Les Basques sont réputés têtus. Et c'est bien d'obstination qu'il faut faire preuve pour dénicher, à Montréal, leur cuisine tout en poivrons, poissons et soleil. Mais le jeu en vaut largement la chandelle...

«Des restaurants basques à Montréal, malheureusement, il n'y en a pas», tranche le chef cuisinier Gérard Couret. Depuis que son établissement, Vents du Sud, a rendu son dernier souffle il y a quelques années, trouver un menu 100% basque en ville relève en effet des travaux d'Hercule. Mais elle vaut le coup: le Pays basque, petit territoire à cheval entre le sud-ouest de la France et le nord-est de l'Espagne, offre une gastronomie traditionnelle, simple et variée, aussi bien issue de la mer (morue, calmars) que du terroir (piments, fromages, viandes). Heureusement, en écumant les enseignes françaises ou espagnoles de la métropole, il demeure possible d'en glaner, çà et là, quelques becquées.

Premier arrêt, rue Roy, où règne le restaurant Pintxo (prononcer «Pine-tcho»); un nom sur - et dans - toutes les bouches des Basco-Québécois. Les pintxos, mot basque signifiant «cure-dent», savent piquer la curiosité du palais: oeufs brouillés à la morue, bajoue de boeuf braisée, foie gras, gésier de canard...

«On les confond souvent avec les tapas, mais ils sont plus petits et se mangent en plusieurs services», spécifie le chef, Alonso Ortiz. Jonglant entre tradition et créativité, ce dernier confectionne des assiettes de bouchées dignes des comptoirs de San Sebastián, cité du Pays basque espagnol où il s'est initié à cet art.

Autre adresse incontournable: Les Pyrénées, rue Saint-Paul dans le Vieux-Montréal. «Chez nous, la cuisine basque représente environ un quart de la carte, souligne le propriétaire, Carlos Anegas. La sauce basquaise, composée de tomates, de poivrons, d'oignons et d'ail, constitue l'une de nos principales bases de sauce.»

Elle nappe ainsi de grands classiques, tels le poulet basquaise, la piperade (un mijoté de légumes, complice idéal du jambon de Bayonne) ou encore le marmitako, un ragoût de thon conçu par les pêcheurs basques.

Également au menu, une terrine de foie de volaille et un jarret d'agneau braisé. Varié, vous dit-on! Enfin, le dessert venu, la cerise n'est pas seulement sur le gâteau, mais aussi à l'intérieur: M. Anegas est l'un des rares chefs montréalais à préparer le gâteau basque, sorte de galette garnie de cerises noires. Simple, sec, mais surtout savoureux!

Messes basses et mets basques

On trouve aussi d'autres adresses à Montréal, mais elles sont ardues à repérer: il s'agit d'enseignes françaises ou espagnoles ayant aménagé dans leur menu un petit coin basque, confidentiel, l'histoire d'un plat ou deux.

Ainsi, Denis Peyrat, chef de cuisine chez Le Valois (dans Hochelaga-Maisonneuve), ose les chipirons à l'encre et à la plancha, avec coulis de pimientos du piquillo. Du chinois? Non, du basque typique. Il s'agit en fait de calmars coupés en rondelles et grillés, nageant dans leur propre encre tournée en crème. Quant au coulis, petite touche personnelle du chef, il est obtenu à partir de piments doux de Navarre, habituellement farcis à la morue. «Nous servons aussi de la piperade avec du jambon cru, très populaire pour les brunchs», indique M. Peyrat. Histoire de ne pas embrouiller les gourmets québécois, ce plat a dû être rebaptisé «légumes provençaux», au risque de soulever l'ire des puristes! Mais Le Valois devrait se faire pardonner: on chuchote qu'un menu intégralement basque pourrait voir le jour sous peu...

En attendant, on peut tenter sa chance auprès du restaurant Plein Sud, sur l'avenue du Mont-Royal Est, qui propose sporadiquement les mêmes types de plats.

Cogner aux portes espagnoles du Plateau peut aussi s'avérer fructueux. El Gitano et Casa Galicia servent tous deux une lotte à la sauce biscayenne (une variante parfumée au thym ou au romarin).

En revanche, gare au nom trompeur du Biarritz, tout nouveau restaurant de tapas du boulevard Saint-Laurent, qui ruinera les espoirs de l'amateur en quête d'authenticité.

Moralité de ce jeu de piste: même si Montréal n'abrite pas vraiment une table basque de A à Z, il demeure possible d'en trouver le b.a.-ba!