Lorsque Ferran Adrià a visité Vancouver il y a deux ans, le propriétaire de l'ancien restaurant El Bulli, en Espagne, voulait goûter la cuisine du jeune Angus An. Si le chef du restaurant Maenam est peu connu au Québec, sa cuisine aux saveurs thaïlandaises ne cesse de se démarquer.

Situé dans le quartier branché de Kitsilano, à Vancouver, le restaurant Maenam a un menu qui ressemble a priori à ceux de la plupart des restaurants thaïlandais du coin. On y propose du pad thaï et des plats à base de cari, tout ce qui semble le plus conventionnel.

« Détrompez-vous, corrige le chef Normand Laprise. La présentation des plats et, surtout, leur goût n'ont rien à voir avec la cuisine thaïlandaise telle qu'on la connaît. »

La cuisine d'Angus An se démarque d'abord par la provenance et la qualité des ingrédients. Il importe chaque semaine de Thaïlande 200 lb de produits frais comme de la citronnelle, du basilic sacré, de la coriandre dents de scie et aussi des épices avec lesquelles il prépare ses propres sauces et sa pâte de cari maison, un élément essentiel de la cuisine thaïlandaise, que plusieurs restaurants préfèrent acheter déjà faite.

Maenam se trouve à quelques kilomètres de l'océan Pacifique. Le chef s'assure que les poissons locaux se trouvent au coeur de son menu. C'est ainsi qu'il a ajouté de la morue charbonnière, une espèce typique de la côte Ouest, dans sa soupe au poisson inspirée des saveurs du sud de la Thaïlande. Puisqu'il trouve du poisson de qualité, Angus An le sert souvent cru, comme dans sa salade thaïlandaise, bien que la pratique soit moins courante en Thaïlande.

Techniques européennes

Au-delà des produits qui se retrouvent dans ses assiettes, Angus An croit que ce qui distingue encore davantage sa cuisine est sa fine connaissance des techniques culinaires.

« La cuisine thaïlandaise est très intuitive, dit le chef en entrevue. Elle se prépare avec les sens et le palais. Je crois que c'est pour cette raison que la cuisine ethnique n'a pas la renommée qu'elle devrait avoir, car elle n'est pas préparée avec des techniques. »

Braiser, rôtir et cuire sous vide, Angus An a appris les façons de faire des grands chefs lors de ses études au French Culinary Institute de New York, mais aussi aux côtés de Normand Laprise au Toqué ! Angus An a travaillé trois ans à l'établissement, autrefois situé rue Saint-Denis, avant de s'exiler à Londres. C'est alors qu'on lui a proposé de travailler au Nahm, un restaurant de cuisine thaïlandaise haut de gamme.

« Apprendre la cuisine thaïlandaise a été le plus bel accident de ma carrière. Je pensais que la cuisine thaïlandaise était une version médiocre de la cuisine chinoise. J'ai été surpris », reconnaît le chef Angus An.

Aux côtés du chef David Thompson, il a découvert la base de la cuisine thaïlandaise : l'équilibre des saveurs. Il applique aujourd'hui cet élément clé dans son restaurant où chaque plat est pensé pour être partagé de façon à créer un équilibre entre les épices, la douceur et la texture.

Cuisine personnalisée

Normand Laprise s'est rendu il y a trois ans au restaurant de son ancien cuisinier à Vancouver. Il se rappelle avoir goûté presque tous les plats et s'être régalé. Il se souvient entre autres de l'entrée de crabe de Dungeness à base de gingembre, de lime et d'arachides, un mets tellement goûteux qu'il s'en était léché les doigts.

« Ce qui est remarquable dans son parcours, c'est qu'il ne s'est pas contenté de reproduire ce qu'il a appris, explique M. Laprise. Il a personnalisé sa cuisine. »

C'est d'ailleurs pour cette raison que Maenam vient de décrocher le titre de « restaurant de l'année » du Vancouver Magazine. Le magazine cite la critique gastronomique Anya Levykh, du Westender, qui explique qu'Angus An a non seulement réinventé la cuisine thaïlandaise, mais aussi l'expérience avec son décor moderne, ses accords et son service.

ANGUS AN EN BREF

A travaillé pendant trois ans au Toqué ! à Montréal.

A aussi travaillé dans plusieurs établissements étoilés, comme le Fat Duck, à Londres.

À 35 ans, vient de remporter le titre de « restaurant de l'année » par le Vancouver Magazine avec le Maenam.