Très peu consommé il y a 30 ans, le chocolat gagne aujourd'hui le coeur des Chinois. Pendant que les Nestlé, Cadbury et Ferrero luttent pour obtenir la plus grosse part du gâteau, un Québécois veut faire connaître aux Pékinois la joie de manger du «vrai chocolat».

Lorsqu'il s'est lancé, il y a sept ans, dans la confection de chocolats, Laurier Dubeau s'est donné pour mission de faire découvrir aux Chinois le «vrai chocolat». Car si les étalages des dépanneurs et supermarchés du pays regorgent de tablettes commerciales, les chocolats fins demeurent une denrée rare. «Le chocolat chinois goûte la paraffine! déplore le Bouchervillois d'origine. Il faut utiliser du beurre de cacao véritable, pas de l'huile végétale.»

Après avoir effectué une étude de marché, analysé les goûts des consommateurs et suivi des formations sur la confection du chocolat et sur l'hygiène, Laurier Dubeau a lancé La Place Collection avec une amie canadienne d'origine chinoise. Bien que située dans Sanlitun, le chic quartier des ambassades et des expatriés, la petite chocolaterie possède une clientèle majoritairement chinoise. Le volet entreprise fonctionne bien, puisque plusieurs banques et compagnies locales souhaitent offrir des cadeaux à leurs clients et employés, notamment lors du Nouvel An chinois et de la Fête de la mi-automne. Plus de la moitié du chocolat vendu en Chine est offert en cadeau, souvent dans le but d'entretenir son «guanxi» (réseau de contacts).

Adaptant son art à la culture locale, Laurier Dubeau confectionne chaque année, pour la Fête de la mi-automne, des gâteaux de lune en chocolat, un clin d'oeil aux célèbres pâtisseries que la plupart des Chinois ingurgitent à cette période de l'année. Intéressé par la médecine traditionnelle chinoise, il intègre aussi à ses créations des ingrédients qui, selon cette tradition, auraient des effets bénéfiques: thé vert, noix de ginkgo, ginseng, fleurs d'Osmanthus. Les vertus attribuées au chocolat noir ne font cependant pas encore courir les consommateurs chinois. Le chocolat au lait, surtout celui aux noisettes, reste ici le favori.

Du chocolat au naturel

Laurier Dubeau s'est également donné comme mandat de confectionner un chocolat plus «santé» et moins riche en matières grasses. Il n'utilise ni colorants, ni agents de conservation, ni saveurs artificielles et dénonce les fabricants qui surutilisent le sucre et le beurre pour faire durer leur produit. Pour lui, un chocolat est meilleur s'il est simple, naturel et si son goût n'est pas altéré par un additif. Préoccupé par la sécurité des aliments, dans un pays où les scandales alimentaires sont fréquents, le chocolatier s'approvisionne majoritairement à l'extérieur de la Chine: la crème provient d'Europe, les fruits séchés des États-Unis et des pays méditerranéens, tandis que le chocolat, déjà transformé, provient de France (Valrohna) et de Belgique (Belcolade).

Si en Occident plusieurs sont prêts à payer davantage pour des truffes de qualité, il en va autrement en Chine. Pour plusieurs, la beauté de l'emballage a plus d'importance que la qualité du contenu.

Une culture du chocolat tend néanmoins à se développer, selon Laurier Dubeau. «Lors des premières années, il fallait éduquer les clients, souligne-t-il. Mais, les Chinois sont de plus en plus curieux. Plusieurs d'entre eux ont voyagé. Ils ont goûté à des produits de qualité et recherchent cela lorsqu'ils reviennent à la maison.»

Malgré une hausse évaluée à 10 ou 15% par année, la consommation de chocolat demeure faible dans l'empire du Milieu. À peine 100 g de chocolat y sont consommés en moyenne par personne chaque année, comparativement à près de 11 kg en Suisse, un pays très chocophile. Malgré tout, 100 g par personne dans un pays comptant 1,3 milliard d'habitants, donnent au bout du compte une quantité non négligeable de tablettes de chocolat.