Une pincée de floralies d'épilobes, quelques graines de myrica, une pincée de nard des pinèdes: on dirait la liste d'ingrédients tirée d'un livre de recettes exotiques venues de contrées lointaines. Erreur. Ces épices poussent toutes à l'état sauvage dans le Bouclier canadien. Pour changer de l'ordinaire, il faut parfois faire un retour à ses origines. Rangez les herbes de Provence, essayez les parfums de la forêt boréale.

La coopérative forestière de Girardville, au Lac-Saint-Jean, se spécialise depuis trois ans dans la cueillette des végétaux aromatiques poussant à l'état sauvage dans la forêt boréale, vendus dans certaines épiceries de produits du terroir ou d'aliments naturels (www.dorigina.com). Tous les produits sont certifiés biologiques. La récolte se fait à la main par des équipes de cueilleurs formés à l'identification des plantes, et veille à la régénération de la ressource. En voici cinq à découvrir.

1. Poivre des dunes

Les chatons d'Aulne vert, cet arbuste de 3 m de haut poussant dans les terrains sablonneux, n'ont pas été rebaptisés sans raison le poivre des dunes: ses fruits ressemblent à s'y méprendre aux fruits du poivrier long, avec leur forme cylindrique et leur couleur sombre. Mais la similarité se remarque aussi en bouche. Broyé au mortier, le poivre des Dunes remplacera dans les recettes le poivre long ou le poivre rose avec, en prime, quelques notes de citron et un peu plus d'amertume. Pour assaisonner le gibier avant sa cuisson au BBQ et les salades de légumineuses et d'agrumes.

2. Racine de céleri sauvage

La racine de céleri sauvage ne peut être cueillie que tous les deux ans. Séchée à froid, elle a un goût légèrement salé qui permet de relever les plats sans y ajouter de sodium, un avantage non négligeable pour les personnes souhaitant limiter leur consommation de sel. Plus parfumée que le céleri «commun» - il s'agit même de l'une des épices les plus aromatiques de la forêt boréale - elle se râpe sur les salades, les potages et les purées et se marie particulièrement bien au poulet. Poser une racine entière dans une papillote de poisson avec une pincée de poivre des dunes, cuire au four à 350°F une dizaine de minutes.

3. Graine de myrica

Petit arbuste aimant le bord de l'eau, le myrique baumier est bien connu des marcheurs en forêt. Complètement différent du sapin baumier, il s'apparente plutôt à un petit plant de laurier et ses fruits, les graines de myrica (de son nom latin), sont souvent comparées à la muscade. Assez amère, la graine de myrica s'harmonise bien avec la bière, blonde ou brune, et c'est un choix judicieux pour assaisonner les charcuteries ou relever tous les plats à base de tomate. À essayer notamment dans cette recette de gaspacho: mixer ensemble deux tasses de courgettes non cuites partiellement pelées coupées en cube, 125 ml de bouillon de poulet ou de légumes, 20 ml d'huile de pépins de raisin, une tomate coupée en dés et une cuiller à thé de graines de myrica. Servir froid. Se marie aussi avec le laurier, le thym et le carvi.

4. Poudre de thé des bois

La poudre de thé des bois est l'une des rares épices boréales susceptibles de se marier avec les desserts. Ses feuilles se ramassent dans les pinèdes, à genoux, à moins de 20 cm du sol avant d'être séchées puis réduites en une poudre très fine, vert tendre. Elle remplace la menthe fraîche ciselée dans les desserts au chocolat ou les salades de fruits. Pour se rafraîchir, l'été, mélanger          2 cuillers à thé de poudre de thé des bois, 2 cuillers à thé de pétales de roses, 60 ml de jus de citron fraîchement pressé, 30 ml de sirop de canne avec 500 ml d'eau.

5. Bouquet d'armoise

Connue depuis l'Antiquité, l'armoise commune est aussi parfois appelée l'«herbe à 100 goûts» et l'on dit d'elle qu'elle peut remplacer non pas une seule épice, mais bien un bouquet entier d'herbes de Provence. D'une taille variant entre 60 cm et 2 m de haut, vivace, elle a un joli feuillage dentelé et ses fleurs, séchées, ne doivent être ajoutées qu'en fin de cuisson pour remplacer le thym, le romarin, l'origan et le laurier, entre autres. Pour accompagner les poissons blancs: faire suer un oignon haché, deux gousses d'ail écrasées et une branche de thym dans une poêle, déglacer avec 100 ml de vin blanc, réduire à sec, ajouter 2 tasses de crème 15%, un bouquet d'armoise et laisser réduire de moitié.