Avoir une bonne batterie de cuisine est essentiel pour maîtriser la cuisson des aliments. Nous ferions cependant l'erreur de nous fier essentiellement aux prix, négligeant d'autres facteurs comme les matériaux, l'utilisation, l'entretien et l'ergonomie des casseroles et poêlons convoités, ou même la cuisinière sur laquelle ils seront utilisés. La Presse fait le tour de la question.

Il est facile de s'y perdre devant la variété d'ustensiles de cuisson offerte en grande surface. Voici quelques critères à regarder de plus près avant de céder aux promotions du mois.



SES BESOINS


Une personne qui habite seule n'a pas les mêmes exigences qu'une famille de cinq. « Il faut évaluer ses habitudes et ses besoins, conseille François Martel, directeur de l'Académie culinaire. Dans une batterie de cuisine préassemblée, il y a souvent des pièces qu'on finira par utiliser très peu et d'autres dont on aurait besoin en deux ou trois exemplaires. L'idéal est d'acheter à la pièce, ou encore, de se procurer une bonne batterie de cuisine et de compléter à l'unité. »

SON TYPE DE CUISINIÈRE

« C'est le premier facteur à considérer, affirme Michel Couture, de la Clinique de la casserole Del Mar, à Rawdon. La cuisson au gaz a ses particularités : les flammes ont tendance à monter le long des parois du chaudron. Si on veut cuire les aliments uniformément, on a besoin d'un modèle multimétal [aussi appelé intégral ou multiclad] qui répartit la chaleur de manière équivalente sur le fond ET sur les bords. »

Pour les autres types de cuisinières, on mise surtout sur un bon fond capsulé qui conduit adéquatement la chaleur à la base de l'ustensile. Il doit être muni d'un conducteur magnétique avec une teneur en carbone assez élevée pour qu'un aimant y tienne, dans le cas des cuisinières à induction. Et puisque la surface des modèles en vitrocéramique est fragile, oubliez la fonte, qui risque de l'abîmer.

LA COMPOSITION

Un fond de bonne épaisseur (2/8 à 7/8 de pouce) est essentiel pour bien contenir la chaleur. Sur le marché, 90 % des casseroles sont en acier inoxydable, un matériau robuste qui n'altère pas la saveur des aliments, mais qui ne peut toutefois conduire la chaleur. Pour cette raison, on y encapsule une feuille d'aluminium, de l'aluminium coulé (plus cher) ou un autre métal conducteur entre deux couches d'acier inoxydable, d'où la mention trois plis. Ce principe est appliqué également aux parois dans le cas des modèles multimétal.

Il ne devrait y avoir aucun jeu sous l'ustensile lorsqu'on le dépose sur une surface parfaitement plane, précise Pasquale Vari, professeur de cuisine à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec (ITHQ). Quant aux côtés, ils doivent être assez épais, idéalement droits plutôt qu'incurvés si on cuisine au gaz, puisque la flamme ira flatter autrement les parties proéminentes des parois.

L'ERGONOMIE

Prenez le temps de manipuler les ustensiles en magasin pour évaluer leur solidité, leur confort et le plaisir que vous aurez à les utiliser. « Des ustensiles, c'est comme de bons outils : il faut que ce soit adapté à la tâche à accomplir et que ça serve ! Laissez faire les gadgets. Ça prend du robuste, du fonctionnel et du durable », estime Pasquale Vari. Comparez entre eux les modèles plus chers et plus abordables pour vous donner une idée de la différence.

Le poids est un indice de qualité lorsqu'on compare deux modèles semblables. Mais un instrument lourd n'est pas forcément la meilleure option. « Une casserole en fonte n'est d'aucun intérêt si on n'a pas la force de la soulever. L'instrument doit être adapté à la personne qui l'utilise », précise le professeur de cuisine.

LA FINITION

Les poignées sont normalement en acier inoxydable et vont au four. Très peu d'ustensiles sont encore équipés de bakélite, un plastique noir cuit à haute température qui peut aller au four, mais se dessèche à l'usage. À rivets ou soudés ? Question de goût. Mais puisque celles qui sont utilisées sur des cuisinières au gaz seront soumises à la chaleur des flammes, mieux vaut privilégier les poignées rivetées dans ce cas, selon Michel Couture.

