Il y avait le boeuf de Kobé, né au Japon et élevé à la bière, il y aura peut-être dans les assiettes françaises le "Vinbovin" après une expérience réussie à Lunel-Viel sur trois bovins, deux angus et un camarguais, nourris quatre mois avec du vin languedocien dans leur alimentation.

L'idée est venue du président d'une association de défense du vin, Jean-Charles Tastavy. Ce viticulteur a eu connaissance de deux expérimentations, l'une au Canada et l'autre en Espagne où le responsable affirme qu'un animal heureux donne de la meilleure viande.

«Pourquoi ne ferions-nous pas chez nous ce que d'autres font ailleurs ?» s'est demandé M. Tastavy. Avec le concours du conseil général de l'Hérault et de la FDSEA, une association a donc été créée, la marque «Vinbovin» déposée et des règles ont été édictées.

«Pour chaque animal, l'alcool ingéré doit représenter l'équivalent de la consommation recommandée par les autorités de santé pour un homme, à savoir deux ou trois verres de vin par jour. Pour un bovin, cela fait 1 litre à 1 litre et demi», détaille M. Tastavy.

En 2011, le projet d'un essai, une première en France, est lancé. Et c'est Claude Chaballier, propriétaire d'une manade où les taureaux en surplus sont de toutes façon destinés aux abattoirs, qui a accepté de se lancer dans cette aventure. Une deuxième expérience est prévue à partir d'août-septembre.

Après les dernières vendanges, les trois bovins ont ainsi reçu du marc de raisin complété par de l'orge aplatie et du foin à volonté, le tout arrosé... d'eau. Ensuite, deux litres de vin de Saint-Geniès des Mourgues ont remplacé le marc. «Les bovins ont apprécié le menu et mangé avec appétit», assure M. Chaballier.

Mariage gastronomique

«J'ai pensé leur donner la prochaine fois du Muscat pour donner un goût plus musqué à la viande», ajoute ce manadier, administrateur du syndicat des éleveurs héraultais qui veut croire que «meilleure est la qualité du vin meilleure est la viande».

Ce mariage gastronomique de l'élevage avec la viticulture a été à la hauteur des espoirs placés par son initiateur. «On l'a dégustée», se souvient l'éleveur, relevant le «rendement intéressant» d'une bête qui s'est développée particulièrement et des «morceaux goûteux».

Pour M. Chaballier, reste un bémol : le prix, même si cette nourriture est limitée dans le temps, à savoir environ 4 mois. La valeur journalière du repas des animaux élevés au vin est multipliée par trois, de 5 à 15 euros, soit le kilo de viande autour de la centaine d'euros pour les parties les plus nobles.

Cette notion de luxe, Laurent Pourcel, chef étoilé au Michelin, ne la nie pas. Mais à ses yeux, il n'y a pas d'hésitation à avoir car les éleveurs ont intérêt à produire cette viande «à la texture très spéciale, belle, persillée, fondante qui caramélise à la cuisson».

«Elle a une finesse de goût très marquée. Plus on la laisse rassir et se détendre, meilleure elle est», ajoute le cuisinier qui achète déjà depuis quelques temps de la viande élevée au vin au Chili par des Espagnols mais souhaite pouvoir utiliser «des produits locaux».

M. Pourcel a déjà convaincu quelques-uns de ses confères lors d'une présentation effectuée dans son restaurant. «Toutes les grandes tables parisiennes vont prendre», prédit l'artiste des fourneaux, soulignant que cette viande représente un débouché pour les éleveurs et les vignerons de la région.