Ils sont là pour une fête d'enfants, pour un repas entre amis ou en amoureux, ou encore pour une grande réception. Les traiteurs, créateurs de petites bouchées et de grands plats, sont partout, pour le plus grand plaisir de nos papilles. Portrait d'un métier qui profite de l'apport de chefs accomplis... et ne cesse de gagner en popularité.

L'été dernier, quatre cuisiniers de La Salle à manger ont fondé Pas d'cochon dans mon salon, un traiteur à leur image: sans compromis.

Pourquoi? «On voulait sortir du cadre, plus restrictif, du restaurant», répond Samuel Fortier-Auclair, l'un des quatre chefs. Accompagner les clients du début à la fin, fêter avec eux, rien de moins. Sans pour autant lésiner sur la qualité. La formule traiteur est certes plus souple, mais les exigences sont aussi élevées qu'au resto de l'avenue du Mont-Royal. Et la philosophie reste la même: travailler des produits de saison, à partir d'animaux entiers transformés de la tête à la queue...

Les menus de Pas d'cochon dans mon salon sont dressés sur mesure, selon le type d'événement. Ils ne sont jamais établis à l'avance. Il s'agit pour les cuisiniers d'accorder la plus large place au client, mais aussi de garder jalousement leur liberté.

Certains ont délibérément quitté la restauration au nom de cette liberté et d'un luxe encore plus grand: le temps.

Franca Mazza est propriétaire d'un service de traiteur haut de gamme installé au Marché public 440, à Laval. Après avoir tenu la barre du resto Il Mulino, dans la Petite Italie à Montréal, elle a parfait sa formation à New York, aux Quatre Vents, à Anjou, et chez Milos, sur l'avenue du Parc.

Puis elle a décidé de se retirer du milieu. «J'avais envie de disposer librement de mon temps, de ne pas travailler du lundi au samedi à des heures impossibles, affirme celle qui est aujourd'hui chef propriétaire de L'Atelier de Franca Mazza. Je travaille toujours autant, mais avec la certitude que je peux arrêter quand je veux sans nuire à mon entreprise.» Son nouveau mode de vie lui permet de se promener d'un marché à l'autre, «comme une gitane», de briser la monotonie d'un menu 100 fois recommencé, d'une cuisine toujours la même. Bref, de se réinventer constamment.

Les chefs traiteurs

Ils sont nombreux les chefs qui sont aussi traiteurs. Les boîtes repas de Jérôme Ferrer (Europea), par exemple, sont très populaires pour les repas d'affaires.

Il est aussi possible de réserver pour une soirée l'équipe du M sur Masson ou celle d'Apollo. À la maison ou au bureau, on peut louer le camion à tacos de Grumman 78. L'Auberge Saint-Gabriel a démarré son Auberge sur la route. Et, secret bien gardé, certains petits établissements, comme Fuchsia épicerie fleur ou Café Prague, se déplacent à la demande de particuliers ou d'entreprises.

Chez les traiteurs plus traditionnels, quelques «vétérans» sont devenus des valeurs sûres: Avocado, Cornellier traiteur, Agnus Dei, Ian Perreault traiteur et même l'équipe de Crudessence.

L'histoire de Crudessence est un peu différente des autres. Au départ, l'entreprise proposait exclusivement un petit service de traiteur. Les fondateurs, David Côté et Mathieu Gallant, livraient à vélo leurs boîtes repas. Un an plus tard, l'intérêt pour l'alimentation «vivante» (une cuisine biologique, végétalienne et sans cuisson) les a encouragés à ouvrir rue Rachel Ouest un bar à jus qui est vite devenu restaurant et boutique.

Depuis, d'autres projets ont vu le jour, dont l'Académie d'alimentation vivante. Le service de traiteur est toujours actif, mais il est moins sollicité. Crudessence s'est transformé en raison de la demande. Ses clients ont insisté pour que soient mis sur pied des cours de cuisine, des conférences... Les entrepreneurs ont exaucé leur souhait. Et ce, ironiquement, même si le traiteur offre la marge la plus intéressante.

Question de rentabilité

Car offrir un service de traiteur peut être plus rentable que de se lancer dans la restauration, une entreprise hautement risquée.

Pour Marie-Pierre Denis, la décision de devenir traiteur s'est presque imposée d'elle-même. Après avoir travaillé dans plusieurs brigades, dont celle du regretté Anise, de Racha Bassoul, elle s'est inscrite au certificat en gestion d'entreprise et a préparé un plan d'affaires. Elle envisageait au départ d'ouvrir un restaurant, mais elle s'est rapidement aperçue que son projet, sans l'aide d'un associé, était irréalisable. Diplôme en poche, elle lance donc Chef à votre service.

Elle n'a jamais regretté ce choix. Le rythme de vie plus souple du traiteur lui convient. Il lui permet notamment d'assurer elle-même le transport de ses repas. Car Marie-Pierre Denis a conçu un service de livraison à domicile. Chaque semaine, elle met en ligne un nouveau menu. Les clients, principalement des familles avec des enfants en bas âge, des professionnels et des personnes âgées, commandent leurs repas de la semaine. Le mardi suivant, la chef distribue ses plats dans des contenants réutilisables. Le lien avec le consommateur est direct et, privilège, elle peut vérifier en personne l'appréciation de ses plats.

Les experts

Denise Cornellier pratique le métier de traiteur depuis 25 ans. Pour elle, le traiteur se distingue du restaurateur en cela qu'il est à la fois cuisinier et conseiller. Le client se présente souvent avec une idée vague de ce qu'il veut. La tâche du traiteur est de mettre les bons mots sur ses besoins, de rendre l'abstrait concret. «La particularité du traiteur est son adaptabilité. Les gens ne connaissent pas assez les services qu'on peut leur offrir. Ont-ils besoin de personnel? De verres à vin? De décorer une salle? C'est aussi ça, notre expertise», dit cette pionnière.

Le traiteur, comme le résume Denise Cornellier, est un chef... d'orchestre.