C'est le nouvel or blanc de Californie : avec l'habitude du grignotage et le goût des douceurs qui s'installent en Chine ou en Inde, l'amande voit ses prix exploser sans limite à l'horizon.

«Les prix ont quasiment doublé en trois ans... tout le monde espérait encore un recul si on avait une bonne récolte en vue. Mais l'intérêt est toujours aussi soutenu», rapporte à l'AFP l'importateur belge Philippe Ranson.

PDG de la société du même nom, qui achète des fruits secs dans le monde entier pour les réexpédier à 4 000 entreprises (pâtisseries, boulangeries et confiseries) dans 32 pays, M. Ranson est rentré de son dernier voyage californien avec un sentiment d'urgence.

«Urgent de se couvrir avant l'été», a-t-il lancé à ses troupes, d'autant que le Ramadan tombant en juin, il provoquera une demande supplémentaire sur la fin de campagne 2012. Urgent aussi de prévoir «au plus vite» les premiers embarquements de la nouvelle récolte, fin septembre/début octobre, destinés aux festivités de fin d'année.

«C'est la période où on a besoin de beaucoup d'apports, en comptant avec un mois de transit: or mi-février, en Californie, on faisait déjà les affaires pour les premiers embarquements d'octobre».

La Californie assure 84 % de la production mondiale d'amande sur ses 6 000 plantations. Un tiers de la récolte reste sur le marché américain. Le reste part principalement vers l'Asie, dont plus de la moitié vers la Chine et l'Inde, et l'Espagne (le 2e producteur mondial).

En 2006-2007, le Almond Board of California (ABC) avait expédié 698 millions de livres (316 000 tonnes). Cette saison, il table sur plus de 2 milliards de livres (environ 1 million de tonnes). Un record qui battra celui de 2012, déjà année exceptionnelle.

Culture fragile

«Au cours des 5 dernières années, nos exportations ont crû d'environ 12 % par an et elles ont plus que doublé en dix ans. Mais elles ont augmenté de plus de 40 % sur 5 ans en Chine», constate John Talbott, spécialiste des marchés émergents au Board, joint par l'AFP à Modesto, Californie.

Pour lui, c'est principalement la consommation de collations, des encas à grignoter entre les repas, qui tire cette spectaculaire croissance, suivie par celles de barres chocolatées.

«La poignée d'amandes, c'est la collation parfaite, c'est sain. Comme les Occidentaux, les classes moyennes chinoises ou indiennes commencent à se préoccuper de leur santé, de leur diabète»... Le Board ne se prive d'ailleurs pas de campagnes agressives sur le sujet.

En Inde, assure-t-il, la demande a augmenté de 15 % en 2012 et de 20 % en 5 ans. En Corée, elle a grimpé de 29 % l'an dernier.

La Chine, poursuit John Talbott, s'est d'ailleurs lancée dans la production. Pour le moment le résultat n'est pas probant: «C'est une culture très fragile, ils n'ont pas le bon climat» remarque-t-il.

De toute façon, juge un bon connaisseur de l'amande sous couvert d'anonymat, «même en s'y mettant vraiment, il faut compter 5 ans pour la première récolte et 10 à 15 ans pour une qualité acceptable sur le marché».

En attendant, la Californie augmente ses surfaces de 15 000 acres (6 000 ha environ) d'une année sur l'autre, profitant des prix tirés à la hausse par la demande. Elles comptent actuellement 800 000 acres d'amandiers (324 000 ha).

Pour M. Talbott, seule l'augmentation des prix tirée par la demande pourrait calmer les consommateurs. Mais le Board estime déjà que d'ici 2021, en misant sur l'urbanisation et le développement, 83 % de la population chinoise, 55 % des Indiens, 46 % au Bangladesh ou 64 % au Vietnam et 39 % au Nigeria pourront offrir de nouveaux débouchés.

«C'est sûr que si j'étais agriculteur dans la bonne région, je me mettrais moi aussi à planter des amandiers», confie Philippe Ranson.