

6 petits champignons au choix

3 c. à soupe de laque au sirop d'érable 29 février (voir ci-bas)

Zeste de citron

Fleur de sel

Préparation

Retirer (si nécessaire) le petit muscle dur sur le côté des pétoncles et bien assécher sur des papiers essuie-tout.

Dans une sauteuse, faire revenir rapidement dans l'huile d'olive les choux de Bruxelles émincés et les pétales, les radis tranchés et les petits champignons. Saler.

Bien chauffer un poêlon à fond épais antiadhésif, verser un peu d'huile d'olive et déposer les pétoncles (cuire de ce seul côté). Après 3 minutes, verser un peu de laque au sirop d'érable, poursuivre la cuisson sans les retourner, jusqu'à ce qu'ils soient caramélisés. Saler et retirer le poêlon du feu.

Déposer les pétoncles dans des assiettes chaudes, ajouter les légumes, puis ajouter le reste de la laque. Parsemer de zestes de citron et de fleur de sel.

Laque aigre-douce au sirop d'érable

(Donne un litre, se conserve deux mois au frigo)

Ingrédients

500 ml de sirop d'érable très foncé

250 ml de vinaigre de cidre

250 ml de sauce soya

Préparation

Verser le sirop d'érable dans une casserole haute (car le sirop a tendance à déborder), porter à ébullition pendant environ 10 à 15 minutes, jusqu'à ce que la température atteigne 237 ºF ou 114 ºC. Retirer du feu.

Verser le vinaigre de cidre et la sauce soya dans la casserole (attention aux éclaboussures !).

Remettre sur le feu et laisser réduire de moitié, de 30 à 45 minutes, jusqu'à l'obtention d'une consistance sirupeuse.

Encadré

N'oubliez pas la date

De récentes recherches ont démontré que le sirop d'érable pouvait aider à prévenir l'apparition de l'alzheimer. Sa mère ayant elle-même souffert de cette maladie, François Décarie a décidé d'apporter sa contribution avec l'événement «N'oubliez pas la date», lancé il y a deux semaines. Ainsi, son entreprise 29 février versera 5 % des ventes de ses sirops L'Érablier à la Société Alzheimer du Canada. La moitié de l'argent amassé ira à la recherche et le reste, à des programmes régionaux partout au pays.

http://29fevrier.ca/noubliez-pas-la-date/

Photo Marc Antoine Dubois, fournie par 29 février

Pétoncles poêlés, laque à l'érable, de la chef Anne Desjardins.