Quant au couvercle, l'important n'est pas qu'il soit lourd, mais qu'il se ferme bien sans laisser d'ouvertures, pour maintenir la chaleur à l'intérieur de la casserole et réussir les cuissons à l'étuvée. Plusieurs entreprises proposent des couvercles en verre : une fantaisie, selon les chefs, qui privilégient ceux en acier pour leur solidité.

L'ENTRETIEN ET LA DURABILITÉ

Certains matériaux, par exemple le cuivre qui est considéré comme l'un des meilleurs conducteurs de chaleur, exigent des soins particuliers. D'autres comme le verre ou le grès sont plus fragiles. Les antiadhésifs sont généralement moins résistants. Sachez ce qui vous attend avant d'acheter.

PHOTO FOURNIE PAR LE FABRICANT

Batterie à poignées de bakélite, Remy Olivier Novara

DE QUOI SONT FAITS VOS CHAUDRONS?

Survol des avantages et inconvénients de chaque type de matériau.

L'ACIER INOXYDABLE

La majorité des batteries sur le marché en est composée. Il a l'avantage d'être robuste, n'altère pas le goût des aliments et est facile d'entretien. La mention 18/10 indique les pourcentages de chrome (18 %) et de nickel (10 %) qui le composent et dont la combinaison prévient l'oxydation de l'acier. Peu importe la quantité de plis indiquée sur l'emballage, l'essentiel est que le fond et les parois aient une bonne épaisseur pour répartir adéquatement la chaleur.

LE CUIVRE

Il est l'un des conducteurs les plus performants: il réagit rapidement aux variations de température et conserve sa chaleur. Les batteries de cuisine en cuivre coûtent cependant plus cher et ternissent rapidement, ce qui nécessite un entretien rigoureux. Les modèles utilisés en cuisine sont normalement recouverts d'une couche d'acier inoxydable à l'intérieur, qui empêche que le cuivre ne se dégrade au contact d'aliments acides.

« Le cuivre ne devrait jamais entrer directement en contact avec les aliments, au risque d'occasionner des empoisonnements, prévient le chimiste et professeur à l'Université McGill Ariel Fenster. S'il n'est pas recouvert d'un autre matériau ou que la pellicule interne est abîmée, il doit être réservé comme élément décoratif. »

LA FONTE ÉMAILLÉE

La fonte est un bon conducteur. Elle conserve sa chaleur, ce qui en fait un bon choix pour les cuissons lentes. On pourra baisser le four sous la température indiquée dans la recette pour les mijotés, puisqu'elle a tendance à amplifier la chaleur, recommande Michel Couture. Non émaillée, elle doit être essuyée et huilée, jamais lavée à l'eau pour qu'elle ne rouille pas.

Si un poêlon en fonte est un bon investissement et un atout pour saisir, colorer et griller une viande, une batterie complète est inutilement lourde et chère à l'achat, selon le directeur de l'Académie culinaire, François Martel.

LE GRÈS ET LE VERRE

Le grès et le verre tolèrent des températures relativement élevées, dans la mesure où ils ne sont pas soumis à des écarts thermiques. Ils conviennent à la cuisson sur rond et au four et ont l'avantage d'aller au four micro-ondes. Ils sont également esthétiques, ce qui permet de les passer directement de la cuisinière à la table. Ils restent toutefois fragiles. « Ils peuvent être de bons choix pour les moules à pain, les gratins et les mijotés, mais ils restent des extras », estime François Martel.

À savoir: les céramiques et le verre sont réglementés au Canada. Les batteries de cuisine achetées à l'étranger peuvent toutefois contenir du plomb qui est considéré comme nocif pour l'organisme, prévient Santé Canada.

L'ALUMINIUM

C'est un bon conducteur de chaleur, à la fois léger et peu cher. On le retrouve au coeur des batteries en acier inoxydable, plus rarement comme matériau principal. Il est soupçonné d'être associé à la maladie d'Alzheimer. Pour cette raison, il n'est pas recommandé pour un usage domestique, indique Santé Canada.

