Les jeunes pousses ont déjà conquis les tables des plus grands chefs, séduits par les couleurs vives, les saveurs délicates et variées, la fraîcheur et la texture croquante de ce produit d'exception. Petites et fragiles, ces fines tiges font maintenant leur place sur les étals des épiceries spécialisées et des supermarchés. On ose même en faire la culture chez soi.

De la terre à la table

Fort jolies et goûteuses, les jeunes pousses regorgent de nutriments, à notre plus grand bonheur, et peuvent facilement être cuisinées au quotidien.

«Il y a 30 ans, j'étais seule à manger mon lunch de graines germées et de pousses. On me montrait du doigt», confie Édith Bergeron. Depuis neuf ans, elle anime des ateliers fort courus de germinations et de jeunes pousses sur terreau. «Je me réjouis de voir l'engouement pour ces plantes, de pouvoir partager mes connaissances, de faire sentir et goûter. Il existe une grande variété de graines à faire germer en pot ou sur terreau: céréales, légumineuses et noix. Elles donnent vie aux salades, aux sandwichs. Elles peuvent même faire de très jolis centres de table.»

Les pousses de sarrasin, de tournesol et l'herbe de blé comptent parmi les plus populaires. Pousses de radis, de pois, de lentilles, de coriandre, de moutarde et de betterave donnent aussi d'excellents résultats. Jolies et sucrées, les pousses de maïs font fureur dans les restaurants.

Si les germinations (luzerne, trèfle rouge, fenugrec, lentilles, etc.) poussent en pot dans l'eau et à l'obscurité, les jeunes pousses sont des graines qui, après le trempage, poussent sur terreau en étant exposées à la lumière. «Pour chaque graine, on peut choisir la germination en pot ou la pousse sur terreau, mais le résultat ne sera pas toujours heureux. Certaines graines, comme le blé et le radis, sont polyvalentes. D'autres beaucoup moins», dit Édith Bergeron. Par exemple, la luzerne sur terreau, très amère, est à tout coup un échec, selon elle.

Gorgées de nutriments

«Les jeunes pousses sont de petits légumes à gros pouvoir nutritionnel, indique la nutritionniste Vanessa Perrone de Motive Nutrition. Leur densité nutritive est effectivement plus élevée que leurs versions matures, notamment pour ce qui est de leur teneur en vitamines et caroténoïdes.»

En 2012, des chercheurs de l'Université du Maryland ont mesuré la teneur en nutriments de 25 graines et jeunes pousses offertes sur le marché. Les fruits de leurs travaux ont été publiés dans le Journal of Agricultural and Food Chemistry. Les pousses les plus nutritives? Les pousses de chou rouge, de coriandre et de radis, qui contiennent jusqu'à 69 fois plus de nutriments que leurs homologues matures.

Les pousses de chou rouge contiennent 69 fois plus de vitamine K, 40 fois plus de vitamine E et 6 fois plus de vitamine C que le chou rouge. Les pousses de coriandre ont trois fois plus de bêta-carotène que la coriandre mature. Plus elles sont colorées, plus les pousses sont vitaminées.

«Il est vrai que la quantité de vitamines et d'antioxydants augmente avec le temps de germination, mais est-ce que ça a un réel effet sur la santé? Il est trop tôt pour le dire», souligne Bernard Lavallée, nutritionniste chez Extenso, le Centre de référence sur la nutrition de l'Université de Montréal. «L'important n'est pas de s'attarder à la forte teneur d'un seul nutriment. Il faut favoriser une consommation variée de légumes, dont les pousses font partie, pour bénéficier d'un maximum de vitamines et minéraux.»

Un aliment miracle?

Les adeptes de l'alimentation vivante avancent que les jeunes pousses regorgent de protéines de qualité supérieure, d'enzymes qui favorisent la digestion (et la détoxification du corps), ainsi que de chlorophylle. Un cocktail miraculeux, vraiment?

«Une croyance répandue veut que les graines germées et les pousses soient bourrées de protéines parce que certaines viennent des légumineuses. Elles sont riches en protéines certes, mais ça reste avant tout des légumes», explique Bernard Lavallée. Dans une demi-tasse de fèves de soya crues, on trouve 12 g de protéines, tandis qu'une demi-tasse de fèves de soya germées contient 5 g de protéines. «La germination ne crée pas des protéines et n'améliore pas leur qualité.»

«La chlorophylle, responsable de la coloration verte des plantes, ne joue pas de rôle démontré dans la nutrition humaine, mis à part de fournir du magnésium», ajoute la nutritionniste Vanessa Perrone. Et s'il y a bel et bien production d'enzymes, elles ne participent d'aucune façon à la fonction digestive du corps humain. «Elles ne facilitent pas la digestion et n'aident pas à nettoyer le corps qui le fait très bien lui-même, souligne Bernard Lavallée. Ceci dit, les graines germées et jeunes pousses sont des aliments très intéressants à intégrer à son alimentation parce que c'est une façon de manger davantage de légumes.»

Faciles à cultiver à la maison, les jeunes pousses présentent plusieurs avantages, selon le nutritionniste. «On peut avoir des légumes frais à portée de main même l'hiver, et ce, à faible coût et en peu de temps. C'est un aliment nutritif, local et bio qui permet de varier l'alimentation. Les cultiver peut être une belle expérience à réaliser avec les enfants.»

Bon à savoir

Voici quelques conseils pour bien tirer profit des jeunes pousses.

COMMENT CONSERVER LES POUSSES?

En général, les pousses se conservent entre 7 et 10 jours. Si on choisit un produit vendu dans un sac, il faut s'assurer que les pousses soient bien essorées et que leur emballage soit le plus sec possible. Lorsqu'il reste de l'eau dans le sac, les pousses ont tendance à mal se conserver, même à pourrir. Si elles sont vendues dans des barquettes de plastique, on peut les conserver dans ce récipient, au réfrigérateur. «C'est bien important de ne jamais laisser le contenant ouvert. Lorsqu'on utilise des pousses, il faut refermer le contenant et le replacer au réfrigérateur le plus rapidement possible. La déshydratation par l'air, c'est ce qui endommage le plus le produit», souligne Nathalie Roy, cofondatrice des Jardiniers du chef. «Dès l'apparition de flétrissement et en présence d'une odeur suspecte, on jette», ajoute le nutritionniste Bernard Lavallée.

QUELLES SONT LES CONTRE-INDICATIONS?

Les femmes enceintes, les personnes âgées, les jeunes enfants (moins de 2 ans) et les personnes au système immunitaire affaibli devraient s'abstenir de consommer germinations et jeunes pousses. La chaleur et l'humidité offrent des conditions idéales au développement de bactéries comme la salmonelle et l'E. coli. Si on les fait cuire, le risque est grandement diminué.

QUELLES GRAINES DOIT-ON ÉVITER?

Toutes les graines des plantes de la famille des solanacées (dont les feuilles sont toxiques) sont absolument à éviter: tomate, aubergine, poivron et rhubarbe. Si on fait la culture, on opte pour des graines biologiques de préférence (que l'on nettoie avant utilisation) et on s'assure d'avoir un environnement hygiénique optimal.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE