Le fromage fondu en portions, UHT pour une longue conservation hors froid sous les tropiques, a trouvé son nouveau paradis en Afrique où le groupe français Bel voit son chiffre d'affaires exploser avec le développement des classes moyennes.

«40 % de La vache qui rit vendue dans le monde l'est en Afrique», a indiqué mercredi à la presse le vice-président de Bel pour le continent, Frédéric Nalis: «Notre chiffre d'affaires a augmenté de 72% depuis 2008 et déjà de 29% sur le premier semestre 2012».

«L'Algérie est notre premier marché au monde, le Maroc le second. On a déjà 150 millions de consommateurs sur le continent», pour lesquels l'industriel a diversifié ses parfums (olives, barbecue...) et enrichi ses recettes en calcium et vitamines, conformément aux recommandations de l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé.

Chaque année, 12 milliards de La vache qui rit sont vendues sur le continent (70 000 tonnes), dont un quart à la portion, à 90% sur les marchés et par les vendeurs de rue.

La nouveauté, c'est justement ces 10% écoulés dans les supermarchés qui se développent parallèlement aux commerces informels - ce qu'ont bien noté d'ailleurs les géants américain, français et sud-africain du secteur qui affluent sur le continent.

Même s'il faudra encore sans doute 20 ans avant que les supermarchés dépassent le petit commerce, comme au Moyen-Orient, estime M. Nalis, leur essor accompagne celui des classes moyennes qui, de 20% de la population africaine aujourd'hui, devraient doubler d'ici 2030 à 400 millions d'individus et atteindre 660 millions en 2050 (35%).

«C'est un phénomène lourd, en train de transformer le continent», relève-t-il en commentant une étude conduite pendant 20 mois sur les habitudes de consommation des classes moyennes africaines avec le sociologue-photographe Joan Bardeletti et Science-Po Bordeaux.

«C'est la première génération de classe moyenne urbaine, des familles réduites avec 2 ou 3 enfants, qui consacrent un tiers de leur budget à l'éducation», note M. Bardeletti: ces nouveaux urbains organisent «un mode de consommation qui leur est propre, entre la tradition africaine des marchés et le modèle occidental du supermarché».

D'où l'intérêt «de marques fortes», et d'un produit vendu en portion individuelle, qui se conserve pendant neuf mois même au soleil et remplace, progressivement, la margarine dans les en-cas de la journée vendus aux carrefours par les mamas de Kinshasa, Brazzaville ou du Ghana.