Par une belle matinée ensoleillée, les passants se bousculaient au marché Raspail, dans le 6e arrondissement de Paris, entre les étals de commerçants proposant des fruits et légumes de qualité, une infinité de fromages, de la viande, du poisson ainsi que... des hamburgers et des tacos.

Cette improbable addition potentielle au menu des habitués de l'endroit est imputable à un entrepreneur canado-américain de Los Angeles, Jordan Feilders, qui y installe régulièrement depuis quelques mois son camion de cuisine de rue, le Cantine California.

Les inscriptions en anglais sur les flancs du véhicule signalent d'emblée l'objectif du jeune homme de 28 ans, qui propose des plats de restauration rapide américains concoctés avec des ingrédients de qualité provenant de France et d'ailleurs.

Des «tortillas pressées à la main», du «vrai fromage» et de la «viande biologique» sont utilisés dans la composition des mets au menu, où figurent des créations résolument exotiques pour les Français comme les cupcakes.

«Ce n'est pas mauvais du tout. Et les frites sont délicieuses», a souligné Anne Soussand, nouvelle cliente d'origine française rencontrée pendant qu'elle testait le hamburger.

Son amie Ann Aufort, originaire de Chicago, se disait aussi enthousiaste. «Ce n'est pas facile de trouver un bon hamburger à Paris», a-t-elle souligné.

Les deux femmes ont déjà fréquenté un autre commerce du même genre, Le camion qui fume, qui a lancé le phénomène à Paris l'automne dernier. «On n'y va plus parce qu'il faut attendre plus d'une heure pour être servi. Il y a trop de monde», relate Mme Aufort.

La fondatrice de l'entreprise, Kristin Frederick, est aussi californienne. Après avoir suivi une formation culinaire classique en France et travaillé dans des restaurants réputés des deux côtés de l'Atlantique, elle a décidé d'importer dans l'Hexagone la formule découverte à Los Angeles.

Les camions de cuisine de rue, dit la femme de 31 ans, répondent à la volonté d'un nombre croissant de personnes de consommer des mets sains et savoureux à bon prix. Ils offrent en même temps une liberté de création énorme pour les chefs.

«On peut laisser tomber tous les extras [les verres chic, la vaisselle de qualité, etc.] pour se consacrer entièrement à la nourriture», souligne Mme Frederick, qui prévoit lancer un second camion sous peu. Le véhicule déjà en circulation s'installe dans des marchés préétablis ou dans des espaces privés, comme le font depuis longtemps des vendeurs de merguez ou de frites avec des ambitions gastronomiques moins relevées.

Tout comme M. Feilders, la créatrice du Camion qui fume souligne qu'elle a dû batailler ferme pour surmonter les tracasseries administratives liées au lancement de son projet. La mairie de Paris, dit-elle, a adhéré au concept avec enthousiasme et doit aujourd'hui composer avec un afflux de demandes.

La Californienne affirme qu'elle ne serait pas surprise de voir plusieurs chefs de renom emboîter le pas avec des initiatives similaires dans les mois et les années qui viennent.

Certains créateurs culinaires français de renom s'intéressent déjà vivement à ce que les médias appellent le street food et cherchent à soutenir les initiatives à ce sujet. C'est le cas notamment de Thierry Marx, qui s'est fait l'apologiste de ce qu'il appelle la «cuisine nomade».

«J'ai très envie que les camions de cuisine de rue se développent ici. Voyons ce que les gens réussiront à tirer de leur créativité», souligne Mme Frederick, qui s'amuse à l'idée de voir un jour un de ces commerces mobiles salué par le guide Michelin.

«Je ne pense pas que je pourrais avoir une étoile en offrant des hamburgers. Mais qui sait ce qui peut arriver si je lance un camion gourmet?», conclut-elle en riant.