Depuis longtemps maintenant, dans les journaux, à la télé, dans ses livres, Ricardo Larrivée s'est donné la mission de rendre la cuisine accessible, de convaincre tout le monde qu'il peut passer derrière les fourneaux. Tout le monde? Oui, même les enfants, grâce à un tout nouveau livre qui leur est destiné.

Assis dans sa cuisine, où des gens de son équipe s'affairent, Ricardo Larrivée se remémore une visite dans la classe d'une de ses filles, où il allait témoigner de son métier de cuisinier.

«Je suis allé leur faire de la limonade. J'ai acheté des citrons Meyer, je me suis dit: on va faire une limonade de la mort. La moitié de la classe a détesté ça...», dit-il, encore amusé.

«C'est bon, ça te ramène à la réalité! Les élèves disaient que ça ne goûtait pas le citron. Je leur ai dit: «On a mis des citrons, de l'eau et du sucre, comment ça peut ne pas goûter le citron?» Un citron, ça ne goûte pas le Life Saver et la tarte Sheriff. C'est bon, un Life Saver, mais c'est une essence de citron. Je ne dénigre jamais ce qu'ils aiment.»

Ricardo y a vu une belle occasion de parler citrons, d'apprendre aux enfants qu'il en existe plusieurs variétés. C'est ce qu'il fait inlassablement depuis qu'il a fait son entrée sur la scène publique. En 2000 déjà, dans les pages de ce journal, il répondait aux questions des lecteurs, qui voulaient savoir ce qu'était le mesclun ou le wasabi.

Celui qui a fait de l'éducation culinaire sa carrière admet que les choses ont bien changé en quelques décennies. Les herbes fraîches ont remplacé les herbes séchées dans la plupart des cuisines, le parmesan reggiano a supplanté le fromage râpé commercial. «Soeur Angèle, les Taillefer, Daniel Pinard et moi, on a fait, je pense, une grande différence. C'est vraiment un collectif.» L'éducation culinaire des Québécois est impressionnante, juge-t-il.

S'il enseigne, Ricardo Larrivée se garde bien de juger ou, pire, de se présenter en gourou alimentaire. «Mon métier, ce n'est pas de dire au monde quoi faire. Je ne rentre pas dans les guerres alimentaires, je n'y crois pas. Je ne crois pas aux miracles non plus, je ne ferai pas de livre pour dire comment maigrir en mangeant des carottes. J'aurais été plus populaire plus vite en prenant une tangente plus choc, en allant contre une industrie ou une autre. Après 20 ans, je pense que je prouve qu'être juste équilibré, c'est payant.»

Le bonheur de manger

Ricardo sait qu'on attrape les enfants par le ventre et son nouvel ouvrage sent le sucre dès les premières pages. Bien qu'il contienne des recettes de brocoli et de chou-fleur, le livre s'ouvre avec le chapitre des desserts.

«Ce n'est pas pour rien qu'on commence par le dessert. On a demandé aux jeunes: vous voulez quoi dans un livre? Du monde santé et des bons docteurs qui peuvent nous dire comment on peut élever nos enfants, on en a plein. Mais un enfant, c'est intelligent: il ne va pas se laisser mourir de faim et, d'instinct, il ne mangera pas de gâteau pendant un mois! Il faut arrêter d'angoisser, c'est une pression sur les parents...»

S'il s'en remet à l'intelligence des enfants, Ricardo Larrivée croit aussi fermement à celle de leurs parents. «Des morons, il y en aura toujours. Mais quel parent ne veut pas que son enfant soit heureux, en santé? Je sais que tu as un problème de temps, que des fois tu as un problème d'argent: ma job, c'est de trouver une solution à ces problèmes», dit-il.

Et pour une rare fois, Ricardo s'emporte. «C'est ça qui me fait chier des restrictions dans les écoles et de tous les ayatollahs. Moi, je n'étais pas bon à l'école, j'étais malheureux. Mon bonheur, c'était de manger ma demi-lune Vachon le midi. Et là, y'en a qui vont décider que je ne peux pas manger ma demi-lune? Je les méprise. Ils ne pensent pas aux enfants quand ils font ça, ils essaient de jouer aux parents moralisateurs...»

Il ne faut donc pas chercher la morale dans Mon premier livre de recettes. Par contre, il y a une volonté claire d'enseigner à lire une recette comme il se doit, de nommer les choses comme elles doivent l'être, de distinguer le mélangeur du robot culinaire. Et, aussi, de s'amuser. «Je n'avais aucun autre objectif que de faire faire aux enfants des recettes de base, qu'ils vont aimer et qu'ils vont vouloir répéter.»

Et une fois qu'ils auront appris leurs bases, ils auront tout le loisir de continuer à cuisinier, toute leur vie. «Les enfants sont heureux devant la cuisine. Comment peut-on leur laisser cette étincelle?», demande le père de famille. Il a déjà un bon point de départ: en commençant par le dessert.

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Ricardo publie également La mijoteuse 2, une «suite» à son livre La mijoteuse qui a été son plus grand succès d'édition à ce jour.