La cerise d'Itxassou, village de la montagne basque, a failli disparaître avant d'être sauvée par une douzaine de producteurs qui ont réintroduit des variétés locales uniques, utilisées pour la fameuse confiture, un fruit si apprécié qu'il fait l'objet d'une grande fête après sa cueillette, le 1er juin.

À la veille de la Fête de la cerise, Mirentxu Elissalde, 43 ans, à la ferme Antxondoa, exploitation de 20 hectares, récolte avec sa famille les fruits de ses 300 cerisiers qu'elle transforme, pour une grande part, en confiture. Il ne s'agit pas de lambiner, car la saison dure seulement un mois, de mai à juin.

Le ramassage s'effectue à la main, 40 jours après la floraison, le fruit est cueilli soit avec la queue pour la vente en frais et les cerises au vinaigre, soit sans la queue pour la confiture de cerises noires.

«Les meilleures années, nous récoltons jusqu'à une tonne de cerises. C'est une culture aléatoire, s'il pleut trop au moment de la floraison, elle ne peut pas être pollinisée. Il y a deux ans, mes 300 cerisiers n'ont donné qu'un kilo», commente Mirentxu.

La cerise d'Itxassou fait l'objet d'une demande d'un signe de qualité et de l'origine (Siqo) auprès de l'Institut national de l'origine et de la qualité (Inao) qui gère les Apellations d'origine protégée (AOP). «Nous sommes convaincus qu'elle en a tous les ingrédients. Le terroir, les variétés locales et la notoriété», estime Maryse Cachenaut, de l'association «Xapata», du nom d'une des variétés de cerises d'Itxassou, et dont les adhérents sont propriétaires de 3000 arbres.

En année normale, la production atteint quatre tonnes transformées en confiture principalement et deux à quatre tonnes de cerises fraîches.

Pour l'heure, la cerise d'Itxassou bénéficie du logo «cerise d'Itxassou». C'est le seul à garantir l'origine locale: la Peloa, la plus précoce, la Beltxa, la noire, ou la Xapata, la rouge.

Nouvelles perspectives économiques

«On sent un nouvel attrait pour notre cerise avec d'autres perspectives économiques, notamment les restaurateurs l'utilisent pour accompagner le fromage de brebis, en gelée au piment d'Espelette agrémentant l'agneau ou le canard sans oublier, xapata sur le gâteau, le gâteau basque à la cerise d'Itxassou», note Maryse Cachenaut.

Benat Bonnet, jeune restaurateur inventif à l'Hôtel du Fronton à Itxassou, décline un menu autour de la cerise avec, entre autres, l'escalope de foie gras aux cerises. «Notre cerise possède une pointe d'acidité qui révèle sa rondeur», se régale-t-il.

Une production d'une centaine d'arbres, s'il y a transformation, permet de rémunérer une personne, estime Maryse Cachenaut. À la ferme Antxondoa, c'est le pari qu'a fait Mirentxu: «quand j'ai repris la ferme en 1990, à la suite de ma mère - ici les hommes passent, les femmes restent  plaisante-t-elle - nous étions dépendants de notre production laitière de brebis». «La crise du lait est arrivée, j'ai eu peur», souffle-t-elle.

«La Fête de la cerise, créée vers 1940, prenait chaque année plus d'ampleur, les restaurateurs l'utilisaient de plus en plus, j'ai donc décidé de replanter des cerisiers», confie-t-elle. Ce qui n'était pas du goût de sa mère: «elle m'a reproché de sacrifier un hectare sur du plat, rare au Pays basque», sourit-elle.

«Aujourd'hui, la cerise participe de 10 à 20% de mon chiffre d'affaires», indique-t-elle tout en vérifiant dans le grand chaudron en cuivre, matériau important pour l'homogénéité de la cuisson, la texture de sa confiture cuite sans gélifiant. «Dès qu'elle nappe l'assiette comme la lave d'un volcan, je la mets en pot», explique-t-elle.

Pour la très courue Fête de la cerise dimanche 1er juin à Itxassou, elle prévient toutefois: «attention, avant de mettre le doigt dans le pot de confiture, vérifiez que l'étiquette porte la mention ''cerises d'Itxassou'' et non ''cerises noires'', car, dans ce cas, elle ne provient pas d'Itxassou».