« Il n'y a aucune preuve scientifique pour appuyer cette allégation, précise Ariel Fenster. On a retrouvé un pourcentage plus important d'aluminium dans le cerveau des personnes qui souffrent d'alzheimer, mais rien n'indique que ce n'est pas parce qu'elles absorbent davantage d'aluminium à cause de la maladie. Par ailleurs, notre absorption d'aluminium provient surtout d'aliments comme les feuillus qui absorbent l'aluminium contenu dans le sol. »

LES REVÊTEMENTS ANTIADHÉSIFS

Ils permettent de cuire les aliments dans un minimum de corps gras. Mais sont-ils une option santé pour autant? L'Agence de protection de l'environnement a défini l'APFO, un agent utilisé dans la fabrication d'enduits antiadhésifs, dont le téflon, comme étant potentiellement cancérigène. À haute température (350 ° F et plus), le téflon dégage en effet des fumées qui peuvent être irritantes et toxiques pour la santé, indique Santé Canada. Les nouveaux modèles d'antiadhésifs ne devraient plus contenir d'AFPO depuis 2015 et en font pour la plupart mention sur l'emballage. « Malgré tout, on ne devrait jamais les utiliser à haute température sur le rond », conseille Ariel Fenster. Si on a un doute que la casserole peut encore contenir de l'AFPO, mieux vaut la jeter. Même chose si le revêtement est rayé: les particules passeront à travers le système gastrique, mais une surface dégradée a plus de risque d'être touchée par la chaleur.

Un bon poêlon antiadhésif reste malgré tout un plus pour cuire les oeufs, les crêpes fines et les poissons qui sont plus susceptibles de coller, selon l'Académie culinaire et l'ITHQ, mais une batterie de cuisine complète recouverte d'enduit adhésif est inutilement fragile.

Les revêtements en céramique, titane et « façon pierre » sont des options moins controversées, plus durables, mais aussi plus chères.

Y METTRE LE PRIX OU PAS?

Il est plus agréable de cuisiner avec un produit de qualité, admettent les cuisiniers qui préfèrent avoir moins d'ustensiles, mais les veulent durables. Il n'est pas nécessaire, cependant, d'acheter les instruments les plus chers pour bien cuisiner.

« Le prix est directement associé à la qualité de la finition et des matériaux, à la réputation du fabricant et à la provenance des composantes qui entrent dans la composition du produit », explique Michel Couture, de la Clinique des casseroles Del Mar. On peut toutefois trouver une bonne batterie à prix raisonnable autour de 300 $ dans des marques comme Cool Kitchen, Strauss et Lagostina. Les modèles plus chers coûtent 800 $ et plus chez Paderno, Demeyere et Henckels.

« Prenez le temps de magasiner et de manipuler des modèles à 1500 $ et à 150 $ pour vous faire une idée de la différence et de ce que vous pouvez espérer dans la gamme de prix qui vous convient », conseille le directeur de l'Académie culinaire, François Martel.

Les grandes surfaces haussent généralement leurs prix pour ensuite offrir un rabais impressionnant à certaines périodes de l'année. « Une batterie de cuisine normalement vendue à 800 $ et qu'on réduit à 400 $ ne vaut pas plus que 400 $ », prévient toutefois Michel Couture, de la Clinique de la casserole Del Mar.

Les essentiels

• Trois casseroles ou fait-tout (deux poignées) de différents formats, autour de 1,9 L, 3,5 L et 5,9 L, suggère Michel Couture. Au besoin, une grande marmite de 9 à 10 L pour cuire les épis de maïs et le homard.

• Deux poêlons: un en inox, pour faire revenir et saisir les viandes, et l'autre antiadhésif pour les aliments plus délicats. Facultatif: une grande sauteuse (poêlon à parois plus hautes et parfois incurvées) pour « sauter » les aliments et cuire à l'étuvée.

Les bons gestes

La meilleure batterie de cuisine donnera des résultats moyens si elle est mal utilisée. Quelques erreurs qu'on pourrait éviter: 

• Ne pas cuire sur un rond trop fort. La température élevée devrait essentiellement servir à faire bouillir de l'eau.

• Ne pas déposer la casserole sur un rond plus petit, ce qui a pour effet de cuire davantage les aliments au centre.

• Une poêle antiadhésive est inefficace pour colorer une viande ou un poisson. On lui préfère la fonte ou l'inox. À l'inverse, les oeufs risquent de coller dans la fonte. Réserver chaque ustensile à ce qu'il fait de mieux.

• Ne pas cuire trop d'aliments à la fois.