Ne sachant trop ce qu'elle trouverait ici, la chef marocaine Meryem Cherkaoui a débarqué à Montréal avec ses citrons confits, ses olives violettes, son huile d'argan et son eau de fleur d'oranger. Après un premier tour de reconnaissance avec l'équipe du chef Marc De Canck, du restaurant La chronique où elle est reçue, Mme Cherkaoui a réalisé qu'elle ne manquerait de rien. Ceux qui dégusteront son repas sept services non plus!

Du reste, la chef qui s'émerveillait vendredi matin devant les pétoncles de chez nous, aime bien s'adapter aux produits locaux. C'est après tout ce qu'elle a fait lorsqu'elle est rentrée dans son Maroc natal après une formation à l'Institut Paul Bocuse, à Lyon, et des stages dans quelques-unes des grandes tables de l'Hexagone. Forte de sa base française, la jeune femme s'est mise à travailler les ingrédients et les préparations phares de la cuisine marocaine. Cela a donné par exemple une pastilla au confit de canard et au foie gras (du foie gras produit au Maroc, d'ailleurs), des ravioles farcies au tajine de moules, une espuma au safran.



En 2002, âgée de 25 ans seulement, Meryem Cherkaoui a ouvert La maison du gourmet, à Casablanca, avec son mari français Philippe Pesneau. Ce ne fut pas de tout repos.



«Malheureusement, dans les restaurants de Casablanca, ça ne se passe pas beaucoup dans l'assiette. Il faut que ça flashe et que ça brille. Il y a plein de beaux endroits féeriques, mais on n'y mange pas toujours très bien.»



Les premières années de La Maison du gourmet ont donc été difficiles. D'abord, c'était le début des attentats-suicides à Casablanca, qui semaient la terreur dans la ville. Puis après, le jeune couple a eu l'impression que les gens ne comprenaient pas ce qu'ils essayaient de faire en cuisine.



Mais les étrangers qui brassent des affaires à Casablanca, capitale économique du Maroc, se sont éventuellement décidés à essayer cette nouvelle table. Puis les Marocains l'ont adoptée à leur tour. «Aujourd'hui, nous sommes bien établis», déclare fièrement cette pionnière de la haute gastronomie marocaine.



Meryem et son mari ont d'ailleurs ouvert un atelier de cuisine en 2010, appelé Saveurs des chefs, où ils offrent des cours pour amateurs et pour professionnels. La gastronomie intéresse de plus en plus de Marocains... et de Marocaines.  Alors qu'elle était à la tête d'une brigade entièrement masculine, Meryem embauche aujourd'hui quelques femmes dans sa cuisine. «Ça crée un équilibre et une ambiance plus sereine. Puis les hommes font enfin attention à ce qu'ils disent dans la cuisine!»

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Meryem Cherkaoui est au restaurant La Chronique, du 20 au 23 février. Cette activité de Montréal en lumière est complète.