Temple de la cuisine italienne, Eataly, à la fois supermarché, lieu de production, restaurant et centre culturel, est à l'origine une «idée banale» qui a conquis le monde et ouvrira à Paris en 2018 «avec humilité», selon son fondateur, Oscar Farinetti.

«Nous avons préféré ouvrir notre premier magasin en Europe hors de l'Italie à Munich (Allemagne, d'ici la fin de l'année), car en France, on ne peut pas ''se louper''», confie-t-il dans un entretien à l'AFP.

En France, le premier magasin de la chaîne, créée en 2007 à Turin, sera situé dans le Marais à Paris, dans un bâtiment de 4000 m2, propriété du Groupe Galeries Lafayette.

«Même s'il ne va ouvrir qu'en 2018, nous sommes déjà très émus parce que nous confronter au marché français est très compliqué», assure le fondateur de la chaîne, 61 ans et physique rondouillard.

Eataly, qui a réalisé près de 300 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2014 (+45% par rapport à 2013) et pourrait être cotée en Bourse en 2016, possède déjà près de 30 magasins dans le monde, dont la moitié en Italie.

Pour M. Farinetti, «les Français sont le peuple le plus compétent en matière de nourriture. C'est pourquoi nous ne voulons pas nous tromper: nous irons donc là-bas avec humilité».

Même s'il soutient que l'Italie a «deux avantages» par rapport à la cuisine française: primo, sa biodiversité «plus importante», et secundo, sa cuisine «qui ne naît pas dans les restaurants, mais qui est domestique, familiale, simple».

Car pour lui, le but d'Eataly, détenu à 60% par la famille Farinetti, à 20% par le fonds d'investissement Tamburi, le reste appartenant à l'associé historique Luca Baffigo, est que chacun cuisine plus et mieux.

Tout le concept est basé «sur une idée qui n'est pas géniale, pas non plus simpliste, mais banale», insiste-t-il. «Après avoir mangé un foie gras dans un restaurant en France, tu reviens chez toi pour le refaire et tu te tapes la tête contre les murs. Alors que si tu manges en Italie un risotto ou un plat de spaghettis au restaurant, quand tu rentres chez toi, tu arrives plus ou moins à faire pareil», relève-t-il.

Nuances des consommateurs

Rencontrés au hasard des rayons du magasin de Rome, le plus vaste de l'enseigne (17 000 m2), les clients semblent plutôt séduits par le concept.

«Le choix est excellent, supérieur à ce qu'on trouve dans les supermarchés et chez les cavistes», explique Vincenzo Sisi devant les rayonnages de Barolo, de Montepulciano ou de Pinot Grigio. «On y mange bien même si les prix y sont plus élevés qu'ailleurs».

Esmeralda Perez, une Espagnole née à Bruxelles et vivant à Rome, trouve cependant l'ensemble trop «bruyant».

«Si on cherche quelque chose d'intime, pour un tête-à-tête amoureux, il ne vaut mieux pas venir ici», ajoute-t-elle, avant de se diriger vers le coin où la mozzarella est produite chaque jour.

Ces nuances des consommateurs s'ajoutent aux critiques de la presse jugeant Oscar Farinetti vendu au grand capital, lui qui pourtant cite comme «mentor» l'inventeur du mouvement écologique et équitable Slow Food, Carlo Petrini.

Ainsi, selon l'enquête du journaliste d'investigation Stefano Santachiaria parue dans le magazine de gauche Left en septembre, «le salaire des employés ne dépasse pas les 1.000 euros pour 40 heures par semaine et le recours au temps partiel et aux CDD est fréquent».

Mais ceci ne fait qu'effleurer la moustache d'Oscar Farinetti. Depuis fin septembre, «je ne suis plus rien dans l'entreprise», dit-il.

Il n'est plus administrateur délégué - à ce poste figurent désormais ses trois fils et Luca Baffigo -, ni président - rôle dévolu à Andrea Guerra, ancien directeur général du groupe d'optique de luxe Luxottica -, ni même actionnaire.

Laisser Eataly vivre sa vie pour peut-être inventer autre chose, voilà son credo: «De toute façon, tous les 10 ans, j'aime changer de métier».