«Artiste chocolatier» réputé à Paris, Patrick Roger «part dans l'inconnu» en étant le premier Français à ouvrir une boutique en plein coeur de Bruxelles, où règnent en maîtres les puissants chocolatiers belges qui ont depuis longtemps conquis la France.

Léonidas, Godiva, Marcolini, Neuhaus, Côte d'Or, Wittamer... Toutes les grandes enseignes sont installées place du Sablon, dans le centre historique de la capitale. Tant et si bien qu'elle a gagné le surnom de «place Vendôme du chocolat belge».

C'est donc avec surprise que ces commerces implantés parfois depuis plus d'un siècle ont vu débarquer à la fin 2011 Patrick Roger, inconnu dans le royaume.

Ce Normand de 43 ans, «meilleur ouvrier de France» en 2000, s'était jusqu'alors concentré sur Paris, où il a ouvert depuis 1997 sept magasins offrant ses chocolats «inspirés», comme le Katmandou (à la fleur de jasmin) ou l'Hypoxie (ganache et bière)

Patrick Roger affirme «ne pas avoir programmé» son arrivée dans «le pays du chocolat». «Je me promenais place du Sablon quand j'ai vu cet immeuble du XVe siècle à vendre. J'ai foncé car le lieu est extraordinaire», raconte-t-il.

La boutique, très design, a ouvert à temps pour les fêtes de fin d'année. «L'accueil est bon. Surtout le week-end où les Bruxellois viennent se balader dans le quartier, riche en antiquaires et en restaurants», témoigne-t-il.

Mais, au-delà du succès de curiosité, le Français réussira-t-il à croquer une petite part de l'énorme marché du chocolat en Belgique, un pays où la plupart des amateurs sont fidèles aux traditionnelles pralines fourrées à la crème ou à la ganache?

Chocolats «grand cru»

«Il faut rester modeste. Avec cinq millions d'euros de chiffre d'affaires, ma société est vraiment toute petite par rapport aux chocolatiers belges, les plus puissants d'Europe avec les Suisses», souligne Patrick Roger, qui cultive sa réputation d'entrepreneur atypique avec ses cheveux mi-longs et ses souliers de course.

L'ouverture de son magasin place du Sablon a d'ailleurs été accueillie sans crainte par les autres enseignes. «Un chocolatier de plus, c'est stimulant et cela peut attirer de nouveaux clients», salue Caroline Vindevogel, porte-parole de Neuhaus.

Mais, pour un professionnel de la place, «Patrick Roger va probablement souffrir. Car ses prix sont trop élevés par rapport aux nôtres. Les Belges n'ont pas l'habitude de dépenser 40 euros pour une boîte de vingt chocolats même s'ils sont très beaux et bons».

À quelques mètres de la boutique du Français, celle du Belge Pierre Marcolini ne désemplit pas. Pour des prix plus modérés, les amateurs viennent y goûter ses tablettes carrées et ses chocolats «grand cru» Chuao (Venezuela), Las Pampas (Pérou) ou Kendem Lembu (Indonésie), qui ont «dépoussiéré l'image du chocolat belge», selon leur créateur.

Énergique et engagé contre «l'uniformisation des goûts», Pierre Marcolini possède aujourd'hui 25 boutiques, dont 9 en Belgique, et a fait de la France l'axe de son développement à l'étranger, avec l'Asie.

«Paris est incontournable. Car on y trouve une véritable exigence de qualité et l'authenticité des produits y est de plus en plus célébrée», s'enthousiasme ce défenseur de la «haute chocolaterie».

Après avoir développé cinq points de vente ces trois dernières années, Pierre Marcolini «regarde les opportunités d'ouverture qui se présentent à Paris, mais aussi à Cannes, Monaco...».

Quelles que soient les suites de son «aventure bruxelloise», la capitale française reste aussi la priorité pour Patrick Roger même «si la concurrence y est particulièrement féroce».