En janvier, on troque la triste laitue boston d'hiver contre l'escarole et l'endive; les choux à la crème contre des tablettes de chocolat noir à 85%; les arachides sucrées-salées contre un beurre de noix de Grenoble. Rien de tel que l'amertume pour rincer le palais, gâter son système digestif et se remettre à neuf!

Votre foie n'a peut-être plus envie d'entendre parler de boisson, mais sachez que c'est notamment grâce aux liquides que l'amertume est au goût du jour. En Amérique, l'engouement pour les bières de microbrasserie très houblonnées, pour les cocktails à l'ancienne avec du vermouth et des amers, pour le chocolat «de la fève à la tablette» de plus en plus noir, entre autres choses, a permis à nos papilles d'apprivoiser et d'apprécier l'amertume. De plus en plus, elles en redemandent.

Pissenlits dans la salade, amers dans nos verres: même combat! Et voilà que l'auteure Jennifer McLagan, la fée des mal-aimés, propose l'entre-deux idéal, avec son livre Bitter.

«Pour moi, le fait que plusieurs aliments amers soient bons pour la santé, c'est un bénéfice supplémentaire!», lance la lauréate du prix Cookbook of the Year de la prestigieuse James Beard Foundation pour son livre Fat (2008).

En effet, livre sur l'amertume n'est pas synonyme de livre de recettes «détox». Loin de là! D'autant plus que le meilleur moyen d'équilibrer l'amertume dans un plat, c'est d'y ajouter du gras et du sel - et non pas nécessairement plus de sucre, comme le veut la croyance populaire.

Amertume complexe

Tout comme les livres Bones et Odd BitsBitter place un groupe d'aliments dans un contexte culinaire accessible, alléchant, intelligent. En plus de recettes tentantes à souhait, Mme McLagan truffe son livre d'anecdotes personnelles, mais surtout de données historiques et scientifiques bien pertinentes.

«Ce que j'ai trouvé le plus intéressant en faisant mes recherches pour ce livre, c'est tout ce qui relève de la science du goût. Il y a tant d'éléments qui conditionnent notre expérience à table! L'amertume, c'est complexe. Il existerait plus de 1000 réactions chimiques qui signalent l'amertume au cerveau. D'ailleurs, les gens confondent parfois l'amertume avec l'aigreur. C'est fascinant, tout ça.»

La chef de formation, née en Australie, partage son temps entre Toronto et Paris. Elle est bien placée pour savoir que l'amertume est un goût que certaines cultures apprécient plus que d'autres. Les Italiens, par exemple, adorent leurs amari (boissons amères), comme le Campari, l'Aperol, le Fernet Branca, le vermouth et autres apéritifs aromatisés. Les Français sont de grands consommateurs de chicorée de toutes sortes. Les Chinois vouent un culte à leur melon amer. Le café, quant à lui, est une boisson presque universellement appréciée, dont l'effet stimulant a aidé à faire passer l'amertume.

Si l'adulte moyen a réussi à aimer la bière, le thé, le café, le chocolat noir et les cocktails qui ouvrent l'appétit, il n'y a pas de raison pour que le pissenlit, la chicorée, le rapini ou le quasi introuvable cardon ne soient pas plus souvent invités à table.

Bitter - A taste of the World's Most Dangerous Flavor, with Recipes, de Jennifer McLagan, éd. Harper Collins, 263 p., 39,99 $

Doser son amertume

Conseils de Jennifer McLagan pour apprivoiser l'amertume.

> Commencer par la salade, en remplaçant progressivement les laitues plus traditionnelles par des verdures amères, comme la roquette, l'escarole, la chicorée, le pissenlit, etc.

> Acheter du chocolat avec un pourcentage de cacao de plus en plus élevé.

> Commander un negroni (gin, vermouth, Campari) dans un bon bar à cocktails!

> Déglacer sa poêle avec un peu d'espresso ou ajouter un carré de chocolat non sucré à sa sauce. On peut même épaissir une sauce avec du cacao dilué dans un peu d'eau.

> Cuisiner avec des bières amères, de style IPA.

Photo fournie par l'éditeur

L'auteure Jennifer McLagan a fait des découvertes sur la science du goût en s'intéressant à l'amer durant la préparation de son livre Bitter