Dans la maison de Hansel et Gretel, ces plaques de 5 kilos serviraient de dalles ou de parements... À Wieze en Belgique, la «plus grande chocolaterie du monde» sort 900 tonnes de gourmandise par jour.

Des super lingots de chocolat défilent à vive allure, des poudres tressautent sur les tapis roulants, des flots bruns sont brassés en coulées épaisses et crémeuses: c'est le royaume de Willy Wonka, l'excentrique de «Charlie et la Chocolaterie».

Propriété du groupe Barry Callebaut, ce fantasme ultra-chocolaté posé sur 125 hectares dans la campagne flamande, à une heure à l'ouest de Bruxelles, où s'affairent 800 salariés, est aussi un laboratoire d'innovation et de recherche destiné aux professionnels. C'est là que le numéro un mondial du chocolat industriel (40% des ventes) concocte ses recettes de demain pour satisfaire une demande mondiale insatiable et sans cesse renouvelée.

Les marchés du chocolat ont progressé de 12% en volume l'an dernier en Asie, notamment en Chine, tirant les ventes du groupe en poudre de cacao, à partir de laquelle s'élaborent biscuits, crèmes glacées, boissons chocolatées et diverses préparations industrielles.

Barry Callebaut est né en 1996 du mariage des deux maisons historiques, la française Barry et la belge Callebaut. Le groupe a son siège à Zurich. Il achète environ un quart de la production mondiale de fèves (4 millions de tonnes en 2011-12) pour les traiter dans l'un de ses 50 sites. Wieze est le plus important avec 25 lignes de production, qui combinent traitement de la matière première et produits finis.

Ici arrivent les fèves fermentées, désinfectées et torréfiées dans leur pays d'origine en Afrique (Ghana, Côte d'Ivoire, Togo, Tanzanie), Amérique du Sud (Venezuela) et Asie (l'île de Java, en Indonésie). Concassées, pressées, elles libèrent un jus noir et épais comme une réglisse, la liqueur de cacao dont sont extraits pour moitié le beurre de cacao (46%) et la poudre (54%).

Au beurre, on ajoute lait, sucre et autres ingrédients aux combinaisons tenues secrètes pour donner les chocolats dits de couvertures pour les chocolateries, les enrobages et les glaçages.

Des chocolats clés en main

Le groupe sert essentiellement des industries qui vendent sous leurs propres marques (80% de environ de ses clients) et des artisans de ville qui élaborent leurs produits à partir de ces ingrédients livrés clés en main jusqu'aux décorations, des feuilles de tatouages, fabriquées non loin à Courtrai.

Au final, Barry Callebaut se retrouve dans un produit en chocolat sur cinq dans le monde.

«On leur fournit les idées, les concepts, les produits, les recettes: c'est du prêt-à-emploi», indique Frédéric Depypère, directeur de Recherche et Développement. Quel que soit leur segment, poursuit-il, le groupe aide ses clients à définir «une signature, une identité».

Ses experts sont appelés à l'aide pour résoudre des problèmes récurrents en chocolaterie: l'élimination des taches blanches en surface dégagées par les matières grasses.

Sur une étagère, numérotés pour rester anonymes, des produits «tachés», nougats aux amandes, barres de céréales, biscuits et leur solution: les mêmes, sans tâche. Impossible bien sûr de les filmer ou d'en connaître le secret.

«La structure joue un rôle essentiel», reprend M. Depypère: «Comment garder une surface brillante, un peu cirée, craquante sous la dent tout en restant fondante? Comment prolonger ce temps de craquage autour d'une glace par exemple, et rendre jaloux tous vos voisins au cinéma?».

«La fève de cacao, avec plus de 20 000 composants, est aussi complexe que le pétrole brut», remarque Herwig Bernaert, responsable de l'innovation.

Barry Callebaut, associé à de nombreux instituts universitaires, compte une vingtaine de scientifiques comme lui, purement dédiés au cacao, à sa fermentation, à la création de nouvelles lignes, moins sucrées, plus légère, sans lactose... Le groupe est déjà détenteur d'une quarantaine de brevets.

Car le chocolat, comme la pâtisserie, est aussi une affaire de chimie.