Il n'y a pas que les super étoilés Michelin qui méritent le détour dans les grandes villes du monde. De plus en plus de jeunes chefs, stars de demain, font leur place au sein des tables nouvelles, mais néanmoins maintenant incontournables de toutes sortes de métropoles. Notre chroniqueuse gastronomique Marie-Claude Lortie nous parle aujourd'hui de Tatiana Levha au Servan, à Paris.

Le 11e arrondissement, à Paris, tellement convivial et ouvert, diversifié, sympathique et moderne qu'on a voulu le terroriser en novembre dernier, abrite un nombre élevé de restaurants créatifs, accessibles. La liste, préparez-vous, est longue. Il y a le Septime, Le Chateaubriand, Le Dauphin, Le Verre Volé, Aux deux amis, Au Passage, Clown Bar, Clamato, le 6 Paul-Bert, Obermama, Fulgurance l'adresse, La Buvette...

Chaque adresse a sa particularité, son caractère, et peut se détacher du lot. Or, Le Servan, brillante table de la rue Saint-Maur ouverte en 2014, mérite qu'on s'y attarde un peu. Son unicité: le restaurant est piloté par deux soeurs parisiennes nées à Manille d'une mère philippine et d'un père polonais. Ce sont Katia, la sommelière, et Tatiana Levha, la chef formée dans les grandes cuisines d'Alain Passard à l'Arpège et de l'Astrance de Pascal Barbot, deux triples étoilés Michelin.

Katia et Tatiana Levha font partie de la relève parisienne qui a solidement ramenée la ville à l'avant-plan de la gastronomie avec une offre aucunement guindée, abordable, cool et indéniablement ancrée dans l'expertise et le savoir-faire culinaire français à son meilleur.

Même s'il n'y a pas de nappes aux tables, même si on s'amuse avec des combinaisons d'ingrédients improbables, même si on s'y joue des traditions, au Servan, de faux pas, il n'y a pas.

«Pour moi, Tatiana et Katia représentent vraiment un talent nouveau, une cuisine nouvelle, la cuisine de demain, au sens où elle est à la fois libre, originale et très métissée, intégrant toutes sortes d'influences, pour encore plus de goût et de plaisir dans l'assiette», explique Camille Labro, journaliste gastronomique au quotidien Le Monde. «La cuisine de Tatiana est à la fois humble et créative, subtile et explosive. Et puis, c'est aussi une chef très consciente et responsable, qui ne travaille qu'avec des petits producteurs, à partir de produits bruts, pas forcément chers, mais bons, de saison, bien cultivés.»

Parmi toutes les bonnes tables nommées plus haut, Le Servan se distingue par ce souffle asiatique à la fois subtil et marqué, qui caractérise clairement les plats.

Tatiana, par exemple, utilise le chili piquant, ingrédient très rare dans la cuisine de bistro habituelle, et elle n'hésite pas à détourner les abats de leurs recettes traditionnelles. Par exemple, oubliez la tête de veau à la très classique sauce gribiche, Le Servan la sert plutôt avec des poireaux braisés.

Pour garder les prix raisonnables, on utilise des ingrédients simples, comme le chinchard ou les coques, par exemple, qu'on fait revivre élégamment. Et on arrose le tout de vins naturels, choisis minutieusement par Katia, le tout dans un environnement tout à fait classique puisque le restaurant est installé dans un ancien bistro requinqué de façon moderne et minimaliste.

On dit que le chef vedette américain d'origine asiatique David Chang adore Le Servan, tout comme les inspecteurs Michelin qui en disent grand bien sur leur site même si le restaurant n'est pas étoilé. Le Conde Nast Traveller l'a mis sur sa liste des adresses à suivre.

Mais on a juste besoin d'y aller une fois - à 43 euros, donc 62 $, pour le menu quatre services du soir - pour réaliser que c'est aujourd'hui un incontournable parisien sur qui on peut compter.

Tatiana Levha en bref

• 30 ans

• A travaillé à l'Arpège d'Alain Passard.

• Primée par le guide français Fooding en 2015, à peine quelques mois après l'ouverture du restaurant.

• Partage le restaurant avec sa soeur Katia, elle aussi née aux Philippines.

• Partage sa vie avec le chef étoilé Bertrand Grébaut de Septime.